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La mort du Soleil comme si vous y étiez

L’observation par le radiotélescope Alma de ce qu’est en train de vivre L2 Puppis, une étoile située à 200 années-lumière, préfigure ce qui arrivera au Soleil dans 5 milliards d’années.

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Une vue du Soleil actuel, photographié par la Nasa. Agée de 4,6 milliards d’année, notre étoile en est à peu près au milieu de sa vie.

Par Yann Verdo

Publié le 21 janv. 2017 à 09:00

Observer le présent d’une étoile pour en déduire le futur d’une autre… C’est ce qu’ont fait les astronomes Pierre Kervella, de l’Observatoire de Paris, et Miguel Montargès, de l’Institut de radioastronomie millimétrique, cosignataires le mois dernier d’un article passionnant dans la revue « Astronomy & Astrophysics ». L’étoile témoin, c’est L2 Puppis – « L2 Pup » pour les intimes  – qui se trouve, comme son nom latin l’indique, dans la constellation de la Poupe, visible uniquement depuis l’hémisphère austral.

Perdue dans le fouillis d’astres du ciel nocturne, elle n’a commencé à attirer l’attention des astronomes qu’il y a quelques années, quand il a été décidé de faire des observations systématiques de quelques dizaines d’étoiles situées dans la « proche banlieue » du Soleil. L2 Pup est distante de notre astre de 208 années-lumière – quelques encablures seulement par rapport à l’énormité de l’univers observable. Quand les télescopes se sont pour la première fois braqués sur elle, les scientifiques ont cru voir qu’elle était entourée d’un disque nébuleux, ce qui l’a rendue à leurs yeux ­particulièrement intéressante. De nouvelles observations faites récemment sur le radiotélescope géant Alma, perché à plus de 5.000 mètres d’altitude dans le désert d’Atacama, au Chili, ont confirmé la présence de ce disque, constitué du gaz et de la poussière éjectés par l’étoile centrale et en rotation autour d’elle.

Et la Terre dans tout ça ?

Ni Homo sapiens ni aucune autre espèce animale ne doit a priori se soucier de ce qu’il adviendra du Soleil dans 5 milliards d’années. Tout au long du chemin qui conduira notre étoile au stade de géante rouge, celle-ci ne va cesser de perdre de la masse (une partie de sa matière étant éjectée dans l’espace par les vents solaires), mais aussi de gagner en volume. Donc en surface. Donc en luminosité. L2 Pup, l’étoile sœur du Soleil, vieille aujourd’hui de 10 milliards d’années, est quelque 2.000 fois plus lumineuse que lui. La vie sur Terre n’attendra pas qu’on en soit arrivé là pour disparaître. D’ici « seulement » un milliard d’années, la température d’équilibre à la surface de ce qui était jusqu’ici la Planète bleue dépassera le seuil fatidique des 100°C. Les océans et les mers s’évaporeront. Ce faisant, ils provoqueront une augmentation de l’effet de serre de l’atmosphère et par conséquent un emballement dans cette montée en flèche du thermomètre. A cette date, en l’absence d’eau liquide, toute forme de vie sur Terre aura disparu ou migré sous des cieux plus cléments. Au passage, cela signifie que la vie qui existe sur notre planète depuis au moins 3,7 milliards d’années en est déjà presque aux quatre cinquièmes de sa durée totale.

Les observations d’Alma, d’une précision inégalée, ont même fait mieux : elles ont permis de déterminer (par mesure de l’effet Doppler) la vitesse de rotation de tout ce gaz. Ce qui, en vertu d’une des lois de Kepler, a à son tour permis aux astronomes d’en déduire la masse de l’étoile. Et, grâce à cette dernière, son âge. L2 Pup est très vieille : environ 10 milliards d’années, soit plus de deux fois plus que le Soleil, âgé de 4,57 milliards d’années. Et sa masse ne vaut plus que 0,66 fois celle de notre étoile. Mais c’est qu’elle a fondu d’un tiers ! « Il y a 5 milliards d’années, L2 Pup était une sorte de sœur jumelle de l’actuel Soleil et sa masse était alors de 1 masse solaire, la même que celle de notre Soleil », explique Pierre Kervella. Et c’est bien ce qui nous rend L2 Pup si précieuse : elle nous montre aujourd’hui ce qu’il adviendra du Soleil dans un peu plus de 5 milliards d’années.

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Tout en perdant progressivement de la masse par éjection d’une partie de la matière qui la constitue, L2 Pup a considérablement enflé. Son rayon vaut 123 fois celui du Soleil ! Ces deux phénomènes simultanés, réduction de la masse et augmentation du volume, sont les caractéristiques essentielles de la transformation dramatique que L2 Pup est en train de vivre sous nos yeux : le passage d’une étoile de type solaire à l’état de « géante rouge ». Un destin qui sera aussi celui du Soleil.

