Le milieu apicole est extrêmement opaque
Pourtant, selon Bruxelles Environnement et l’équipe de recherche de l’ULB, les premiers résultats d’analyse sur le terrain ne laissent aucun doute sur le fait que l’activité apicole se développe bel et bien à Bruxelles, au détriment de la préservation de la biodiversité et des 200 espèces d’abeilles sauvages recensées à Bruxelles.
"Dans une ruche, vous avez plusieurs dizaines de milliers d’individus d’abeilles domestiques. A Bruxelles, les populations d’abeilles sauvages sont nettement minoritaires, on parle de quelques dizaines d’individus par espèce. Donc, forcément, celles qui sont surnuméraires ont un effet de dominance", explique Nicolas Vereecken.
Qui dit vrai ? Bruxelles compte-t-elle trop d’abeilles ou trop peu ? Comment objectiver tout cela ? La Région voudrait réaliser un cadastre du nombre de ruches et de leur localisation par rapport aux espaces verts. Mais la tâche est titanesque.
"Le milieu apicole est extrêmement opaque. Comme il n’est pas obligatoire de déclarer toutes les ruches installées sur le territoire à Bruxelles, il y a un flou artistique, en raison d’un manque de communication et de transparence", estime Nicolas Vereecken.
Un premier pas a été franchi dans la bonne direction, mais il est insuffisant selon le scientifique : depuis septembre 2019, les apiculteurs ont l’obligation de se déclarer la commune à partir de trois ruches. Ceux qui en une ou deux, ce qui est fréquent, ont donc la possibilité de passer sous le radar.
C’est parfois difficile de revenir sur des certitudes
La nouvelle orientation prise par les autorités régionales déplaît à bon nombre d’apiculteurs. "Je suis inquiet pour l’abeille mellifère. Je suis inquiet pour l’apiculteur pédagogue et sensibilisateur", résume Yves Van Parys. L’abeille domestique, qui avait si bonne presse, doit aujourd’hui descendre de son piédestal.
"Il y a eu un gros phénomène de mode depuis quinze ans, analyse Julien Ruelle, coordinateur de la stratégie pour les pollinisateurs au sein de Bruxelles Environnement. On a installé des ruches partout, y compris sur les toits d’entreprises et d’administrations, parce que c’était une solution facile qui donnait l’impression qu’on sauvait la planète très facilement. Aujourd’hui, on se rend compte que ce n’est pas aussi intuitif. Mettre des ruches ne favorise pas spécialement la biodiversité et peut même lui nuire. Alors, on revient un peu en arrière. Et c’est parfois difficile de revenir sur des certitudes qu’on avait il y a dix ans."
Certains apiculteurs abondent dans ce sens-là. "On s’est mis le doigt dans l’œil il y a 10 ans, reconnaît volontiers Marc Wollast. La direction prise est la bonne. Cela va plus loin que le simple principe de précaution", affirme l’apiculteur et coordinateur de l’association Apis Bruoc Sella.
Pas des pourfendeurs de l’apiculture
Alors, l’apiculture urbaine vit-elle ses dernières années à Bruxelles ? "L’apiculture a sa place historique à Bruxelles, assure Julien Ruelle. Il n’est pas du tout question de l’interdire, mais de la remettre dans le tissu social et pédagogique."
Sont donc dans le viseur de la Région : la production intensive de miel et les parrainages de ruches par des entreprises. "Cela, c’est totalement délétère pour l’environnement, tranche Nicolas Vereecken, chercheur à l’ULB. Mais nous ne sommes pas des pourfendeurs de l’apiculture. On souhaite une apiculture de petite échelle et transparente en termes de localisation et de motivation."