Biodiversité

Pingouin ou manchot ? Vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas

Chaque 25 avril, les ONG environnementales célèbrent le «world penguin day», soit la journée mondiale des manchots. Des espèces pour la plupart menacées par le changement climatique, à ne pas confondre avec leurs lointains sosies les pingouins.
par Florian Bardou
publié le 25 avril 2017 à 18h47
(mis à jour le 26 avril 2017 à 18h51)

Si vous scrutez attentivement les réseaux sociaux, notamment dans leur version anglaise, cela ne vous aura probablement pas échappé : ce mardi, il y avait des petits pingou… pardon des petits manchots partout sur le web. En effet, depuis plusieurs années, chaque 25 avril (mais aussi chaque 20 janvier comme le rappelle le National geographic), les ONG de protection de la biodiversité célèbrent le «World Penguin Day». L’objectif de cette journée mondiale du manchot est, outre de fêter la bestiole, d’attirer l’attention sur les menaces, comme le changement climatique, qui pèsent sur ses populations, dans l’hémisphère sud.

Un préalable, avant d'aller plus en profondeur. Contrairement à ce que laisse penser une traduction papier-calque de l'anglais, les manchots ne sont pas des pingouins (et vice-versa). «La confusion vient de la traduction des termes entre l'anglais et le français», souligne une bonne fois pour toutes Jérôme Fuchs, chercheur associé au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN). Autre source de méprise selon ce spécialiste de phylogénie des oiseaux : «Leurs modes de chasses par plongeon sont similaires et ils se ressemblent morphologiquement.»

Espèces «quasi menacées»

Pourtant, malgré les apparences, on a bien affaire à deux familles d'oiseaux distinctes. D'un côté, les pingouins («auk», en anglais), représentants de la vingtaine d'espèces d'alcidés aux côtés des macareux et des guillemots, qui peuplent les côtes de l'Atlantique nord et de l'Arctique. De l'autre donc, les 23 espèces de manchots, de la famille des sphénicidés, qui ont colonisé l'Antarctique et les terres australes de l'Argentine à la Nouvelle-Zélande. Les ancêtres des premiers seraient apparus il y a 30 à 35 millions d'années tandis que ceux des seconds seraient bien plus vieux, après avoir divergé de l'ordre des procellariiformes (albatros, pétrel, puffin) il y a 60 à 65 millions d'années. «Les manchots ne volent pas alors que les pingouins sont capables de vol», complète par ailleurs Jérôme Fuchs, du Muséum national d'histoire naturelle. On n'est pas loin des sept différences.

En revanche, les alcidés et les deux tiers des espèces de sphénisciformes ont un (triste) point commun : le fait d’être classées comme des espèces «quasi menacées» sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Publiée en 2014, une étude dont s’est fait l’écho la revue Nature indique par exemple que les colonies de manchots empereur, comme les colonies de manchots d’Adélie, pourraient perdre 60% de leurs effectifs d’ici à la fin du siècle. Et ce rien que pour la seule Antarctique où résident environ 12 millions de manchots (toutes espèces confondues).

Quelles en sont les causes ? Selon les scientifiques, cet effondrement des populations de manchots est principalement lié à la destruction des habitats en raison du réchauffement climatique. Ainsi, concernant l'emblématique manchot empereur, qui peuple l'ensemble du continent dont la Terre-Adélie, «on s'attend à une nouvelle chute des populations du fait du rétrécissement de la banquise», déplore Thierry Micol, chef du service étude et patrimoine naturel de Ligue de protection des oiseaux (LPO). Le militant, qui a observé les oiseaux dans terres australes et antarctiques françaises s'inquiète également du déclin du manchot royal dans le subantarctique, dont le nombre d'individus a été divisé par trois «sans que l'on sache pourquoi».

Vers la création du plus grand sanctuaire marin au monde

«Toutes les colonies ne sont pas menacées mais le changement climatique peut isoler les populations en augmentant la distance entre les sites de reproduction et les sites de recherche de nourriture, explique encore Jérôme Fuchs, du MNHN. Conséquence : la dépense énergétique ne vaut plus la peine de se déplacer pour se reproduire.» A quelques milliers de kilomètres au nord, les manchots des Galapagos, menacé de disparition, sont eux menacés par la recrudescence des événements climatiques comme el Nino qui réchauffent leurs eaux et raréfient leurs sources de nourriture.

La surpêche, et la diminution des stocks de poisson (anchois, sardines, krill) qui en découle, est également mise en cause. C’est d’ailleurs la principale origine de l’extinction du manchot sud-africain, «en danger» selon l’UICN depuis que les populations ont chuté de 70% en l’espace de 13 ans. Petite consolation dans cet océan de mauvaises nouvelles : en octobre dernier, les 25 membres de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) ont conclu un accord pour la création, en mer de Ross, du plus grand sanctuaire marin au monde soit une aire plus vaste que la France, l’Italie, le Benelux, l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche réunis. Cela sera-t-il suffisant ?

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