Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'ĂŞtes pas inscrit sur Le Monde ?

Le pape en dissidence

La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti (vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club).

Par 

Publié le 06 octobre 2015 à 20h24, modifié le 09 octobre 2015 à 10h12

Temps de Lecture 3 min.

Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club

Michel Piccoli et Jerzy Stuhr.

La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti.

A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.

Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.

Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.

L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.

Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.

Angoisses et Ă©merveillements

Le processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.

Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
DĂ©couvrir

Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.

Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.

Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.

Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

RĂ©utiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă  la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez Ă  lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.