Eric Laurent le 30 août 2006 à Jouy-en-Josas

D'après les enregistrements, c'est Eric Laurent qui aurait eu une première rencontre avec l'avocat du roi du Maroc.

afp.com/PIERRE VERDY

"Je veux trois. -Trois quoi, Trois mille?, interroge l'avocat. -Non, trois millions. -Trois millions de dirhams? -Non, trois millions d'euros". C'est l'échange qu'auraient eu Eric Laurent, l'un des deux journalistes français soupçonnés d'avoir fait chanter le roi du Maroc, et l'avocat du royaume chérifien lors de leur première rencontre. Une discussion enregistrée clandestinement par ce dernier dans un palace parisien le 11 août et révélée ce dimanche par le JDD.

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La Maroc porte plainte après la première rencontre, la deuxième se fait sous la surveillance de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), mais c'est toujours l'avocat marocain qui effectue les enregistrements à l'insu des journalistes.

Catherine Graciet se méfie

On l'entend résumer la situation: "Vous et madame Graciet, [êtes] disposés à renoncer à la publication de cet ouvrage (ndlr: compromettant envers le roi du Maroc selon les journalistes), et de façon plus générale, [que] les informations sensibles que vous avez, vous étiez disposés à prendre l'engagement de les oublier", relate le JDD. A la demande de l'avocat, le journaliste assure que sa co-auteure Catherine Graciet sait pour "les trois millions".

L'hebdomadaire évoque la troisième rencontre et la méfiance de la journaliste, présente pour la première fois, qui fait changer le lieu de rendez-vous et demande à l'avocat de ranger son téléphone, alors posé sur la table.

"Un traquenard"

Dans une lettre consultée par JDD, les deux journalistes s'engagent à "'ne plus rien écrire' sur le roi du Maroc, en contrepartie du versement de la somme de deux millions d'euros", et réclament une avance. L'avocat leur aurait remis une enveloppe de 40 000 euros chacun et la journaliste rédige alors un protocole manuscrit. A leur sortie du palace où a lieu la réunion les deux journalistes sont interpellés. Ils ont été mis en examen dans la nuit de vendredi à samedi pour chantage et extorsion de fonds et laissés libres sous contrôle judiciaire.

"C'est précisément l'avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages", a affirmé de son côté le conseil de Catherine Graciet. "Un traquenard", résume William Bourdon, qui dénonce une "opération politique" de Rabat contre deux journalistes critiques, "dont l'enquête est de nature à révéler de lourds secrets".

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