Afrique de l'Est - États-Unis : le partenariat économique attendra

En tournée en Afrique de l'Est pour sa deuxième visite officielle sur le continent, Tibor Nagy, secrétaire d'État adjoint aux Affaires africaines, a privilégié la diplomatie et la sécurité. Au détriment des relations économiques.

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Tibor Nagy, secrétaire d'État adjoint aux Affaires africaines, et le président Uhuru Kenyatta du Kenya, début décembre à Nairobi.

Tibor Nagy, secrétaire d'État adjoint aux Affaires africaines, et le président Uhuru Kenyatta du Kenya, début décembre à Nairobi.

© DR

Temps de lecture : 6 min

Après l'Afrique de l'Ouest au début du mois de novembre, c'est à l'autre côté du continent que Tibor Nagy a consacré la suite de sa visite en Afrique. Le secrétaire d'État adjoint aux Affaires africaines achève, en effet, une tournée de quelques jours en Afrique de l'Est. Point de départ de cette tournée : le 6e dialogue États-Unis-Union africaine (UA) à Addis-Abeba, le 29 novembre dernier.

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L'ancien diplomate au Togo et au Nigeria s'est ensuite rendu à Djibouti, en Érythrée et au Kenya, où de nombreux accords d'investissements américains ont déjà été signés cette année, dans le cadre du Big Four, le programme de développement d'Uhuru Kenyatta. Lors d'une conférence de presse donnée depuis Nairobi, le secrétaire d'État adjoint a justifié ce déplacement par le besoin de « voir de [ses] propres yeux le développement et les changements positifs qui s'opèrent sur le terrain, notamment en Éthiopie ».

Reprise de contact avec l'Érythrée

Mais le premier point évoqué par Tibor Nagy a été celui de sa rencontre avec le président érythréen Isaias Afwerki. La rencontre est intervenue quelques mois après la pacification des relations du pays avec ses voisins, dont la Somalie et l'Éthiopie, mettant fin à plusieurs années de conflits. « J'espère que les États-Unis auront une relation aussi chaleureuse avec l'Érythrée qu'ils l'ont avec l'Éthiopie, a-t-il fait savoir. Cela va se faire par étape, mais il y a des intérêts mutuels à la reconstruction de nos relations. Les échanges entre l'Érythrée et l'Éthiopie nous encouragent beaucoup. J'espère qu'il en sera de même avec Djibouti. »

Interrogé sur la violation des droits de l'homme dont sont régulièrement victimes les Érythréens, le secrétaire d'État adjoint a préféré rester évasif. « Le respect de ces droits fait bien sûr partie de nos préoccupations. Mais je préfère ne pas entrer dans les détails. » Le sujet pourrait pourtant revenir très rapidement au centre des discussions. En effet, même si le pays a fait preuve d'ouverture en signant l'accord de paix définitif avec l'Éthiopie en septembre dernier, de nombreuses questions demeurent, comme le traitement des disparus de la guerre qui a fait entre 70 000 et 100 000 victimes en deux ans.

Lutte contre les shebabs

Autre sujet relatif aux conflits de la région : la lutte contre les shebabs en Somalie. « C'est un problème pour les États-Unis, mais ça l'est davantage pour les voisins du pays, et notamment le Kenya, a reconnu Tibor Nagy. Nous reconnaissons les sacrifices que le pays a faits dans la lutte contre le terrorisme. Alors, oui, nous proposons des formations et renforçons les capacités de l'armée sur le terrain. Mais que va-t-il se passer après ? Qui pour remplacer le vide qui sera laissé par les shebabs ? Je n'ai pas encore la réponse. »

Même s'il avoue donc un peu ne pas avoir de réelles solutions concernant le contrôle du groupe dans la région, le secrétaire d'État adjoint a tout de même souligné la nomination d'un ambassadeur sur place à Mogadiscio, Donald Yamamoto, en provenance de Nairobi. Une première depuis 1991, date à laquelle Washington avait décidé de fermer son ambassade à la suite des combats entre des rebelles et le pouvoir de Siad Barré, et la mort de 18 membres des forces spéciales américaines dans la capitale somalienne en 1993. Le retour d'un interlocuteur permanent illustre ainsi une accalmie, certes relative, des violences en Somalie, également conséquence de l'intensification des bombardements aériens américains.

