Les langues régionales seront-elles un jour reconnues par la Constitution ?

Les langues régionales seront-elles un jour reconnues par la Constitution ?
Une manifestation pour la défense des langues régionales en 2010. (PASCAL GUYOT / AFP)

Le Conseil d’Etat a rendu un avis défavorable à l’insertion de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires dans la Constitution.

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Le chemin est long et tortueux. La Charte européenne des langues régionales et minoritaires sera-t-elle un jour ratifiée par la France ? Un nouvel épisode vient alimenter le feuilleton. Le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative de France, vient de rendre un avis défavorable, mais non contraignant, à la ratification de cette charte, rapporte "Le Monde", samedi 1er août.

Le gouvernement avait demandé l'avis du Conseil d'Etat le 24 juin dernier sur le projet de loi constitutionnelle, qui a été présenté par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, en conseil des ministres vendredi 31 juillet. 

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Avec cet avis défavorable de la plus haute juridiction administration, c'est un nouvel obstacle qui vient s'ajouter à ceux déjà existant à la ratification de la Charte.

# Adoptée en 1992, signée en 1999

L'affaire remonte à loin. La charte européenne des langues régionales et minoritaires avait été adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992 et signée par la France le 7 mai 1999.

La Charte fait obligation aux États signataires de reconnaître les langues régionales et minoritaires en tant qu'expression de la richesse culturelle.

En France, les quelque 75 langues régionales de la métropole et de l'outremer sont de moins en moins parlées. Toutefois, on estime à 600.000 le nombre de personnes connaissant l'alsacien et qu'une majorité de Réunionnais, selon l'Insee, ne s'expriment qu'en créole dans leur vie quotidienne.

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# Les nombreux obstacles

Le Conseil constitutionnel avait jugé en juin 1999 la Charte contraire à l'égalité devant la loi de tous les citoyens et au principe que "la langue de la République est le français". Les sages avaient surtout jugé que le préambule de la charte était contraire à la Constitution.

Comme le précise "Le Monde", le Conseil constitutionnel avait souligné que "les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance".

Et puis il y a le Conseil d'Etat, qui rendu le même avis défavorable qu'en 1996 et en 2013. Pour la version 2015 de l'avis, l'argumentation est à peu près la même : "En adhérant à la Charte, la France méconnaîtrait les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi, d’unicité du peuple français et d’usage officiel de la langue française", fait valoir le Conseil d'Etat

# Le projet de loi constitutionnelle de Christiane Taubira

Pour que la France ratifie la Charte, une promesse de François Hollande durant la campagne présidentielle, cette dernière doit être expressément autorisée par la Constitution Il n'y a donc qu'un seul moyen : réviser la Constitution. L'affaire n'est pas simpleet c'est l'objet du projet de révision constitutionnelle de Christiane Taubira.

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"Ces principes auxquels on ne saurait déroger n'interdisent pas de faire vivre notre patrimoine linguistique et d'accorder une place plus importante aux langues régionales", souligne la fiche de présentation du projet de loi, qui vise à "consacrer le droit d'employer une langue régionale ou minoritaire, que ce soit dans la vie privée ou dans la vie publique".

Mais pour le Conseil d'Etat, il y a un problème : la "déclaration interprétative" du 7 mai 1999. Une idée du juriste Guy Carcassonne, décédé en mai 2013, dans un rapport remis à Lionel Jospin, en 1998 quand il était Premier ministre. 

Pour Guy Carcassonne, la France pouvait souscrire à certains engagements prévus par la Charte dans "des conditions compatibles avec la Constitution", explique "Le Monde". Le juriste estimait que la France pouvait accompagner la signature de la Charte avec une "déclaration interprétative". Celle-ci devait rappeler que pour la France, le terme de "groupe" visait "une addition d’individus" et non une "entité autonome", qui pouvait revendiquer des droits. 

Pour le Conseil d'Etat, la "déclaration interprétative" et la Charte sont "difficilement compatibles entre" elles. Pourquoi ? Parce que l'association des deux textes serait une "contradiction interne génératrice d’insécurité juridique et "elle produirait une contradiction entre l’ordre juridique interne et l’ordre juridique international".

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# François Hollande va-t-il convoquer un congrès ?

Tout de même, pour réviser la Constitution, "la voie du Congrès me paraît la plus appropriée", avait écrit le chef de l'État dans un courrier envoyé à des parlementaires en juin.

Dans cette lettre, François Hollande écartait ainsi le recours au référendum. Il lui faudra alors trouver une majorité des trois cinquièmes au Parlement pour faire adopter un tel projet de loi.

Jusqu'à présent, l'opposition a voté en bloc contre les propositions de François Hollande pour réviser la Constitution, en particulier sur le statut pénal du chef de l'État ou la composition du Conseil supérieur de la magistrature, le faisant renoncer à convoquer le Congrès.

Mais, sur les langues régionales, une partie de la droite pourrait voter avec la gauche et faire passer le projet à l'Assemblée et au Sénat, puis au Congrès.

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