En novembre, les électeurs américains devront choisir entre les deux principaux candidats pour la présidentielle américaine : Hillary Clinton côté démocrate, Donald Trump chez les républicains. Toutes les semaines, Libé fait le point sur la campagne.
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Le billet d’Amérique
Lavolte-face de Trump sur l’immigration
Le Trump nouveau est arrivé. Ou peut-être pas. Sur le dossier de l'immigration, pilier de sa campagne, le candidat républicain n'a cessé cette semaine de souffler le chaud et le froid. Assouplissement par-ci, durcissement par-là, sa «politique» migratoire demeure énigmatique. Une certitude : Donald Trump continue de promettre la construction d'un mur géant à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. «Je pense qu'il pourrait faire entre 10 et 14 mètres de haut. C'est une bonne hauteur. Dans ces eaux-là. Mais il pourrait être plus haut», a-t-il dit mercredi sur Fox News, avec sa clarté habituelle. Peu importe que les experts jugent ce projet infaisable, inutile et estiment son coût à plusieurs dizaines de milliards de dollars, peu importe que 61% des Américains y soient opposés - selon un sondage du Pew Center publié jeudi -, Donald Trump veut son mur. «The Great Wall of Trump», comme il l'avait baptisé l'an dernier.
Pour le reste, le milliardaire a surpris tout le monde en se disant prêt à «assouplir» sa position sur les 11 millions de clandestins vivant aux Etats-Unis. Depuis son entrée en campagne, en juin 2015, il promettait de tous les expulser. Quitte à créer une force spéciale pour y parvenir. Quitte, aussi, à séparer des centaines de milliers de familles en expulsant les parents sans papiers d'enfants américains. «Soit on a un pays, soit on n'en a pas», martelait-il à tout va, apôtre d'un strict contrôle des frontières et d'une application implacable des lois. Après avoir cogné sur les clandestins mexicains «violeurs» et «criminels», le nouveau gourou des suprématistes blancs serait-il soudain pris d'un relent d'humanité ? «Nous ne voulons pas faire de mal aux gens», a-t-il osé mardi. Trump, qui n'a jamais caché que son principal conseiller était lui-même, assure cette fois avoir écouté les pensées de certains de ses partisans. «Je rencontre des milliers et des milliers de personnes qui me disent : "M. Trump, je vous aime mais prendre quelqu'un qui vit ici depuis 15 ou 20 ans et l'expulser avec sa famille, c'est tellement dur"», a raconté le milliardaire.
Dans plusieurs interviews et meetings cette semaine, le candidat républicain a donc laissé entendre que les migrants illégaux n'ayant pas commis de crime pourraient être autorisés à rester aux Etats-Unis, sans accès à la citoyenneté et à condition de payer des arriérés d'impôts. Chez les ultraconservateurs, où Trump compte ses principaux partisans, on appelle cela l'amnistie. Et on est farouchement contre. «Il n'y aura pas d'amnistie», se défend le magnat de l'immobilier, dont les positions semblent pourtant se rapprocher de celles des républicains modérés et des démocrates qu'il a passé des mois à dénoncer. De quoi faire s'étouffer les trumpistes les plus à droite.
Que faut-il penser de ce «flip-flop», cette apparente volte-face sur le sujet clé de sa campagne ? Sans doute que Donald Trump a compris qu'il ne gagnerait pas l'élection présidentielle en comptant uniquement sur l'électorat blanc conservateur. Cette semaine, il a ainsi tendu la main aux Noirs américains, accusant les Clinton et le parti démocrate d'avoir «trahi les communautés de couleur». Pour l'heure, électeurs noirs et latinos semblent toutefois déterminés à mettre un mur salutaire entre eux et Donald Trump. Dans deux sondages Reuters/Ipsos et NBC publiés cette semaine, le candidat républicain ne recueille que 2,5% du vote noir et 22% du vote hispanique.
