Une fine pellicule de cendre sur les voitures en stationnement, le soleil rougeoyant derrière une épaisse fumée et un nuage noir menaçant qui surplombe le panneau « Hollywood » : le réveil de millions d’habitants de Los Angeles a été intoxiqué, samedi 23 juillet, par l’incendie géant qui ravage les montagnes de la forêt nationale d’Angeles, qui borde les banlieues de la vallée de San Fernando et se situe à une quarantaine de kilomètres, à vol d’oiseau, au nord-ouest du cœur de la ville.
Samedi soir, les vents ont tourné, et l’alerte sanitaire a été levée, la cité pouvant retourner à sa pollution habituelle. Mais le bonheur des uns fait le malheur des autres, et l’incendie, toujours hors de contrôle, s’est dirigé vers la ville de Santa Clarita, 180 000 habitants, située au pied des montagnes. Les flammes n’étaient contenues, dimanche soir, que dans 10 % de la zone touchée. Le feu a causé la mort d’un homme – retrouvé dans sa voiture devant sa maison –, l’évacuation de 1 500 foyers, la destruction de dix-huit maisons et la fermeture d’une portion de 65 kilomètres d’autoroute.
Il s’agit du deuxième incendie majeur de la saison estivale dans le sud de la Californie. A la fin juin, un feu à 70 kilomètres de Bakersfield, dans la vallée centrale, avait détruit 285 maisons et fait deux morts. Tout l’ouest des Etats-Unis avait alors été touché par des incendies plus ou moins violents, liés à une brusque vague de chaleur.
L’incendie de Santa Clarita, surnommé « Sand Fire » car il est né dans le Sand Canyon, n’est pas non plus le seul en cours dans l’Etat. Plus au nord, à Big Sur, un autre feu a déjà détruit des dizaines d’hectares, six maisons, et des milliers de personnes se tiennent prêtes à évacuer. Les pompiers n’envisagent pas d’amélioration avant la fin du mois : le brasier s’est déclenché dans une zone inaccessible.
En cause, comme chaque année, la sécheresse que subit l’Ouest américain, et tout particulièrement la Californie du Sud, depuis 2011. L’incendie en cours est typique du « comportement extrême » que peuvent adopter les feux de broussailles dans ce contexte, explique ainsi une météorologiste au Los Angeles Times.
Lorsque les premières flammes sont signalées dans le Sand Canyon, vendredi 22, vers 14 heures, une surface de 2 000 mètres carrés seulement est touchée. A peine huit heures plus tard, à 22 heures, ce sont déjà plus de 13 kilomètres carrés qui sont ravagés.
Et dimanche soir, deux jours plus tard, plus de 130 kilomètres carrés, c’est-à-dire une superficie supérieure à la ville de Paris, sont aux prises avec les flammes, malgré l’intervention massive de 1 600 pompiers, de 122 camions et de quinze hélicoptères. L’épaisseur du panache de fumée rend impossible, la plupart du temps, le largage par avion sur l’incendie. Seuls les hélicoptères peuvent répandre du produit retardateur sur les zones encore épargnées.
Et les vents, imprévisibles depuis vendredi 22 juillet, ne cessent de jouer des tours aux pompiers. Dimanche, l’incendie paraissait se diriger vers le nord, et Santa Clarita. Mais au sud, il n’était qu’à quelques centaines de mètres des premières maisons de Sylmar, dans la San Fernando Valley. Une zone où résident près de 2 millions d’habitants.
Cette impuissance apparente traduit la très grande difficulté d’intervention sur des terrains abrupts, recouverts de broussailles desséchées qui flambent comme des allumettes. « Ce dont nous parlons, c’est un stress de la végétation, de la sécheresse, a expliqué John Tripp, le chef adjoint des pompiers du comté de Los Angeles, lors d’une conférence de presse, dimanche matin. Toutes les conditions sont réunies [la chaleur, la sécheresse de la végétation, le vent] et le feu s’est engouffré là-dedans comme un train de marchandise. »
Le chef des pompiers, Daryl Osby, a souligné, lui, le caractère inédit de l’incendie : « Je sais que beaucoup d’habitants ont déjà vu des feux dans ces zones situées entre la nature et la ville. Mais nous ne sommes plus dans une période normale. » « En trente-deux ans de carrière, c’est le feu le plus violent que j’ai vu à cette époque de l’année », a-t-il ajouté. La veille, il avait expliqué que le même feu, cinq ans auparavant, en 2011, avant le début de la sécheresse, aurait été contrôlé avec beaucoup plus de facilité.
L’année 2015 avait été une année record pour les incendies ; 2016 s’annonce pire encore, explique d’ailleurs le ministère de l’intérieur américain – chargé de l’environnement –, dans un texte publié le 19 juillet. En 2015, 40 500 kilomètres carrés avaient été brûlés, deux fois la taille de l’Etat du New Jersey. En 2016, 29 000 feux ont déjà détruit plus de 10 500 kilomètres carrés depuis janvier.
La saison commence de plus en plus tôt, soulignent les autorités : en Alaska, le premier feu a été signalé à la fin de février, au lieu d’avril-mai habituellement. « Les feux commencent plus tôt, brûlent plus longtemps, avec une intensité plus forte à cause de la sécheresse persistante, des températures record et de la propagation d’herbes invasives », détaille le texte.
Les effets du retour du phénomène météorologique El Niño, qui provoque des pluies plus abondantes en Californie, sont pour l’instant décevants. Quand ils ne sont pas négatifs. Le surplus de précipitations a rendu la végétation plus dense. Et une fois desséchée par les fortes chaleurs en cours depuis un mois, elle devient un combustible redoutable.
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