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Corse : l’ancien fugitif Germani devant la justice

Plusieurs figures du grand banditisme corse sont jugées à Marseille, soupçonnées d’association en vue de venger la mort du baron de la Brise de Mer, Richard Casanova, leur mentor.

Par  (Marseille, correspondant)

Publié le 06 février 2016 à 12h32, modifié le 06 février 2016 à 13h28

Temps de Lecture 4 min.

Le tribunal correctionnel de Marseille juge depuis mercredi 3 février cinq Corses soupçonnés de composer « le clan des héritiers de Richard Casanova », baron de la bande criminelle de la Brise de Mer. Selon la police judiciaire, « ils étaient prêts à défendre de manière violente le patrimoine occulte de celui-ci ». Abattu le 23 avril 2008, Richard Casanova passait pour « le cerveau du casse du siècle », le vol de 124 millions de francs (18,9 millions d’euros), le 25 mars 1990 à l’Union des Banques suisses de Genève.

Face au tribunal, Jean-Luc Germani, 50 ans, son beau-frère qui fut longtemps « l’homme le plus recherché de France », et ses coprévenus ont d’abord été soupçonnés d’avoir vengé leur mentor en tuant Jean-Claude Colonna. Le 16 juin 2008, sur une route déserte de Corse-du-Sud, trois tireurs embusqués avaient presque décapité au volant de son 4x4 ce viticulteur de Sartène et vice-président du club de foot Gazelec d’Ajaccio. Mais Jean-Claude Colonna était aussi, selon les enquêteurs, l’héritier de son cousin Jean-Jé Colonna, le dernier parrain corse mort dans un accident de voiture en 2006. Un successeur sans aura ni envergure, même allié à la bande ajaccienne du Petit Bar, lit-on dans les rapports de police détaillant une guerre de territoires sans merci et « une recomposition » du milieu insulaire, à l’origine d’un enchaînement d’assassinats.

La justice n’a pas réuni les charges suffisantes pour conduire Jean-Luc Germani et ses amis devant une cour d’assises. C’est donc pour association de malfaiteurs qu’ils comparaissent. « Nous sommes là pour savoir, résume le président du tribunal Patrick Ardid, si oui ou non une association s’est constituée en vue de venger la mort de Richard Casanova et défendre son territoire, ses intérêts » dans le domaine des jeux et des investissements immobiliers mirobolants, notamment autour du port de plaisance de Propriano. « On a atteint un monument en tuant Richard Casanova, poursuit le magistrat. On est dans une logique de réplique. »

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Jean-Luc Germani réfute avoir voulu venger son beau-frère dont il avait porté le cercueil, marque d’une grande proximité : « Ce n’est pas mon rôle de le venger, il a ses amis. Avec mon beau-frère, je n’avais que des relations de famille. » Et si, au lendemain de cet assassinat, il s’est mis « en mode secret », c’est, assure-t-il, pour se protéger.

« Tony le boucher »

Mais pour l’accusation, quelques jours après la mort de Richard Casanova, Jean-Luc Germani et ses complices mettent en place un réseau de téléphones occultes (TOC), qui sera « percé » grâce à un coup de chance des enquêteurs. Au domicile de Jean-Luc Codaccioni, tout à la fois éleveur de vaches percevant 20 000 euros de subventions par an et chef de la sécurité du PMU au Gabon, un numéro de téléphone a permis d’en découvrir d’autres fonctionnant en cercle fermé.

La comparaison des « déplacements » des TOC avec ceux des lignes officielles démasquerait Germani mais également, son double, Stéphane Luciani, Frédéric Federici, le frère d’Ange Toussaint Federici, chef de file du gang dit des bergers-braqueurs de Venzolasca, ou encore Antoine Quilichini qui n’apprécie guère que le président souligne son sobriquet de « Tony le boucher ».

Autant d’hommes qui assurent ne pas bien se connaître, mais quatre seront condamnés ensemble pour un coup de force mené, en 2011, au cercle de jeux parisien Le Wagram afin d’en prendre la direction et d’en récupérer les juteuses recettes ayant permis d’octroyer chaque mois 30 000 à 40 000 euros de dividendes aux neuf « actionnaires » de la Brise de Mer.

Le tribunal s’est appesanti sur l’examen de cette téléphonie camouflée alors que tous les prévenus affirment n’avoir jamais possédé de TOC. Ce réseau de téléphones avait cessé de fonctionner quelques jours avant ou aussitôt après la mort de Jean-Claude Colonna.

« C’est que du fantasme ! »

Jean-Luc Germani explique s’être installé dans la clandestinité « parce qu’en Corse, la rumeur courait que c’était cette ordure de Francis Mariani [autre dignitaire de la Brise de Mer] qui avait tué mon beau-frère. Très connu chez nous, il faisait peur ». Son défenseur en prend pour preuve qu’un groupe de personnes liées à la Brise a été mis en examen pour une association de malfaiteurs en vue d’assassiner Jean-Luc Germani. Ce n’est pourtant qu’en 2010 que Claude Chossat, un lieutenant de Francis Mariani, désignera son patron – tué en 2009 – comme l’assassin de Richard Casanova. Amène, souriant, Jean-Luc Germani prend un tout autre ton lorsqu’il lâche : « Si j’avais rencontré M. Mariani, plutôt que de faire le veau, j’aurais fait le boucher. »

Rompant l’omerta, Claude Chossat avait aussi évoqué la présence de deux Mégane dont les occupants se livraient, début juin 2008, à des repérages sur les lieux où Jean-Claude Colonna allait être tué. Des véhicules loués dans un garage de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) où Jean-Luc Germani avait ses habitudes. Celui-ci balaie d’un revers de main : « C’est que du fantasme ! » Les enquêteurs assurent avoir étayé ces accusations par un examen du bornage des téléphones TOC.

Richard Casanova entretenait un lien quasi filial avec Michel Tomi, qui a fait fortune dans les jeux en Afrique. Le PMU Cameroun avait réglé les véhicules de location de Jean-Luc Germani et Jean-Luc Codaccioni, aussitôt après la mort de Casanova, autre marque d’une entrée dans la clandestinité. Ces mesures de protection auraient bien pu être décidées lors d’une réunion avec Michel Tomi en mai 2008 à Paris. Une réunion que contestent les prévenus. S’ils n’y étaient pas, les téléphones TOC que la police leur attribue, semble bien, eux, y avoir été.

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