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20 ans après AZF, retour sur M'Toulouse, la radio éphémère créée par Radio France pour les sinistrés

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Toulouse commémore les 20 ans d'AZF mardi. La catastrophe a soulevé un élan de solidarité à travers toute la France, la radio de service public y a joué son rôle. Pendant quatre mois, M'Toulouse émet en FM et sur les ondes moyennes. Quelques participants se souviennent 20 ans après.

La radio M'Toulouse s'est installée quatre mois dans une maison promise à la démolition quartier Empalot La radio M'Toulouse s'est installée quatre mois dans une maison promise à la démolition quartier Empalot
La radio M'Toulouse s'est installée quatre mois dans une maison promise à la démolition quartier Empalot - DR

Quelques jours après l'explosion de l'usine AZF,  le PDG de Radio France, Jean-Marie Cavada décide de créer une antenne spécifique à Toulouse. Une radio pour les sinistrés et pour la ville rose qui vient de subir la plus grande catastrophe industrielle depuis la Seconde Guerre mondiale.

Plus d'une centaine de salariés de Radio France répondent présent.

M'Toulouse naît en quelques jours. Les studios sont installés dans une maison en ruine, en attente de démolition dans le quartier Empalot, un des quartiers sinistrés. À l'intérieur : "c'est le camping !" se souviennent les participants à l'aventure. "La table du studio c'était une table de cuisine en formica" sourit Vincent Pillet, 20 ans après. "C'était très bien ainsi finalement souffle Freddy Thomelin le directeur de M'Toulouse. Les équipes vivaient au plus près la situation de leurs auditeurs. J'ai même le souvenir que Jean Lebrun avait délocalisé une émission pour France Culture ici. Nous étions en plein hiver et il avait obligé ses invités à faire l'émission dans le jardin de la maison sans veste ni pull ! Pour qu'ils ressentent le froid comme les 'sans fenêtre'."

Le reporter Stéphane Barbereau en interview sur le site AZF
Le reporter Stéphane Barbereau en interview sur le site AZF © Radio France - Pascale Danyel

M'Toulouse émet sur la bande FM et en ondes moyennes pendant quatre mois, du 8 octobre 2001 au 9 février 2002. Plus d'une centaine de salariés s'y succèdent pour des missions de quinze jours le plus souvent :  animateurs, journalistes, techniciens, chargés de production, standardistes... Ils viennent de toutes les chaînes du groupe Radio France et de tout le pays comme Vincent Pillet. Aujourd'hui responsable des programmes de France Bleu Drôme Ardèche, il était à l'époque animateur à Caen : "Ça me semblait le minimum de mettre mes compétences au service de gens qui étaient très très malheureux et très traumatisés". Il sera lui-même marqué par sa première visite des quartiers dévastés par l'explosion : "Cela me rappelait les images de la guerre au Liban. C'était affreux".

Thérapie de groupe

Les personnels ont tenu l'antenne sept jours sur sept encadrés par les "Toulousains de Radio France", les équipes du bureau France Inter et France Info de Toulouse et celles du Mouv'.  Des flashes d'informations toutes les demi-heures, et des émissions de services, de conseils, une antenne ouverte. Sara Ghibaudo a "des frissons" en réécoutant les indicatifs qui habillaient l'antenne. Toute jeune diplômée en journalisme à l'époque, elle se souvient : "J'adorais ces génériques, je les ai entendus tous les jours pendant quatre mois. On donnait toutes les infos sur la catastrophe, les dispositifs d'aide, toutes les infos pratiques pour les sinistrés. Avec trois bout de ficelles, on a ouvert cette antenne et c'était fait avec beaucoup de professionnalisme".

Une des nombreuses émissions délocalisées de M’Toulouse. Ici le porte parole de Total, Patrick Timbart en train de répondre parmi d’autres invités.
Une des nombreuses émissions délocalisées de M’Toulouse. Ici le porte parole de Total, Patrick Timbart en train de répondre parmi d’autres invités. © Radio France - Pascale Danyel

À l'écoute de tous les Toulousains, M'Toulouse était même devenue plus qu'une radio de services selon Corinne Cutilla, journaliste au bureau de France Inter et France Info à l'époque : "Là, on a retrouvé les victimes, le patron de Total, les assureurs, les avocats, les gens endeuillés... C'est là, que les langues se sont déliées." 

"Ça a été une thérapie de groupe pour tous ces Toulousains qui pouvaient enfin dire tout ce qu'ils avaient à dire sans censure !" - Corinne Cutilla, journaliste. 

La journaliste toulousaine poursuit : "À qui s'adresser une fois qu'on avait harcelé la mairie ou son maire de quartier ? Ben ils venaient à la radio et donc on faisait venir des gens dont c'était la spécialité pour leur répondre. L'hiver qui avait suivi était très rude. Les personnes relogées dans les Algécos n'avaient ni chauffage, ni eau, les canalisations gelaient. On est allé les voir à Noël... La détresse était trop grande ! Je pense sincèrement que M'Toulouse était une thérapie de groupe".

Le relai d'un élan de solidarité... parfois insolite

Le directeur de M'Toulouse Freddy Thomelin garde un souvenir ému de la solidarité qui s'est exprimée à travers les ondes de M'Toulouse : "C'est la magie de la radio, on était à Toulouse mais on recevait des appels de Lille, de Strasbourg... Un jour, un entrepreneur nous a appelés pour nous dire qu'il ne supportait pas l'idée que des familles, des enfants, passent l'hiver dans des maisons sans portes ni fenêtres. Il nous a dit : 'je vais vous envoyer des panneaux de bois, donnez-moi vos coordonnées!' Une autre fois, on a vu débarquer un camion de la marque d'appareils électro-ménager Philips. Ils ont livré des milliers de transistors aux sinistrés".

L'antenne devait fermer à la fin de l'année 2001. Mais devant les besoins des sinistrés, le CSA accepte de prolonger son existence deux mois supplémentaires. Le 9 février 2002, M'Toulouse éteint ses micros. "Un crève-cœur", soupire Sara Ghibaudo. "Une tristesse terrible" enchaîne Freddy Thomelin : "On a organisé une soirée pour marquer la fin de l'aventure et nous avions invité les associations et tous les Toulousains qui le souhaitaient. C'était un moment difficile, on avait le sentiment de les abandonner. Les gens avaient peur de ne plus être entendus"

"La radio a joué le rôle de caisse de résonnance. C'est ma plus grande fierté." - Freddy Thomelin, directeur de M'Toulouse

Sara Ghibaudo a fait partie de l'équipe qui a vécu les quatre mois de l'aventure M'Toulouse. Aujourd'hui rédactrice en chef à France Inter, elle garde un souvenir un peu spécial : "Des liens très forts se sont créés avec les auditeurs au fil des semaines. À la fin, une habitante de Toulouse m'a offert des violettes. Et je les ai encore sur mon balcon, à Paris."

Le son de M'Toulouse 

Réécoutez quelques génériques et moments d'antenne

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