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Interview

Photographe arrêté à Hénin-Beaumont : «On a voulu m'intimider»

Jacob Khrist, photoreporter de l'agence Hans Lucas, a passé trente-six heures en garde à vue après avoir couvert une action des Femen contre Marine Le Pen.
par Sylvain Mouillard
publié le 25 avril 2017 à 18h33

Après trente-six heures de garde à vue, le photographe Jacob Khrist est ressorti libre, lundi soir, du commissariat de Lens. Ce photoreporter de l'agence Hans Lucas avait été interpellé dimanche matin à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) alors qu'il couvrait une action de militantes des Femen contre le Front national de Marine Le Pen, présente sur place pour le premier tour de l'élection présidentielle. D'abord accusé de complicité d'exhibition sexuelle, puis de rébellion, Jacob Khrist n'est finalement pas poursuivi, mais bien démuni après cette privation de liberté de presque deux jours.

Que faisiez-vous à Hénin-Beaumont dimanche ?

«Je suis photojournaliste depuis cinq ans. A ce titre, je mène un travail au long cours auprès des Femen. J’ai d’ailleurs été identifié par le service d’ordre du Front national, et cela ne pose d’habitude aucun problème. Dimanche, j’ai l’impression d’avoir été désigné comme étant avec les Femen, et qu’on a voulu m’intimider et me donner un avertissement. Dès qu’elles ont commencé leur action, dans les cinq secondes, j’ai été saisi par deux hommes. J’ai tout de suite appelé à l’aide la police et mes collègues car j’avais peur de me faire casser le matériel ou lyncher. Ce n’est que tard le soir que j’ai appris que les deux personnes qui m’ont agressé étaient des policiers. Ils n’ont pas voulu me faire mal ni casser mon appareil, mais m’empêcher de travailler.»

Que s’est-il passé ensuite ?

«J’ai été emmené au commissariat de Lens, où on m’a placé en garde à vue. Au début, on m’a expliqué qu’on me soupçonnait de complicité d’exhibition sexuelle. J’ai halluciné, parce que quiconque photographiant une action tombant sous le coup de la loi pourrait ainsi tomber pour complicité. Puis, on m’a parlé de mon attitude supposément véhémente à l’encontre de Steeve Briois, le maire d’Hénin-Beaumont, alors que je ne lui ai jamais adressé la parole ce jour-là. Enfin, le policier a affirmé que je me suis rebellé lors de mon arrestation. Lundi matin, après une visioconférence avec le procureur, ma garde à vue a été prolongée pour éclaircir les choses, m’a-t-on dit. J’ai finalement été libéré dans la soirée, aux alentours de 20h30.»

Que retenez-vous de cette affaire ?

Cela ressemble à de l’intimidation. J’ai l’impression qu’ils ont tout fait pour me faire condamner en créant cette histoire de rébellion. Il ne faut pas laisser passer ce genre d’affaire et continuer à défendre la liberté de la presse. Et se dire aussi que derrière les Femen, il y a des femmes qui mènent des actions pacifiques contre le FN, et qui sont victimes quasi systématiquement de violences, en étant frappées ou malmenées.

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