5 crises internationales qui auraient pu très mal tourner

Decryptage Ces moments dans l'histoire où un conflit diplomatique a failli se résoudre par les armes...

Thierry Weber
John Fitzgerald Kennedy, alors président des Etats-Unis, en réunion militaire sur la questions de Cuba en 1962.
John Fitzgerald Kennedy, alors président des Etats-Unis, en réunion militaire sur la questions de Cuba en 1962. — 20 minutes - Magazine

De crise diplomatique à conflit armé il n’y a parfois qu’un pas. Si durant le siècle dernier, ce pas a souvent été franchi, l’époque moderne a aussi été le théâtre d’accords in extremis qui nous ont permis d’éviter le pire.

 

Septembre 1898, Fachoda (actuel Soudan)

Jean-Baptiste Marchand, alors capitaine, dirigeait l'expédition française lors de la rencontre avec les Anglais. - © Mary Evans/Sipa

Ce qui s’est passé: Les troupes coloniales françaises et britanniques se croisent à Fachoda dans l’actuel Soudan, alors que chacun souhaite relier ses colonies par le biais d’un chemin de fer. «L’Angleterre et la France étaient des alliés naturels à cette époque. Ce n’était pas dans l’intérêt de la France de se mettre Londres à dos», analyse Christian Lequesne, chercheur en diplomatie et relations internationales au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po. Les Français se retirent donc.

Comment ça aurait pu tourner: «Si la Grande-Bretagne et la France étaient rentrés en conflit, la Prusse et l’Autriche-Hongrie se seraient frottés les mains. On aurait pu s’attendre à une première guerre mondiale prématurée.» Pis encore, l’issue n’aurait peut-être pas été la même pour la France.

 

Juillet 1956, crise du Canal de Suez (Egypte)

Un soldat israëlien garde des prisonniers egyption lors de l'intervention militaire conjointe avec la France et le Royaume-Uni au canal de Suez. - © Eclair Mondial/Sipa

Ce qui s’est passé: Le colonel Nasser décide de nationaliser le canal de Suez, géré auparavant par une société franco-britannique. Avec Israël, les deux pays agissent pour maintenir la libre circulation dans la zone du canal. Les Etats-Unis et l’URSS interviennent par le biais de sanctions économiques et de menaces. «Le Royaume-Uni, la France et Israël se rendent compte qu’ils sont dans une impasse et se retirent», résume Philippe Moreau-Defarges, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Comment ça aurait pu tourner: «On aurait assisté à un enlisement de la France du Royaume-Uni et d’Israël en Egypte», explique Philippe Moreau-Defarges. Pour une fois d’accord, les Etats-Unis et l’URSS auraient pu être forcés d’intervenir militairement pour remettre de l’ordre dans la région.

 

1962, la crise des missiles de Cuba

En réponse à l'installation de missiles soviétiques sur l'île de Cuba, le président américain John F. Kennedy (droite) a organisé un blocus de l'île. - © Will J Smith/AP/Sipa

Ce qui s’est passé: «La crise de Cuba c’est à ma connaissance le seul moment pendant la Guerre Froide où l’on pose ouvertement l’hypothèse de la guerre entre les Etats-Unis et l’Union soviétique», commente Christian Lequesne. L’URSS installe des missiles pointés vers les Etats-Unis sur l’île de Cuba le 14 octobre 1962. La peur d’une guerre nucléaire pousse les deux partis à discuter, et les missiles sont retirés en échange de certains engagements américains.

Comment ça aurait pu tourner: «Le système d’alliance aurait obligé plusieurs pays à intervenir de chaque côté. On aurait eu un vrai conflit est-ouest en Europe», imagine Christian Lequesne sans ambages. En bref, nous sommes passés tout près de la troisième guerre mondiale.

 

1977-1989, la crise des Euromissiles

Le président américain George Bush (droite), assiste le 8 septembre 1988 à la destruction de missiles Pershing II en présence d'observateurs soviétiques. - © Rotolo/Sipa

Ce qui s’est passé: «C’est un peu un Cuba bis», compare Philippe Moreau-Defarges. Quand en 1977 la Russie installe, sur son territoire, des missiles SS20 «qui peuvent atteindre toute l’Europe occidentale, le Japon, la Chine, l’Inde, elle introduit un déséquilibre dans les rapports est-ouest», indique le chercheur. En réaction, les Etats-Unis disposent des missiles Pershing II et des missiles de croisière en 1979 en Europe occidentale. Un «bras de fer» s’en suit, jusqu’à ce que l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir en URSS en 1985 permette de renouer le dialogue. Les missiles sont démantelés en 1987.

Comment ça aurait pu tourner: Pour Philippe Moreau-Defarges, «il y avait peu de risques de guerre, mais alourdir les arsenaux nucléaires aurait augmenté les risques d’accidents». La fin de la Guerre Froide aurait probablement été retardée par l’absence de compromis entre les deux superpuissances.

Les deux Corées

https://www.youtube.com/watch?v=AIM_3kX4bhc

Ce qui s’est passé: «En mars 2010, la Corée du Nord a coulé un navire sud-coréen sans expliquer son geste. Leurs essais nucléaires répétés sont par ailleurs jugés intolérables pour la Corée du Sud qui envisage d’envoyer un message plus musclé», indique Olivier Guillard, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) spécialisé sur l’Asie. Mais à chaque fois, les Etats-Unis réduisent les tensions en incitant la Corée du Sud à la prudence face au gouvernement nord-coréen, jugé imprévisible.

Comment ça aurait pu tourner: «On n’ose pas imaginer les risques tellement la situation pourrait s’envoler», atteste Olivier Guillard. Les provocations répétées de la Corée du Nord pourraient donner une raison à la communauté internationale d’en finir avec ce régime. L’autre risque serait de rehausser les tensions entre Etats-Unis d’une part, et Russie et Chine de l’autre qui soutiennent chacun l’un des deux pays.

>>>Retrouvez l'ensemble de notre dossier réalisé à l'occasion de la sortie en salle, le 2 décembre, du film Le Pont des espions.