Les grands hommes, une fois devenus un morceau d’histoire, sont très accommodants. Ils reçoivent sans barguigner, dispensent généreusement leur aura, et ne protestent jamais lorsque leur hôte revisite à son avantage leur passé. Le 15 mars, Donald Trump s’est rendu sur la tombe de son lointain prédécesseur, Andrew Jackson (1829-1837), à Nashville, dans le Tennessee. Le président numéro 7, premier populiste de l’histoire américaine, avait effarouché les élites globalisées de la côte Est qui fréquentaient la France et l’Angleterre. Il avait été porté à la Maison Blanche par une foule déchaînée qui avait pratiquement mis à sac le bâtiment.
A l’aune de la dureté que revendique le président numéro 45 en toutes choses, Old Hickory, le surnom de Jackson, était assurément un teigneux. Un balafré, un vrai, par les bons soins d’un officier britannique. Le président a rappelé mercredi que l’un de ses premiers gestes avait été d’accrocher son portrait dans le bureau Ovale, face à celui de Thomas Jefferson. Et qu’il se faisait fort de mettre ses pas dans les siens au nom du peuple des sans-voix, qu’il se flatte de représenter à Washington.
L’exercice de la comparaison, est cependant toujours à double tranchant. Lorsque Donald Trump a rendu hommage au « héros militaire », on n’a pu s’empêcher de penser à l’absence d’états de service d’un contemporain de la guerre du Vietnam. Le souvenir d’un « orphelin devenu président », qui plus est « bien-aimé », a également renvoyé à la cote médiocre de l’héritier de Fred Trump. Les historiens ont noté que Donald Trump a enfin transformé Jackson en défenseur du protectionnisme, ce qui avait échappé à tout le monde depuis près de deux siècles.
Pire président de l’Histoire
On pouvait comprendre, ce 15 mars, ce que Donald Trump pouvait envier à son lointain prédécesseur. Son second décret anti-immigration allait être bloqué, une nouvelle fois, par un juge fédéral d’Hawaï. Jackson, lui, avait passé outre un avis de la Cour suprême défendant les droits des Cherokees. Le coup de force du président avait été le prélude à un grand remplacement au profit des colons venus d’Europe. Ce souvenir infamant, après une longue éclipse, doit le chasser en 2020 du billet de vingt dollars qui porte son effigie, ce qui apparaîtra comme un camouflet pour le président.
M. Trump a d’autres soucis plus immédiats. Outre ses déboires sur l’immigration, il reste englué dans l’affaire des écoutes pour l’instant imaginaires qu’il a imputées à son prédécesseur, Barack Obama. Sa réforme de la couverture santé patine au point de rendre populaire celle qu’elle doit remplacer, le « catastrophique » ObamaCare, que les Américains tenaient auparavant en piètre considération. Son projet de budget a fait à ce point l’unanimité contre lui que lorsque son service de presse est tombé sur une tribune du Washington Post intitulée « Le budget de Trump fait sens et va réparer l’Amérique », il l’a aussitôt ajouté à sa liste de diffusion. Il aurait dû la lire avant, puisqu’il s’agissait d’une parodie qui en disait en fait pis que pendre.
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