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On a testé… « Uncharted : The Lost Legacy », un jeu vidéo-film à la Truffaut

Cet épisode connexe à « Uncharted 4 » séduit par le culot de ses héroïnes, en dépit d’une propension au recyclage de vieilles idées.

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Publié le 22 août 2017 à 13h18, modifié le 23 août 2017 à 16h59

Temps de Lecture 5 min.

Chloe Frazer (à gauche), héroïne de ce hors-série spectaculaire.

Vestiges d’une cité indienne oubliée, embarquement immédiat ! Commercialisé sur PlayStation 4 mardi 22 août (40 euros), Uncharted : The Lost Legacy prolonge les aventures exotiques du héros Nathan Drake, à la retraite depuis la fin d’Uncharted 4 (2016), mais cette fois avec Chloe Frazer, indépendante et intrépide archéologue indo-australienne déjà croisée dans plusieurs épisodes, en guise de protagoniste principale.

Fait rare, c’est même un second personnage féminin qui l’accompagne, Nadine Ross, l’increvable mercenaire découverte à l’occasion des ultimes péripéties de l’explorateur à Madagascar. Avec, cette fois, un artefact doré en forme de défense de Ganesh en ligne de mire.

Des qualités reconnues de la saga Uncharted, cet « héritage perdu » (the lost legacy en anglais) conserve à peu près tout : les paysages chavirants de beauté — cette fois, ceux de la région des Ghats occidentaux — ; un rythme échevelé, qui permet à l’aventure d’avancer à toute allure, sans temps mort, mais avec juste ce qu’il faut de respirations parfaitement dosées ; des personnages qui sont de véritables personnalités, humaines et attachantes, que l’on se surprend à regretter une fois la console éteinte ; et ces séquences somme toute classiques d’escalades et de fusillades, qui sans n’être jamais véritablement difficiles ni trépidantes, rappellent au spectateur qu’il est aussi l’acteur de ce jeu si cinématographique.

L’héroïsme au féminin

S’il faut reconnaître deux principales réussites à cet épisode développé en un temps record, c’est son duo d’héroïnes et son rythme endiablé. Plus de deux décennies après l’apparition de Lara Croft, le tandem choc de cette aventure dans les ruines d’une civilisation indienne du XIVe siècle rend enfin justice à une certaine idée de l’héroïsme au féminin. Chloe Frazer et Nadine Ross brillent par ce qu’elles ne sont pas : potiches, dépendantes, sexualisées. Ce sont deux personnages au tempérament bien trempé, tout en étant suffisamment contrastés pour qu’une complicité puisse s’instaurer. Chloe, chasseuse de trésors égoïste, flegmatique et à l’humour dévastateur ; Nadine, mercenaire méfiante, terre-à-terre et rentre-dedans. On s’est parfois surpris à ralentir en 4×4, afin que le bruit de moteur couvre un peu moins les délicieuses reparties que les deux protagonistes échangent.

La complicité naissante entre Nadine Ross (à gauche) et Chloe Frazer, l’une méfiante, l’autre imprévisible, sont au coeur de l’aventure.

Et puis, il y a ce rythme, qui vaut à Uncharted : The Lost Legacy de se terminer si vite. « Les films sont plus harmonieux que la vie. Il n’y a pas d’embouteillages dans les films, pas de temps mort. Les films avancent comme des trains, tu comprends, comme des trains dans la nuit, » se faisait dire le réalisateur François Truffaut dans La Nuit américaine, en 1973. De Steven Spielberg à George Lucas, le réalisateur de Jules & Jim a influencé les plus grands metteurs en scène hollywoodiens, et sa célèbre citation s’applique merveilleusement bien à Uncharted : The Lost Legacy.

Format plus ramassé

De la fuite par les toits d’une mégalopole indienne au ratissage des Ghats occidentaux, de l’escalade d’une majestueuse statue de Ganesh à l’exploration d’une cité abandonnée remplie de mécanismes vicieux, sans compter les savoureuses surprises que réserve l’aventure, The Lost Legacy abat ses cartes avec une maîtrise et une virtuosité inattaquables. Et contrairement à Uncharted 4, qui se perdait parfois dans des chapitres à rallonge, cette suite directe tend au contraire à aller à l’essentiel.