Le secrétaire d'État adjoint n'a, en revanche, pas fait le déplacement dans le pays. « C'est un peu étonnant, car l'ouverture de l'ambassade est tout de même un geste fort, affirme Jeff Hawkins, ancien diplomate américain en Afrique et chercheur à l'Iris. La diplomatie lui a préféré Djibouti, qui est la clé de voûte de l'engagement militaire américain. Ce déplacement donne une couleur très sécuritaire à la tournée est-africaine de Tibor Nagy. »

Agoa et relations économiques

Sur le sujet économique, peu d'annonces ont été faites. Tibor Nagy a tout de même réitéré le soutien américain à la mise en œuvre du projet phare de l'UA, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlec). « Nous soutenons la Zlec et toutes les tentatives de régionalisation », a-t-il simplement assuré. « L'engagement des États-Unis envers la zone de libre-échange se fera d'abord en fonction des capacités de l'Union africaine, le pays s'adaptera. C'est dans la logique de la relation qu'il entretient avec l'organisation, qu'il soutient financièrement. En 2016, les États-Unis ont versé à l'Union africaine 3,5 millions de dollars », explique Jeff Hawkins.

Tibor Nagy, qui a passé plus de 20 ans en poste en Afrique, a, par ailleurs, évoqué « l'absence d'accords de libre-échange avec le continent », à l'exception du Maroc. « Mais nous avons la volonté de changer cette situation. C'est pourquoi nous consultons divers pays à ce sujet, nous cherchons un modèle. C'est un sujet dont j'ai discuté à Addis-Abeba, avec des représentants de l'Union africaine », a-t-il avoué. « Hormis le Kenya, avec lequel les États-Unis entretiennent un partenariat important, il n'y a pas vraiment de relations économiques fortes entre Washington et les pays de la région. Et au vu du peu d'intérêt de l'administration Trump pour l'Afrique, je pense que la situation n'évoluera pas vraiment », commente Jeff Hawkins.

Concernant l'Agoa, la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique promulguée en 2000, Tibor Nagy a préféré ne pas faire de commentaire. La révision annuelle du programme, au début du mois de novembre, a été marquée par l'exclusion de la Mauritanie, accusée par le gouvernement américain de « restreindre la capacité de la société civile à s'exprimer sur les questions d'esclavage », peut-on lire dans un communiqué. Toutes les mesures prises après le passage en revue du programme n'ont toutefois pas encore été communiquées par les États-Unis.

Si l'Agoa a été initiée par Bill Clinton et Power Africa – projet censé doubler l'accès à l'électricité en Afrique pour atteindre 300 000 mégawatts d'ici 2030 – de Barack Obama, qu'en est-il d'une mesure phare de Donal Trump pour le continent ? « Le président a récemment promulgué une loi qui double les fonds destinés aux pays en développement, de 30 à 60 milliards de dollars. La plupart sont destinés à l'Afrique, a avancé le diplomate. Mais plutôt que l'aide au développement, nous privilégions aujourd'hui l'augmentation des investissements directs à étranger. Et beaucoup d'investisseurs américains cherchent des marchés. Je ferai donc en sorte de leur trouver des environnements propices à l'investissement, toujours sur un pied d'égalité. »

Au-delà de l'Afrique de l'Est....

Enfin, interrogé sur le conflit en zone anglophone au Cameroun, Tibor Nagy, ancien ambassadeur dans le pays, a fait savoir sa « profonde inquiétude ». « Au début des années 1990, lorsque j'étais en poste, il y avait déjà des frictions entre les communautés, et les anglophones se sentaient comme des citoyens de seconde zone. C'est une situation qui mérite toute notre attention, car il y a un vrai risque de radicalisation, a-t-il prévenu. Boko Haram, à ses débuts, n'était qu'une toute petite organisation. C'est à cause de la réaction très rigide du gouvernement qu'elle est devenue ce qu'elle est aujourd'hui. Le Cameroun, lui, a évoqué la décentralisation. Mais j'ai peur que les choses n'aillent qu'en s'empirant. ».

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