Cadavres d’étoiles

Transposée dans le Système solaire, L2 Pup engloberait dans son sein brûlant Mercure, la planète la plus proche du Soleil. Au terme du processus de transformation en géante rouge, Vénus, deuxième de liste, sera elle aussi absorbée et réduite en cendres par la boule de feu en expansion. Mais quid de la Terre, en troisième position ? Eh bien, pour la Terre, les prévisions se compliquent un peu, car elle sera juste à la limite.

En fait, cette « limite » est assez floue dans la mesure où l’étoile, parvenue au stade de géante rouge, n’a plus vraiment de surface : le gaz devient juste toujours plus dense à mesure qu’on s’approche du centre. Or, quand une planète tourne autour d’une étoile, elle obéit aux lois de la mécanique. Une de ces lois stipule que, si cette vitesse de rotation ralentit, la planète, perdant de l’énergie cinétique, se mettra à « spiraler » en boucles toujours plus resserrées autour de l’étoile jusqu’à finir par s’écraser sur elle. C’est ce qui arrivera à Vénus, freinée par les gaz éjectés du Soleil quand celui-ci deviendra à son tour une géante rouge.

Mais un autre phénomène compense en partie celui-là. La perte de masse de l’étoile a comme conséquence, toujours selon les mêmes lois de la mécanique newtonienne, d’agrandir les orbites des planètes : celles-ci vont donc toutes s’éloigner dans un même mouvement de l’étoile. Les astronomes appellent unité astronomique (UA) la distance Soleil-Terre, qui est d’environ 150 millions de km. La Terre est, par définition, éloignée d’une UA du Soleil ; quand le Soleil, devenu une géante rouge, aura perdu la moitié de sa masse, cette distance sera de deux  UA. Assez pour éviter à la Terre de spiraler jusqu’au cœur de l’étoile, comme sa voisine Vénus ? Les spécialistes en discutent encore. De toute façon, la vie à sa surface aura alors disparu depuis bien longtemps.Le stade « géante rouge » n’est que transitoire et dure très peu de temps : 500 millions d’années, soit 5 % de l’âge actuel de L2 Pup. Pendant 95 % de sa vie, celle-ci a été une étoile de type solaire, stable et immuable. Puis le processus de fusion thermonucléaire en son sein s’est emballé et elle est devenue une géante rouge. « Il faut voir une étoile comme la résultante d’un subtil équilibre, explique Miguel Montargès. Il y a, d’un côté, la gravité engendrée par la masse de matière, qui tend à la faire s’effondrer sur elle-même. Et, de l’autre, les formidables bouffées d’énergie dégagées en son cœur par la fusion thermonucléaire qui la pousse au contraire à se gonfler, à s’étendre dans toutes les directions. » La « crise » correspondant à la transformation en géante rouge n’est rien d’autre que la rupture de ce bel équilibre qui a fonctionné pendant des milliards d’années. Quand une étoile atteint l’âge respectable qui est celui de L2 Pup aujourd’hui, l’essentiel de son « carburant » thermonucléaire, l’hydrogène, a déjà été transformé en hélium par le processus de fusion. Or, pour continuer d’entretenir cette fusion, l’hélium a besoin d’une température et d’une pression plus élevée que l’hydrogène. Sa fusion dégage plus d’énergie. Pour pouvoir évacuer ce trop-plein, l’étoile augmente sa surface et sa luminosité, donc son volume. Au stade ultime, lui aussi éminemment stable, L2 Pup et le Soleil finiront en « naines blanches ». Des étoiles mortes, d’une taille proche de celle de la Terre, constituées des résidus de la fusion nucléaire… et extrêmement denses : un centimètre cube de naine blanche a une masse d’une tonne ! De bien lourds cadavres d’étoiles…

Le bestiaire stellaire

Les naines brunes : Ce sont des étoiles manquées, trop peu massives (moins de 0,08 masse solaire) pour que les réactions thermonucléaires s’enclenchent.Les naines rouges : Les plus petites des étoiles (entre 0,08 et 0,8 masse solaire) ; leur température de surface relativement basse leur confère une couleur rouge.Les naines jaunes : Des étoiles de taille moyenne. Le Soleil en est une.Les naines blanches : Les résidus des étoiles de masse moyenne, d’une taille égale à celle de la Terre. Après avoir évolué en géante rouge, le Soleil finira en naine blanche.Les géantes rouges : Des naines jaunes en fin de vie, qui expulsent leurs couches externes.Les géantes bleues : Des étoiles très massives (au moins dix fois plus grosses que le Soleil), très chaudes et très brillantes.Les étoiles à neutrons : Les résidus des étoiles massives, concentrant une masse équivalente à une fois et demie celle du Soleil dans un rayon d’environ 10 km.

Yann Verdo

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