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Maman cuisine, papa bricole : du sexisme dans les manuels de CP

L'étude du centre Hubertine-Auclert se base sur l'analyse de 22 manuels parus entre 2008 et 2015. STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

INFOGRAPHIES - Un centre d'étude sur l'égalité homme-femme a passé au crible une vingtaine de livres de lecture édités entre 2008 et 2015. Dans tous les domaines, «les femmes et les filles sont assignées à des rôles stéréotypés», conclut l'enquête.

Maman cuisine, les filles jouent à l'intérieur, les garçons font du sport, pendant que papa bricole. Voilà, à peine caricaturé, le tableau classique dressé par la plupart des manuels de lecture de CP, à en croire une étude publiée mardi par le centre Hubertine-Auclert, organisme consacré à la sensibilisation aux inégalités entre hommes et femmes. Elle se base sur 22 manuels scolaires de dix maisons d'édition différentes que le centre a passés au crible afin d'y analyser la présentation des hommes, des femmes et de leurs rapports.

• Les femmes minoritaires

Les auteurs de l'étude sont clairs: que les documents soient pris séparément ou que les manuels soient considérés dans leur ensemble, le nombre de personnalités féminines est très largement inférieur à celui des personnages masculins. Avec 39% de femmes pour 61% d'hommes, le rapport moyen est presque de deux femmes pour cinq hommes présents. Cette tendance est moins importante en ce qui concerne les enfants: 43% sont des filles, alors que seulement 36% des adultes sont des femmes.

Ce phénomène s'explique en partie par des «personnages de fidélisation» - présents tout au long du manuel - majoritairement féminins. Un élément qui vient contrebalancer la sous-représentation féminine. En revanche, en menant l'analyse sur les personnages animaliers anthropomorphes - des animaux qui parlent et s'habillent comme des humains -, l'étude révèle que seuls 28% de ces personnages sont identifiables comme féminins lorsqu'ils sont sexués. De même, les personnages féminins représentent seulement 40% des illustrations.

• Cantonnées à la sphère intérieure

«D'une manière générale, les femmes sont minoritaires dans toutes les sphères où elles apparaissent, sauf dans le cadre de la parentalité et des activités domestiques», résume le centre Hubertine-Auclert. La majorité des manuels reproduit ainsi la répartition traditionnelle des rôles entre hommes et femmes: les petites filles jouent à l'intérieur, les femmes sont majoritairement des mères qui font la cuisine et le ménage (70% des personnages) ou les courses (85%). Les garçons, à l'inverse, constituent 67% des personnages sportifs.

«Ce type de mise en scène n'est pas problématique en soi; c'est l'absence d'autres modèles qui limite les enfants dans leurs jeux et leur projection dans l'âge adulte», affirme l'étude. L'analyse révèle, malgré tout, le choix de faire pratiquer aux enfants des sports qui tendent à être associés au sexe opposé, comme le tir à l'arc et le surf pour les filles, ou la danse pour les garçons.

• Domaines professionnels sexués

Les personnages féminins étant moins nombreux, ceux qui évoluent dans la sphère publique et professionnelle sont masculins. Les femmes n'occupent jamais plus de 50% des professions évoquées. De fait, seules 22% des femmes représentées ont un emploi. Ce taux monte à 42% chez les hommes présentés, avec un écart de 1000 personnages. «Certains manuels excluent tout simplement les femmes des leçons sur les métiers», pointe le centre Hubertine-Auclert, évoquant une page consacrée au métier que l'enfant souhaite exercer, sans mentionner une profession féminisée ni montrer une femme sur les 13 illustrations présentées.

Fait emblématique: le domaine scientifique est presque exclusivement masculin, avec 2 femmes pour 56 hommes (soit 3%). Un élément lourd de sens alors que 70% des Européens considèrent que les femmes ne sont pas capables d'être des scientifiques, selon une récente étude. La sphère du maintien de l'ordre, rassemblant militaires, gendarmes ou encore pompiers, réussit à accroître encore l'écart avec 3 femmes pour 271 hommes (1%). L'armée française est pourtant l'une des plus mixtes au monde.

• Princesse ou fée contre roi ou monstre

Quant à l'univers imaginaire, très présent dans les livres pour enfants, il n'aide pas à rééquilibrer les rôles. Les rois sont 175 contre 72 reines, là où les 103 princesses dominent en nombre les 89 princes. «Si l'on considère habituellement qu'un roi ou une reine est plus puissant(e) qu'un prince ou une princesse, on voit que les personnages masculins dominent ce statut prestigieux», assure l'étude. Les auteurs pointent également la projection classique des stéréotypes qui a cours dans cet univers: les hommes constituent 87% des monstres et le grand méchant loup est toujours masculin. Soit une «image omniprésente du prédateur».

«Quels que soient les domaines, les femmes et les filles sont assignées à des rôles stéréotypés», résument les auteurs. Un constat qui, selon eux, «pose la question des représentations véhiculées dans les manuels» et leur «capacité à transmettre une véritable culture de l'égalité femmes-hommes».

Les manuels ont été publiés entre 2008 et 2015 - soit après la réforme des programmes de 2008. En 2016, de nouveaux manuels doivent être publiés pour intégrer les modifications du programme scolaire de primaire. Pour les rendre les plus égalitaires possibles, l'étude invite à multiplier les exemples positifs, comme cette «petite fille qui s'affranchit des stéréotypes» et à associer cette question à la problématique plus large des discriminations selon l'origine ou la classe sociale.

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