Chronomètre en main, le jeu est plus court que ses aînés : six-sept heures grand maximum pour en voir le bout, contre le double pour ses prédécesseurs. Il faut se souvenir que cet épisode, qui devait initialement n’être qu’une extension téléchargeable pour Uncharted 4, a été développé en seulement neuf mois, et son nombre inhabituellement réduit de chapitres est là pour rappeler que son développement a dû être mené tambour battant. Le problème, ou le génie, de ces six heures-là, c’est qu’elles semblent passer comme une seule.

Paysages majestueux, acrobaties spectaculaires, humour et cliffhangers improbables : la recette d’« Uncharted » reste fidèle à elle-même.

Résultat : rarement un épisode de la série aura semblé aussi cinématographique, jusque dans son format plus ramassé qu’à l’accoutumée. Cela tombe d’autant mieux que ce hors-série de la saga de jeux d’action de Naughty Dog trahit à chaque instant son obsession du septième art. Son parti pris est celui d’un récit d’aventures empruntant très ouvertement aux codes d’Indiana Jones, sa mise en images en regorge avec ses innombrables plans spectaculaires en plongée et en contre-plongée. Et, surtout, son rythme échevelé, ses authentiques cliffhangers, ses dialogues et son jeu d’acteur admirables, ont tout du grand film d’action.

Sentiment de déjà-vu

Par un malheureux paradoxe, il se trouve toutefois que les points forts majeurs de The Lost Legacy s’accommodent mal les uns des autres. Après plus de quarante heures cumulées d’explorations acrobatiques dans la peau de Nathan Drake, par quelle espèce de drôle d’injustice faut-il que ce premier épisode féminin soit aussi le plus plus court, et à certains égards, le moins ambitieux ?

Car en raison même de son développement en un temps record, et malgré des pointes à trois cents développeurs, cet « Uncharted 4,5 », comme on pourrait l’appeler, ne peut que recycler à grands tours de bras tout ce que l’épisode de 2016 avait mis plusieurs années à mettre en place. Grappin, piolet, treuil… à l’exception notable du crochetage de serrure, pas une des mécaniques de jeu qui n’ait déjà été vue à l’identique, et déjà usée mille fois dans l’épisode précédent.

Plus embarrassant encore, si Chloe Frazer a été admirablement jouée, si ses dialogues sont brillamment écrits et formidablement incarnés par la voix de Claudia Black, nombre de ses animations manette en main semblent directement empruntées à Nathan Drake. Si le détail n’a rien de gênant, il conforte un peu plus cette impression de jouer à un épisode conçu avec des contraintes de temps trop lourdes, expliquant aussi en partie pourquoi certaines séquences de l’aventure, comme la fin, sont des décalques quasi parfaits de scènes des épisodes précédents.

Certains pesteront peut-être, estimant que six heures d’aventures, c’est trop court, alors que le problème est viscéralement ailleurs : pour donner à Chloe Frazer une aventure vraiment à sa mesure, neuf mois de développement, ce n’était pas assez long.

En bref

On a aimé

  • Un duo réussi et attachant
  • La maîtrise inattaquable du rythme
  • L’impeccable variété des chapitres
  • Des paysages somptueux
  • Retrouver des personnages déjà connus

On n’a pas aimé

  • Le finale aux airs de déjà-vu, déjà-joué
  • Un bad guy très caricatural
  • Beaucoup de recyclage d’Uncharted 4
  • Quelques retournements de situation alambiqués

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous avez fait tous les Uncharted et en redemandez
  • Vous voulez voir un buddy movie (film de potes) au féminin
  • Vous rêvez d’escalader Ganesh
  • Vous êtes passionné(e) de corniches vidéoludiques

Ce n’est pas pour vous si…

  • Vous n’avez pas joué à Uncharted 4 (et risquez de ne rien comprendre)
  • Vous aimez les épisodes d’Uncharted teintés de surnaturel (il n’y en a pas)
  • Vous espérez une aventure de longue haleine (elle est plutôt courte)
  • Vous avez faim (c’est un jeu vidéo, ça ne se mange pas)

La note de Pixels

Plusieurs trains dans la nuit/10

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