Le tribunal correctionnel de Bobigny a estimé, lundi 20 février, que les faits de violences volontaires dont est accusé un policier municipal "sont de nature à entraîner une requalification criminelle".

Le tribunal correctionnel de Bobigny a estimé, lundi 20 février, que les faits de violences volontaires dont est accusé un policier municipal "sont de nature à entraîner une requalification criminelle"(Photo d'illustration).

MaxPPP/PHOTOPQR/LE PARISIEN

C'est une décision d'autant plus symbolique qu'elle intervient dans le sillage de l'affaire Théo. Ce lundi, le tribunal correctionnel de Bobigny a jugé qu'un policier municipal, jusque-là poursuivi pour des "violences volontaires aggravées", devait être traduit devant les assises pour viol. Âgé de 33 ans, le fonctionnaire de police est soupçonné d'avoir blessé Alexandre à l'anus à l'aide de sa matraque télescopique, lors d'une interpellation musclée, à l'automne 2015, à Drancy.

Publicité

LIRE AUSSI >> Violences policières: "J'ai vécu le même viol que Théo", témoigne Alexandre

Le 16 janvier dernier, le parquet de Bobigny avait requis à son encontre six mois de prison avec sursis et un an d'interdiction professionnelle. Mais ce lundi, la présidente de la 14e chambre a estimé que "les faits sont de nature à entraîner une requalification criminelle", en s'appuyant sur les certificats médicaux présentés par la victime et faisant état d'une "pénétration anale". Le tribunal s'est donc déclaré incompétent pour juger des faits et a renvoyé au parquet. L'avocat du policier municipal a annoncé, dans la soirée, qu'il allait faire appel de cette décision.

Examiné le soir de l'interpellation musclée, Alexandre s'était vu prescrire dix jours d'interruption totale de travail après qu'un médecin a constaté une "plaie ouverte d'une profondeur de 1,5 cm". Un an et demi après les faits, le jeune homme de 29 ans porte encore les stigmates -physiques et psychologiques- de cette blessure, avait-il confié à L'Express. Contactée, Me Marie-Cécile Nathan, l'un de ses deux conseils, livre son sentiment sur cette nouvelle étape judiciaire.

Vous souhaitiez depuis le début que les faits soient jugés en cour d'assises sous la qualification de "viol". Quelle est votre réaction après cette décision prise contre l'avis du parquet?

Marie-Cécile Nathan: C'est une très bonne décision, une décision juste. Elle vient confirmer la vision du dossier que nous défendons depuis le début, à savoir que les faits relèvent d'une qualification criminelle - celle de "viol" -et donc de la compétence de la cour d'assises et non du tribunal correctionnel. C'est une décision logique au regard des éléments matériels dans le dossier, qui justifie la qualification de "viol".

Et celle de votre client?

C'est un soulagement pour Alexandre, qui se sent enfin reconnu dans sa qualité de victime de viol. Symboliquement, c'était très important pour lui. Depuis le début, il affirme avoir été violé. Mais jusqu'à présent, la justice ne prenait pas en compte sa parole. C'est une étape dont on aurait aimé se passer, mais qu'il était très important de franchir. Cela va encore prendre du temps, mais Alexandre est satisfait que le tribunal entende sa voix.

L'affaire a été examinée par le tribunal correctionnel le 17 janvier dernier, avant le viol présumé de Théo par un policier lors de son interpellation, à Aulnay-sous-Bois. Mais le tribunal se prononçait ce lundi... Pensez-vous que le contexte de l'affaire Théo ait pu jouer?

Non, je ne pense pas. L'affaire Théo a mis en valeur le traitement des affaires de violences policières, de façon générale, en montrant qu'on minimise trop souvent les faits. Mais on ne fait pas pression avec un autre dossier! Ce sont les éléments matériels dans le dossier d'Alexandre qui permettaient, en eux-mêmes, cette démarche du tribunal correctionnel de Bobigny. La présidente a d'ailleurs appuyé sa décision sur les deux certificats médicaux qui établissent tous deux la pénétration anale dont a été victime Alexandre.

Que va-t-il se passer maintenant?

Si jamais l'une des parties fait appel [le prévenu ou le parquet peuvent faire appel de la décision dans un délai de dix jours], le dossier sera examiné devant la cour d'appel de Paris. Nous y plaiderons de nouveau la qualification de viol. En revanche, s'il n'y a pas d'appel, le parquet va ouvrir une information judiciaire, en désignant un juge d'instruction. Celui-ci va être chargé de mener l'enquête. Mais, il y a une petite contrainte avec cette décision du tribunal: le juge d'instruction saisi peut très bien requalifier les faits subis par Alexandre en "violences volontaires", s'il estime que les charges ne sont pas suffisantes pour que les faits soient qualifiés de "viol", et renvoyés devant la cour d'assises.

Publicité