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Cazeneuve précise les contours de la Fondation pour l’islam de France

Le ministre de l’intérieur lance, lundi, une série de « consultations », notamment auprès de membres du Conseil français du culte musulman.

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Publié le 29 août 2016 à 03h26, modifié le 29 août 2016 à 15h12

Temps de Lecture 5 min.

Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et le président du Conseil français du culte musulman, Anouar Kbibech, le 24 août.

Le gouvernement doit s’illustrer, lundi 29 août, dans ce qu’il nomme l’élaboration d’un « islam de France ». Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, va procéder à une série de « consultations » auprès de membres du Conseil français du culte musulman (CFCM) mais aussi de « personnalités de la société civile » et de parlementaires, alors que la polémique sur le « burkini » a monopolisé le débat politique ces dernières semaines.

La mise sur pied, d’ici au mois de novembre, de deux institutions sera au cœur de ces discussions : une Fondation pour l’islam de France, à visée culturelle, et une seconde à visée cultuelle. L’idée d’une Fondation des œuvres de l’islam remonte à 2005 et avait été lancée par l’ancien premier ministre Dominique de Villepin ; elle était restée lettre morte.

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« Cette journée constitue une nouvelle étape (...) pour réussir la construction d’un islam de France dans le respect des valeurs de la République », a redit M. Cazeneuve dans un entretien, lundi, au journal La Croix. En juin 2015, le ministère de l’intérieur avait annoncé une réflexion sur une nouvelle structure lors de la première réunion de l’instance de dialogue avec l’islam.

Budget de plusieurs millions

La première fondation, qui doit être présidée par l’ancien ministre de l’intérieur Jean-Pierre Chevènement, « a vocation à soutenir des projets, dans les domaines de l’éducation, de la culture, de l’engagement des jeunes, a détaillé M. Cazeneuve. Elle pourra prendre en charge la formation profane des imams, le développement de la recherche en islamologie, être un acteur d’une meilleure connaissance de l’islam à travers ses productions littéraires et artistiques ».

Elle a été pensée sur le modèle de fondations d’utilité publique déjà existantes comme celle du judaïsme français, du protestantisme ou encore la fondation Notre-Dame, qui ont des budgets de plusieurs dizaines de millions d’euros.

La Fondation pour l’islam de France va, elle, partir sur une base plus modeste. Des entreprises privées ainsi que des personnes physiques désireuses d’opportunités de défiscalisation ont vocation a être approchées. En attendant, l’Etat abondera à son capital à hauteur d’environ un million d’euros, précise l’entourage de Bernard Cazeneuve. De même, la dotation non employée d’un million d’euros faite par l’industriel Serge Dassaut à l’ancienne structure de M. de Villepin lui sera transférée.

Un directeur général sera nommé aux côtés de M. Chevènement. « Il ou elle sera musulman », précise Anouar Kbibech, président du CFCM. Le choix de Jean-Pierre Chevènement, 77 ans et non musulman, a suscité une incompréhension, redoublée lorsque, dans un entretien au Parisien, le 15 août, et en pleine polémique sur le burkini, M. Chevènement a invité les musulmans à « la discrétion » dans l’espace public « dans cette période difficile ».

« Tout sera mal perçu, quoi que je dise dans un sens ou dans un autre, a dit l’intéressé dans un entretien à l’Agence France-Presse dimanche 28 août. Il n’y a que des coups à prendre, aucun bénéfice personnel à escompter. Mais en même temps, cette mission est nécessaire : faire un islam de France, c’est une cause nationale qui devrait réunir la gauche et la droite. »

Le succès de l’initiative actuelle dépend des fonds récoltés mais aussi de la crédibilité dont elle jouiera aux yeux des Français musulmans, pour beaucoup réfractaires à l’image d’un islam piloté par les autorités publiques ou les Etats d’origine. « Il y a un mouvement qui a vocation à monter en puissance et à devenir légitime et attractif », souhaite un conseiller du ministre de l’intérieur. « Cette nouvelle structure sera le pont entre la République et les musulmans de France », vise M. Cazeneuve.

« Elites de salon »

Pas sûr que le casting de la place Beauvau honore cette ambitieuse promesse. Le conseil d’administration de la nouvelle institution comptera onze membres dont trois représentants des ministères de l’intérieur, de la culture et de l’éducation nationale, le président du CFCM, deux membres d’un « comité des donateurs » et cinq personnalités qualifiées. Il s’agit, en plus de Jean-Pierre Chevènement, de l’islamologue réformateur Ghaleb Bencheikh, de l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, du recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, et de la cadre supérieure Najoua Arduini-Elatfani, qui a présidé le Club XXIe siècle, un lobby agrégeant des personnalités issues de la « diversité ».

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« C’est un peu les mêmes élites de salon qui gravitent autour du ministère de l’intérieur depuis des années et qui sont dans du politiquement correct, critique ainsi Sihem Zine, militante et présidente de l’association Action droit des musulmans. Le ministère a peur de sa jeunesse. Il préfère s’entourer de personnes qui parlent le même langage de peur d’être froissé par des idées différentes ».

Adossée à cette fondation, une autre structure doit être mise sur pied, sans que l’Etat soit cette fois partie prenante, pour financer la construction ou la réfection de lieux de culte et la formation théologique des imams. Actuellement, près de 15% des financements de mosquées en France proviennent de l’étranger, d’après le ministère de l’intérieur. La future association cultuelle ne recevra pas de fonds de l’étranger, souhaite la place Beauvau. « On s’oriente vers un financement exclusivement français qui viendra à la fois de mécènes et qui pourra gérer la collecte de la redevance halal sur laquelle on avance », détaille M. Kbibech. Cette redevance sera « une contribution – volontaire et négociée – des acteurs de la filière halal », précise M. Cazeneuve à La Croix.

Des diplômes universitaires d’islamologie

Par ailleurs, si le gouvernement n’a pas le droit de s’immiscer dans la formation théologique des cadres religieux, il compte bien remédier au fait que la majorité de ceux qui officient en France sont formés à l’étranger. Des diplômes universitaires d’islamologie centrés sur la langue, la littérature et l’histoire, sont en germe, qui seraient proposés en partenariat avec les rares instituts privés de formation des imams sur le territoire, tels que celui de la grande mosquée de Paris ou celui de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). « Il faut organiser cette offre », précise l’entourage de Bernard Cazeneuve qui a demandé au secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche, Thierry Mandon, de constituer un groupe de travail qui rendra un rapport  « avant le mois de décembre ». « On est au maximum de ce que l’Etat peut et doit faire pour davantage de formation d’imams en France ».

Interrogé sur les conséquences de la décision du Conseil d’Etat qui, vendredi 26 août, a cassé un arrêté antiburkini, et tandis que la droite appelle à l’adoption d’une loi, le ministre de l’intérieur a rappelé dans La Croix que le gouvernement « refuse de légiférer sur ce sujet car une loi serait inconstitutionnelle, inefficace et de nature à susciter des antagonismes et d’irréparables tensions ».

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