La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse

Valérie Pécresse est en lice pour accéder au second tour de la présidentielle.

AFP/ERIC PIERMONT

Vingt-neuf pages. Ce jeudi 13 janvier, Valérie Pécresse vient parler agriculture dans la vallée du Doubs. Après la visite d'une exploitation laitière, la candidate LR se fend d'un long discours pour dévoiler ses propositions pour la filière. Hausse des revenus, allégement de la fiscalité des transmissions, transposition des normes européennes... Rien n'est oublié dans ce propos fleuve et technique. Mais que sera retenu par l'auditoire ? Exception faite du concept "d'agrifierté", difficile d'isoler une mesure phare de ce chapelet de propositions. "Le discours était très bien, elle maîtrise son sujet, confie Eric Pauget, député LR et conseiller de la candidate. Mais le soir, quand on y repense, on se dit : quel était le marqueur ?"

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Cet épisode résume le début de campagne présidentielle de Valérie Pécresse. L'ancienne ministre s'est employée à cocher plusieurs cases. Elle a rassemblé sa famille politique, obtenu le soutien de ses alliés centristes et vante les mérites d'un projet dense et hyperstructuré. Son programme se veut l'alliance d'une fermeté régalienne et de réformes libérales. Avec 16% d'intentions de vote, elle a installé un duel avec Marine Le Pen pour accéder au second tour.

A droite, certains jugent toutefois le tableau incomplet. La campagne de Valérie Pécresse manquerait d'une signature propre. Difficile pour les Français de résumer en quelques phrases le projet politique de la prétendante LR. Jacques Chirac combattait la fracture sociale en 1995, Nicolas Sarkozy vantait son "Travailler plus pour gagner plus" douze ans plus tard. En 2017, Emmanuel Macron incarnait physiquement sa promesse de "dépassement" des clivages.

"Etre douce et mettre des raclées"

L'histoire de Valérie Pécresse reste à écrire. La candidate peine encore à s'extraire d'un classicisme de droite. "Elle n'est pas assez disruptive", juge un cadre LR. "La droite est usée et elle n'y échappe pas aussi, juge un membre de l'équipe de campagne. Nous manquons encore d'idées nouvelles et fortes." Ce constat renvoie à une interrogation : comment qualifier le "pécressisme", terme d'ailleurs absent du langage politique ? "J'en attends encore une définition. Dire qu'on est le vote utile pour battre Macron ne suffira pas", sourit une parlementaire LR. Un député LR la qualifiait après sa victoire au Congrès LR de plus "petit dénominateur commun de la droite". Pas idéal pour imprimer sa marque.

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Poser des mots sur le "pécressisme" n'est pas aisé. La candidate a eu des identités diverses au cours de son parcours. A l'origine chiraquienne - doctrine difficile à définir -, elle adopte un profil conservateur dans les années 2010. Elle défile aux côtés de La Manif pour tous en 2013 et enrôle des membres du mouvement conservateur Sens commun aux élections régionales de 2015. Changement de pied en 2017. Après l'élection de Laurent Wauquiez à la présidence de LR, elle se mue en héraut d'une droite "ouverte" et "progressiste", raillant le populisme de son rival. Avant de remporter la primaire LR en décembre sur une ligne proche de celle du président d'Auvergne-Rhône-Alpes. Sa référence au Kärcher de Nicolas Sarkozy et son autoportrait en "2/3 Merkel 1/3 Thatcher" la privent enfin de singularité.

"Elle n'est pas encore identifiée politiquement, résume un stratège LR. Mais elle a un potentiel de récit. Elle pourrait avoir dans le coeur des Français l'image de la mère de famille responsable. Qui sait être douce et mettre des raclées." L'environnement politique n'arrange rien. Prise en étau entre LREM et le RN, Valérie Pécresse dispose d'un spectre politique plus restreint que ses prédécesseurs de droite. Son terrain de jeu n'est pas immense. "Elle doit faire un grand écart entre des électorats qui ont des conceptions de la société très différentes, note une parlementaire. Il est dur pour elle de se définir sans fâcher l'un des deux bouts."

"Elle est dans le concret et dans les solutions"

L'entourage proche de la candidate tempère ces observations. Il dépeint Valérie Pécresse en seule candidate de droite de la compétition, plus réformatrice et ferme qu'Emmanuel Macron. Entre les deux, une différence de nature, et non de degré. "Valérie Pécresse, c'est l'autorité et la liberté", résume son directeur de campagne Patrick Stefanini. "Je suis une gaulliste sociale qui aime la liberté et qui veut aider la société à retrouver son goût de la liberté", confiait l'intéressée à L'Express début janvier. Dernier élément d'identification : Valérie Pécresse se décrit en femme d'action, qui agirait plus que l'actuel locataire de l'Elysée.

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"Elle aime faire. Elle est dans le concret et dans les solutions", résume Geoffroy Didier, qui pilote sa communication. En témoigne sa prestation réussie sur BFMTV le 18 janvier face à 80 Français aux interrogations très pratiques. Sa campagne décline cette promesse. Valérie Pécresse a ficelé deux projets de loi constitutionnels sur l'immigration et la sécurité. Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a été chargé de préparer les 100 premiers jours de sa présidence.

Réformes, autorité, promesse d'action... D'autres prétendants à l'Elysée pourraient revendiquer ces principes. Plusieurs soutiens de la candidate souhaitent qu'elle dévoile une mesure susceptible de frapper les esprits. Manière de ne pas commettre l'erreur de Bruno Le Maire, qui avait présenté un programme de 1000 pages lors de la primaire de 2016. François Hollande avait sa taxe à 75%, Nicolas Sarkozy son ministère de l'Identité nationale. Valérie Pécresse n'a pas encore trouvé la martingale. Certes, la candidate vient de proposer la suppression des droits de succession pour 95% des Français. Mais elle n'a pas le monopole de l'allègement de la fiscalité sur la transmission.

Se démarquer de Macron, Le Pen et Zemmour

Une mesure qui résumerait l'identité politique de la candidate. En théorie, c'est simple. En pratique, cela relève du casse-tête. Sur les questions régaliennes, la radicalité est préemptée par Eric Zemmour et Marine Le Pen. Difficile de détonner sur ces sujets, tant la classe politique bascule depuis des années vers un discours de fermeté. "Il faudrait une mesure forte sur le pouvoir d'achat à destination des ménages, juge un cadre de la campagne. Cela créerait une rupture avec Macron."

D'autres soutiens de Valérie Pécresse appellent au calme. La campagne ne fait que commencer. La candidate n'a aucun intérêt à s'exposer si tôt, alors que les Français n'ont pas encore la tête à la présidentielle. François Hollande avait attendu fin février pour proposer sa taxe à 75%, quand Nicolas Sarkozy avait dégainé fin mars son idée de ministère de l'Immigration et de l'identité nationale.

"La campagne sera ponctuée de marqueurs et de moments forts, tempère Geoffroy Didier. Cela viendra naturellement. La séquence avec Jean-Jacques Bourdin était un moment fort." La candidate avait dénoncé sur BFMTV la loi du silence devant l'animateur accusé d'agression sexuelle. "Il faut déployer nos propositions, ne pas être dans le catalogue et une de nos mesures suscitera l'intérêt. Il faut une mélodie d'ensemble", ajoute Patrick Stefanini. Le pécressisme, ensemble cohérent plus qu'offre tape-à-l'oeil ?

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