La polémique sur les programmes scolaires refait surface

La polémique sur les programmes scolaires refait surface
La ministre de l'Education nationale estime que sa charge de travail au sein de ce ministère est trop importante pour pouvoir être tête de liste en Rhône-Alpes-Auvergne. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Tandis que les nouveaux programmes scolaires sont sous le feu des critiques depuis avril, une nouvelle démission au sein du Conseil supérieur des programmes vient alimenter les rumeurs de tutelle idéologique du ministère de l'Education.

Par Le Nouvel Obs
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Nouvelle démission au Conseil supérieur des programmes (CSP). La semaine dernière, Annie Genevard, députée Les Républicains du Doubs et maire de Morteau a officiellement annoncé son départ de l'instance chargée d'élaborer les programmes scolaires.

Les temps sont durs pour le Conseil supérieur des programmes. Depuis le 13 avril et la publication par le CSP des projets de nouveaux programmes des classes de CP jusqu'à la troisième, l'instance est sous le feu des critiques, notamment à droite. Face à la levée de boucliers, le ministère de l’Education a demandé fin juin au Conseil de revoir sa copie.

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Instauré dans le cadre de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République -dite loi Peillon-, ce conseil est censé être "indépendant tout en étant placé auprès du ministre de l'Éducation."

Pourtant, depuis sa création en octobre 2013, quatre des 18 membres qui le composent ont déjà claqué la porte, alimentant un peu plus l'idée selon laquelle l'instance serait placée sous tutelle idéologique du cabinet de Najat Vallaud-Belkacem.

"Tutelle occulte" du cabinet de la ministre ?

Le départ de Annie Genevard est loin d'être une surprise. Déjà, en début d'année, la députée avait évoqué sa possible démission si un projet d'introduction des "langues étrangères de l'immigration" en classes maternelles n'était pas retiré.

"J'ai le désagréable sentiment d'une tutelle occulte et d'une indépendance de façade", écrit Annie Genevard dans sa lettre de démission adressée à Najat Vallaud-Belkacem à la mi-aôut. D'après la député, que l'"Obs" a contacté, les interventions du cabinet de la Ministre se seraient multipliées durant toute la phase d'élaboration des programmes.

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La ministre de l'Education profiterait de l'ambiguïté du statut de l'instance - "indépendant tout en étant placé auprès du ministre" - à des fins "idéologiques".

En plein avancement des travaux, on apprenait au détour d'une confidence, que la ministre avait déjà tranchée telle ou telle question. Ma démission est une démission d'alerte, de refus d'un système qui doit prendre fin."

Si Annie Genevard dit avoir attendu la rentrée pour annoncer sa démission dans "un souci de ne pas perturber davantage le travail du CSP", tous ses collègues n'ont pas eu les mêmes égards. Le 18 mai, en pleine polémique autour de la réforme des programmes d'Histoire, Jacques Grosperrin, sénateur Les républicains du Doubs -décidément !- avait lui aussi préféré tourner les talons et garde un souvenir amer de son passage au CSP.

"M. Lussault m'était vite apparu comme un gentil idéologue, nostalgique des années 70", tacle Jacques Grosperrin.

"On sait de qui venait les ordres", continue le sénateur. "Au CSP, vous n'avez aucun pouvoir de changer les choses sur le fond. La majorité du temps, vous vous contentez de déplacer une virgule dans une phrase que quelqu'un d'autre a écrit..."

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Des accusations balayées par Michel Lussault, qui avait succédé au Haut-fonctionnaire Alain Boissinot à la tête du CSP en septembre 2014 et que l’"Obs" a contacté :

J'assume parfaitement le fait de travailler étroitement avec la ministre et son cabinet".

Selon lui, la "collaboration" avec le ministère de l'Education obéit aux statuts de l'instance définis par la loi Peillon, "il n'y a rien d''occulte, rien de caché'."

Le CSP est placé sous l'autorité exécutive du ministère de l'Education. Il est naturel de se montrer attentif aux demandes de la ministre et de son cabinet."

"Opérations politiciennes", répond l'entourage de la ministre

Principale cible des critiques, Najat Vallaud-Belkacem n'a pas encore souhaité réagir officiellement mais dans son entourage, cette nouvelle démission au sein du CSP est vue comme "une opération politicienne cousue de fil blanc" :

Depuis l'arrivée de Najat Vallaud-Belkacem, deux membres du CSP ont démissionné, les deux appartiennent à l'opposition et ont chacun à leur manière voulu faire un 'coup'."

"C'est intéressant de constater que Mme Genevard a annoncé sa démission alors qu'elle vient d'être chargée de la rédaction du projet éducatif des Républicains. Elle a certainement souhaité s'aménager du temps supplémentaire pour mener à bien cette nouvelle fonction… ", glisse un proche de Najat Vallaud-Belkacem.

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Sans la députée du Doubs désormais - qui devrait être remplacée par une député de l'opposition "très rapidement" - les prochaines semaines s'annoncent chaudes pour le CSP. Retoqués par Najat Vallaud-Belkacem fin juin, les projets "retravaillés" devraient être dévoilées "dans le courant du mois de septembre", selon le ministère de l'Education.

Autre "patate chaude" confiée par la ministre au CSP : la délicate question de l'enseignement du latin et du grec, qui devrait évoluer dans le cadre de la réforme du collège. Les résultats des travaux de l'instance, saisie sur cette question en mai par la ministre, sont attendus le 15 octobre.

Lucas Burel

Le Nouvel Obs
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