Jeudi 12 mai 2011, la cour d’assises de Padoue, en Italie, condamnait Eris Frisheri, un Albanais de 23 ans, à vingt-cinq ans de réclusion pour l’assassinat de son compatriote Veledin Serdari. Un règlement de comptes lié à la drogue, une peine prononcée en l’absence du responsable, en fuite : l’affaire ne passionnait guère les foules. Même la presse locale ne lui avait consacré que de brefs comptes rendus.
Le mois suivant, le dossier fit pourtant l’objet d’un article de cinq pages dans le numéro célébrant le 10e anniversaire de la revue scientifique PLOS One. Des chercheurs de l’université de Padoue y décrivaient l’aide apportée aux enquêteurs.
Pour confondre le meurtrier, ils n’ont utilisé ni les empreintes digitales ni les traces ADN, inexploitables, mais ont comparé des résidus de terre trouvés dans sa voiture à des échantillons recueillis sur la scène de crime. Les mêmes éléments chimiques ont été mis en évidence, ainsi que la même population de microbes. Pour la première fois, l’empreinte bactérienne emportait la décision dans un prétoire.
Dans la recherche médicale, l’étude du microbiote occupe une place considérable. Prévenir ou prévoir les maladies, les soigner, soutenir nos défenses immunitaires, aider notre digestion : rien ne semble impossible aux milliards de micro-organismes qu’abrite notre estomac, nos intestins, notre peau.
Rob Knight, chercheur à l’université de Californie à San Diego (UCSD), en a tiré une conclusion : « Puisque le microbiote permet de réparer les vivants, il doit permettre de mieux connaître les morts. » Et les meurtriers. Le biologiste est une des figures de proue d’une communauté de chercheurs et de médecins légistes convaincus de préparer la prochaine révolution de la discipline. « Le microbiote aujourd’hui, c’est un peu comme l’ADN au début des années 1980 », explique Vadim Mesli, médecin légiste au CHRU de Lille et spécialiste français du domaine.
Un potentiel « considérable »
C’est que le microbiote est partout. Sur nous et autour de nous. « Un nuage de bactéries nous entoure », explique Vadim Mesli. Il interagit avec notre environnement, capte des indices, laisse des « traces » où nous passons, et évolue avec le temps.
Pour peu que nous soyons capables de l’analyser, faire le tri dans cette gigantesque population, déterminer ce qui rapproche les individus et ce qui les distingue, c’est un territoire sans fin pour la police scientifique.
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