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Discriminations au travail : un panorama toujours sombre

Un tiers des actifs affirme avoir subi des discriminations dans l’emploi, selon le baromètre du Défenseur des droits et de l’OIT. Les obstacles se cumulent chez les personnes perçues comme immigrées, les jeunes et les femmes enceintes.
par Alexia Eychenne
publié le 23 mars 2017 à 14h08

Année après année, le baromètre annuel de la perception des discriminations dans l'emploi dresse le même constat : le monde du travail est particulièrement propice aux discriminations. Pour sa dixième édition parue ce jeudi, le Défenseur des droits et l'Organisation internationale du travail (OIT) ont sondé, en France, 5 117 personnes sur leurs impressions comme sur leur expérience concrète du phénomène.

Près d'une sur deux est convaincue que les discriminations sont «fréquentes ou très fréquentes» au cours d'une embauche. Le recrutement se situe ainsi en troisième place des situations perçues comme les plus discriminantes, juste derrière les contrôles de police et la recherche d'un logement. Un sentiment accru par l'opacité des processus de sélection, estime l'étude. Un tiers des sondés juge aussi que des discriminations s'exercent en cours de carrière.

L’âge et le sexe en tête des critères

Au-delà du ressenti, 34% des actifs affirment avoir subi eux-mêmes des discriminations dans l’emploi ces cinq dernières années, 29% au travail et 18,5% au cours d’une recherche d’emploi. En tête des critères d’exclusion, l’âge et le sexe – dans 15% des cas –, suivis par l’origine (8%), la grossesse et la maternité (7%), le handicap ou l’état de santé (6%), et la religion (2%).

Autre facteur pénalisant, sans qu’il fasse partie des critères de discrimination reconnus par la loi : le chômage. 53% des demandeurs d’emploi se disent discriminés, contre 32% des agents publics et 30% des salariés du privé. Le Défenseur des droits avance plusieurs raisons. Les personnes qui multiplient les candidatures infructueuses et s’enfoncent dans le chômage de longue durée peuvent développer un sentiment d’injustice et de «surstigmatisation». On retrouve aussi surreprésentés chez les chômeurs des candidats à l’embauche plus exposés que les autres aux discriminations : les jeunes, les personnes handicapées et celles originaires de pays hors de l’Europe.

L’homme blanc d’âge moyen plus préservé

C’est ce qui amène le Défenseur des droits et l’OIT à analyser de plus près les situations de discriminations multiples. Cumuler certaines caractéristiques rend en effet des groupes sociaux plus ou moins vulnérables. La moitié des femmes de 18 à 44 ans rapportent par exemple avoir été discriminées. Elles sont encore plus nombreuses parmi les femmes du même âge perçues comme d’origine extra-européenne, et parmi celles qui ont été enceintes ou mères d’un enfant en bas âge.

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Chez les hommes, 48% des sondés vus comme originaires d’un pays hors Europe assurent avoir été discriminés, contre 24% de ceux perçus comme blancs. Et quand le facteur de l’origine s’ajoute à celui de l’âge, les discriminations sont encore décuplées : par rapport à des hommes blancs de 35 à 65 ans, les hommes vus comme d’origine extra-européenne entre 18 et 34 ans ont cinq fois plus de risques d’être marginalisés… Par effet de contraste, un sous-groupe apparaît comme le moins discriminé de tous : celui des «hommes "blancs" d’âge moyen et pères de famille». Seuls 13% d’entre eux déclarent avoir subi des discriminations.

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