Coronavirus : "On ne parle pas d’une vague mais d’une marée haute qui risque de durer des mois"

Publié le 23 octobre 2020 à 14h26

Source : TF1 Info

INTERVIEW - Très critique de la gestion gouvernementale de la crise sanitaire, Arnaud Chiche, médecin réanimateur à Hénin-Beaumont, juge le couvre-feu inadapté dans les régions les plus touchées. Et appelle à des mesures structurelles d'envergure en matière de santé.

"Les politiques sont incompétents dans la santé". Sur le plateau de LCI, Arnaud Chiche n'y va pas par quatre chemins. Il déroule son raisonnement en deux temps, critiquant d'abord largement certaines décisions prises pour faire face à la nouvelle montée épidémique en France. Le médecin réanimateur à l’hôpital d’Hénin-Beaumont pointe notamment le couvre-feu dans les régions, actuellement les plus touchées. "Dans les Hauts-de-France et en Île-de-France, il est complètement hors-sujet de se dire que l’on va attendre l’effet du couvre-feu pendant 15 jours puisqu’on est déjà dans une ‘merde noire’", martèle-t-il.

"Il aurait fallu le mettre en place trois semaines auparavant" pour qu'il soit efficace. Il ne s'en cache pas, un "confinement, au moins régionalisé, sera sans doute nécessaire", d'autant plus dans ces deux régions particulièrement affectées. Le médecin s'est toutefois montré plus optimiste sur l'efficacité du couvre-feu sur le reste du territoire, expliquant qu'il "produira peut-être des effets d’ici 15 jours"

Au-delà des politiques globales, le médecin a également bien des choses à dire sur l'organisation de l'hôpital. Il estime ainsi qu'il fallait réorganiser, au moins temporairement, les services de réanimations pour gagner en efficacité. "Le week-end et les jours fériés, les réanimateurs sont seuls dans le service avec un interne. Il faudrait accepter l’idée de passer dans une gestion sur le mode de la garde. Il faudrait que les réanimateurs se répartissent mieux avec une équipe paramédicale solide autour d’eux", suggère t-il ainsi. 

"Investir massivement dans la santé", une nécessité

Dans un second temps, celui qui est aussi le fondateur du collectif "Santé en danger" s'est livré à un long exposé pour défendre la nécessité de réformes structurelles d'envergure dans le domaine de la santé. Selon lui, il ne sera pas possible de "relancer la politique et l’économie sans investir massivement dans la santé". "On doit organiser la société autour d’un soin de qualité, revaloriser les soignants, faire en sorte qu’ils aient des meilleures conditions de travail, avec du matériel adapté", revendique-t-il. 

Aux yeux d'Arnaud Chiche, cette nécessité de réformes prend d'autant plus d'importance que l'on vit actuellement, non pas une deuxième vague, mais plutôt "une marée haute qui risque de durer des mois". Il insiste sur le besoin de rendre le métier de soignant "sexy", pour atténuer le manque d'effectifs. Surtout, "il faut un plan massif pour, au moins, tripler les places de réanimation", afin de ne plus jamais avoir à déprogrammer des opérations à l'avenir. "L’entité de la santé doit exister de manière totalement indépendante et autonome du monde politique" pour prendre les bonnes décisions, conclut-il. 


Maxence GEVIN

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