REPORTAGEPrésidentielle: On est allés voir «Chez nous», le film sur le FN chez le FN

Présidentielle: On est allés voir «Chez nous», le film sur le FN… sur les terres du FN

REPORTAGEAvis tranchés à la sortie…
Julien Laloye

Julien Laloye

De notre envoyé spécial à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais),

Soleil couchant sur la zone commerciale d’Hénin Beaumont mercredi. Enfin, ciel grisouillou, plutôt, mais c’est moins vendeur. Petite poussée d’adrénaline sur le parking de Cinéville, après avoir fait trois détours pour semer nos poursuivants (en fait, on s’est perdus). Le grand moment approche : aller voir Chez nous, le film de Lucas Belvaux sur le FN… fortement inspiré de la montée du parti frontiste à Hénin-Beaumont, justement (Steeve Briois, élu en 2014). On frétille comme si on allait voir Emmanuelle chez les mormons, vu ce que le maire en question a tweeté sur la chose début janvier.

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Et encore, l’idée de départ était plus transgressive. Emmener sur la plage arrière des militants FN pour les faire réagir au propos. Flop majuscule. La mairie nous indique qu’elle n’a pas envie de faire de la pub au film, et nos tentatives d’approche dans le centre-ville échouent piteusement. Non pas que les gens n’aiment pas les journalistes à Hénin-Beaumont,ils ont tout de même eu les honneurs du New-York Times, c’est juste qu’on ne trouve pas un sympathisant FN à la boulangerie du coin, encore moins disponible pour passer son mercredi soir au cinéma.

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Certains avaient quand même un peu de temps devant eux en début d’après-midi. Une petite dizaine de militants, accompagnés d’une banderole « Oui, on est chez nous » ainsi que de drapeaux tricolores, sont venus montrer leur désapprobation devant le cinéma. Citons nos collègues de l’AFP, rameutés à temps. « On veut montrer notre opposition à ce film irréel qui ne représente ni le FN ni ses électeurs », explique Laurent Dassonville, responsable FN du canton d’Avion, juste à côté. « On n’est pas là pour empêcher la diffusion du film que les gens jugeront d’eux-mêmes. On est dans un lieu culturel que l’on respecte, mais on montre notre mécontentement ».

On s’attend à tout pour la séance de 18h, pourquoi pas un rassemblement plus important. Une personnalité est d’ailleurs annoncée dans les minutes qui viennent. Mercedes noire, chevelure blonde à la fenêtre, notre cœur vacille. Ce serait quand même pas Marine Le Pen qui viendrait se voir le film en douce ? Du tout. Il s’agit d’Alexandra Lamy, qui enchaîne les selfies pour l’avant-première de L’embarras du choix.

Une star à Hénin, première
Une star à Hénin, première - F.Capa/20 minutes
Une star à Hénin, deuxième.
Une star à Hénin, deuxième. - F.Capa/20minutes

On a le choix aussi, d’ailleurs, pendant qu’on fait la queue pour acheter notre billet. Opter pour Alexandra Lamy où continuer dans nos intentions subversives. Regard complice avec le couple Télérama/France Inter qui s’achète deux places pour Chez nous (au moins dans notre imagination). Une bonne trentaine de personnes dans la salle un jour de vacances scolaires, des gens d’un certain âge, surtout.

ATTENTIONS SPOILERS

Le film est percutant, vraiment. « Presque un peu exagéré sur la fin », note un couple d’Hénin dans la cinquantaine, pas franchement fan du FN. « Il y a un sentiment de malaise qui est très grand en sortant. Il y a beaucoup de place accordée à la partie très agressive du parti, presque des commandos. Cette violence, on n’a jamais connu ça à Hénin ». Référence à l’histoire personnelle d’un des protagonistes, engagé dans la frange la plus violente de l’extrême droite. Un équivalent de Génération identitaire ou des JNR de Serge Ayoub dans la réalité, ces organisations à la réputation sulfureuse, proches idéologiquement du FN.

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La première partie,centrée sur l’instrumentalisation d’une jeune infirmière par les cadres du parti et la description d’une réalité sociale ardue, est la plus réussie, selon un groupe d’amies d’Hénin Beaumont, « toutes les trois du bassin minier et enfants ou petits-enfants d’immigrées », tiennent-elles à préciser d’emblée. Elles ne veulent pas donner leur nom, mais elles ont envie d’en parler.

« « Le film est criant de vérité. La construction d’un candidat, la dédiabolisation du parti, la fabrication d’une nouvelle image, l’art d’écouter les gens sans proposer de programme, c’est très subtil et c’est exactement ce qui s’est passé à Hénin. […] Pour les gens qui connaissent ce territoire, c’est un film anti-FN parce qu’il résume bien le mode de pensée de la région. La libération de la parole, ça existe. Les gens se lâchent de plus en plus et n’ont plus peur de s’afficher FN ». »

Regret unanimement partagé : « L’absence d’un débat autour du film pour que tout le monde puisse en décoder les subtilités ». Jean Labadie, son distributeur, nous a confié « n’avoir pas voulu prendre le risque pour ne pas faire de la provocation inutile », même si plusieurs avant-premières ont été organisées dans la région en janvier.

La question « Juste Prix » pour finir. Est-ce que ce film peut faire changer d’avis certains électeurs tentés de voter Marine Le Pen à la présidentielle ? « C’est pour ça que ça aurait été bien d’en discuter avec un adhérent au FN, poursuit le groupe. Bon, on aurait sans doute fini par se battre ! Plus sérieusement, c’est un film à destination d’un public averti, qui sortira de la salle renforcé dans ses opinions ». Mercredi, avant la dernière séance, ils étaient environ 80 à avoir fait le déplacement. Parmi eux, très peu d’électeurs frontistes, sans doute.

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