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Russes et Occidentaux s’affrontent à Munich

La dureté des échanges laisse peu de chances de réussite à l’accord en vue d’une trêve en Syrie signé vendredi.

Par  (Munich, envoyée spéciale) et  (Munich, envoyé spécial)

Publié le 13 février 2016 à 19h00, modifié le 14 février 2016 à 07h44

Temps de Lecture 4 min.

Lors du discours de John Kerry au sommet sur la sécurité de Munich.

Le ton est monté entre dirigeants russes et occidentaux, samedi 13 février à la conférence sur la sécurité de Munich, à propos de la Syrie, de l’Ukraine et de la crise migratoire, au cours d’échanges dont la dureté fait douter des chances de réussite de l’accord conclu vendredi dans la même ville, en vue d’une trêve temporaire en Syrie.

Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a d’ailleurs reconnu que « le tableau était encore plus sombre qu’en 2007 », l’année où le président Poutine était intervenu devant la même conférence. Juste avant son arrivée à Munich, M. Medvedev avait d’ailleurs mis en garde les Américains et leurs alliés arabes en Syrie contre une « nouvelle guerre mondiale », dans un entretien accordé au quotidien allemand Handelsblatt, où il qualifiait aussi la Russie de « plus grande puissance nucléaire mondiale ».

A la tribune, qu’il partageait avec Manuel Valls, il a accusé l’OTAN d’être « toujours aussi inamicale et opaque » et demandé à son secrétaire général, qui avait pris la parole juste avant pour défendre les mérites de la dissuasion nucléaire, si l’on était « en 2016 ou en 1962 ». Le premier ministre russe a dressé un catalogue apocalyptique des crises auxquelles fait face la communauté internationale, attribuant la responsabilité du terrorisme, de la crise migratoire, de la crise ukrainienne et du printemps arabe aux « tentatives infructueuses d’imposer une démocratie à l’occidentale ». Et pour faire bonne mesure, il a ajouté une crise qui n’est peut-être pas encore sur l’écran radar des Occidentaux : la Moldavie, plongée dans une grave crise politique, et où l’armée russe entretient encore des troupes.

Aux orateurs français et américain – Jean-Yves Le Drian et Manuel Valls, puis le chef de la diplomatie américaine John Kerry – qui demandaient à la Russie de cesser les bombardements de civils et de l’opposition modérée en Syrie, M. Medvedev a répondu en démentant catégoriquement que son pays prenne des civils pour cible : « Il n’en existe aucune preuve », a-t-il assuré.

« Cet accord de Munich sera impossible à réaliser, et ce sera la faute des Américains »

Mais c’est peut-être son ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a été le plus dur en douchant brutalement, à la fin d’un débat avec plusieurs de ses collègues européens, les espoirs de réussite de l’accord conclu le 12 février à Munich sur la Syrie. Alors que l’Allemand Frantz-Walter Steinmeier venait d’évaluer « à 51 % » les chances de succès de cet accord, M. Lavrov a accusé le Pentagone de dire le contraire du département d’Etat. En réalité, a-t-il conclu, « tout cela veut dire que les Etats-Unis ne vont pas cesser leurs frappes aériennes mais que la Russie doit arrêter les siennes. C’est malheureux, mais ça signifie que cet accord de Munich sera impossible à réaliser, et ce sera la faute des Américains ». Le secrétaire au Foreign Office, Philippe Hammond, a jugé possible le déblocage de l’aide humanitaire mais s’est montré plus sceptique sur la cessation des hostilités.

John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, n’a pas repris à son compte la thématique de la guerre froide mais « la recherche de la paix et de la liberté restent aussi importantes qu’il y a cinquante ans », a-t-il fait remarquer. De plus, « jamais dans l’histoire, les crises n’ont été si nombreuses et si importantes ». Alors que Dmitri Medvedev venait de dénoncer les sanctions occidentales contre Moscou, l’Américain a renvoyé la balle dans le camp russe : « La Russie a le choix : appliquer les accords de Minsk ou subir les sanctions. » Même si Washington n’est manifestement pas totalement satisfait de la politique suivie par Kiev. « 2016 est l’année où l’Ukraine peut prouver que la corruption peut être vaincue », a-t-il indiqué, quelques jours après la démission du ministre de l’économie qui entendait ainsi protester contre la corruption. Signe de l’engagement des Américains en Europe : les Etats-Unis vont quadrupler le budget de leurs dépenses militaires destinées à renforcer la présence de l’OTAN en Europe de l’Est. Le renforcement de l’Alliance atlantique en Europe fera l’objet d’un important sommet de l’OTAN en juillet à Varsovie.

La Russie contre tous

Sur la Syrie, John Kerry s’est montré peu optimiste. « On ne voit pas encore de signes positifs qui annoncent la fin de la guerre », a-t-il dit, déplorant que « la majorité des attaques russes soient dirigées contre des groupes de l’opposition ». Une thématique reprise par Manuel Valls. « Bombarder les villes où se trouve l’opposition modérée ne peut pas contribuer au dialogue », a résumé le premier ministre, qui a appelé la communauté internationale à se mobiliser contre « l’hyper-terrorisme ». Selon Manuel Valls, le terrorisme a fait, en 2014, « 40 000 morts dans 93 pays ».

SI, malgré tout, John Kerry a voulu remonter le moral des Européens en leur assurant que « cette période n’est pas aussi désastreuse que les gens le pensent » et que, ensemble, Américains et Européens avaient su par le passé « résister aux nombreuses tentatives de division », la plupart des intervenants à la conférence de Munich ont été nettement plus sombres. « Les aspirations impériales de la Russie sont un problème pour le flanc Est de l’OTAN. L’Alliance doit y renforcer sa présence », juge Andrzej Duda, le président polonais. « La guerre froide ? Elle est déjà très chaude en fait », constate Dalia Grybauskaité, présidente de la Lituanie. « Y a-t-il une différence entre la Syrie et l’Ukraine ? C’est de l’agression. Du terrorisme », a-t-elle dit, déplorant que l’Occident « répète la même erreur », en « s’inclinant » devant la Russie. Le président ukrainien n’a pas dit autre chose en accusant la Russie de promouvoir une « Europe alternative », celle de « l’isolationnisme, de l’intolérance, de la négation des droits de l’homme, du fanatisme religieux et de l’homophobie » : « Cette Europe a un chef, Poutine, et des troupes, les partis pro-russes dans toute l’Europe. » A Munich samedi, c’était la Russie contre tous.

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