Par Frédéric Autran, correspondant aux Etats-Unis
La rumeur de la semaine
La santé d’Hillary Clinton prise pour cible
C'était la rumeur, mais on aurait tout autant pu dire «le coup bas», de la semaine : Hillary Clinton ne serait pas au top de sa forme. A en croire l'inénarrable Rudy Giuliani, ancien maire de New York, «plusieurs signes de maladie» seraient visibles chez la candidate démocrate. Et de suggérer sur la chaîne Fox News que les médias protégeraient une Clinton à la santé défaillante. Pour prouver ses dires, Giuliani a incité les citoyens à aller sur Internet regarder des vidéos, où l'on voit Clinton se moucher, à cause, semble-t-il, d'une allergie, ou une autre la montrant en train de faire la folle censée prouver qu'elle avait eu une attaque cérébrale…
Réplique immédiate de Jennifer Palmieri, la directrice de la com de l'ancienne secrétaire d'Etat : «Hillary Clinton a publié un dossier médical détaillé montrant qu'elle est en excellente santé, [et elle a aussi publié] ses avis d'imposition depuis 1977, alors que Trump n'a pas été en mesure de donner au public la plus basique des informations financières [le New York Times rapporte cette semaine que ses entreprises seraient massivement endettées, ndlr] rendues publiques par tous les candidats importants ces quarante dernières années». Son médecin personnel a également affirmé publiquement qu'il n'y avait rien à craindre sur le plan médical : Hillary Clinton est «en excellente condition physique et apte à servir en tant que présidente des Etats-Unis», a affirmé le docteur Lisa Bardack.
Ets’il lui fallait encore prouver qu’elle est en bonne santé, Hillary Clinton peut de toute façon compter sur le soutien des popstars pour montrer qu’elle est toujours jeune - elle a un an de moins que Trump - et dynamique…
L’étude de la semaine
L’élection de Trump pourrait provoquer une récession mondiale
C'est la conclusion d'une étude menée par Citigroup et publiée jeudi : si le candidat populiste accédait à la Maison blanche, cela serait une source majeure d'incertitude pour l'économie mondiale. «Une victoire de Trump pourrait abaisser la croissance du Produit intérieur brut (PIB) mondial de 0,7 à 0,8» point de pourcentage, selon les experts du groupe bancaire, menés par l'économiste en chef Willem Buiter. D'après eux, une croissance sur le globe inférieure à 2% est considérée comme un début de récession, et la victoire de Trump entraînerait l'économie mondiale sur ce terrain-là…
Lecoup de pression de la semaine
Clinton tacle Trump sur ses liens avec les suprémacistes blancs
Tous deux soucieux de recueillir les suffrages de leurs concitoyens non blancs, Donald Trump et Hillary Clinton n'en finissent plus de s'accuser mutuellement de racisme. Du côté démocrate, on affûte ses armes sur la proximité de Donald Trump avec des personnalités issues ou proches de mouvements suprémacistes blancs. Et plus l'on avance dans la campagne, plus Hillary Clinton se montre offensive, comme dans ce tweet où elle assimile le magnat de l'immobilier à rien de moins que le Ku Klux Klan. Selon l'éditorialiste de Slate Michelle Goldberg, cette stratégie a le mérite d'«isoler Trump» car en «le reliant définitivement à la "droite alternative", elle détruit toute légitimité restante auprès des républicains sains».
There's a reason the most hateful fringe of the right wing is supporting Donald Trump.https://t.co/AqB3DM2m0N
— Hillary Clinton (@HillaryClinton) August 25, 2016
Mais le nouveau directeur de campagne de Trump, Stephen Bannon, classé très à doite, a à faire face à une révélation autrement embarrassante : on a appris vendredi, par le Guardian, qu'il était inscrit illégalement en Floride pour voter, puisqu'il n'occupe pas vraiment la maison où il a déclaré être domicilié…
Pour aller plus loin…
Chaque semaine, nous vous proposons une sélection d’articles à lire en V.O., pour s’immerger encore plus dans la campagne.
•A croire Ivanka Trump, son père a toujours, dans ses entreprises, donné leur chance aux femmes. Et d'ajouter qu'elle a ainsi grandi au milieu de femmes cadres. Donald Trump lui-même clame avoir engagé de nombreuses femmes à des postes clés. Or, à bien regarder les chiffres, très peu de femmes occupent des postes importants dans ses casinos, rapporte Mother Jones. Un décryptage à lire ici.
•Le New Yorker s'est penché sur la façon dont Ivanka Trump et Jared Kushner, son mari, ont réussi à influencer la campagne républicaine, jugée «populiste». A lire là.
•Après l'éviction de Paul Manaford, Donald Trump s'est choisi pour directeur de campagne Stephen Bannon, issu de la droite dure («alt-right», soit «alternative right», la droite alternative du conservatisme traditionnel). Stephen Bannon est responsable de Breitbart Media, un site conservateur que Mother Jones décrit comme un «paradis pour les nationalistes blancs». A lire ici.
•Hillary Clinton et Donald Trump, ce n'est peut-être pas kif-kif, mais la génération Y n'apprécie ni l'un ni l'autre, et le magazine Fortune tente une explication ici.