L'île de Hainan, célèbre pour ses longues plages de sable blanc, est coupée du monde en raison des restrictions dues au Covid.

L'île de Hainan, célèbre pour ses longues plages de sable blanc, est coupée du monde en raison des restrictions dues au Covid.

CNS / AFP

Ne lui parlez plus jamais de paradis tropical. Julien, un expatrié français de 35 ans, venait juste de quitter Shanghai, où il a passé trois longs mois de confinement avec son épouse et son jeune fils, quand, 48 heures après son arrivée sur l'île de Hainan, il se retrouvait à nouveau confiné dans sa chambre d'hôtel. "Tout est allé très vite, souffle-t-il désespéré. Nous avons reçu un message de la réception de l'hôtel à 6 heures du matin le 5 août pour nous dire que la ville allait être confinée. Nous avons essayé de partir mais la gare et l'aéroport étaient déjà fermés. Nous avons dû rebrousser chemin et depuis, nous sommes enfermés à l'hôtel".

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Comme lui, près de 200 000 vacanciers, dont 80 000 dans la seule ville de Sanya, sont bloqués sur cette île grande comme la Belgique. Les trois aéroports ont été débranchés et plus personne ne peut partir. Hainan était pourtant la dernière destination possible pour des Chinois avides de soleil, de plage et de palmiers alors que les frontières du pays sont toujours fermées depuis mars 2020. Un million de touristes essentiellement chinois s'y sont rendus en juillet. "Ce sont nos premières vacances depuis le début de la pandémie, soupire une famille venue de Pékin. Nous avons été jusque-là très prudents mais il fallait vraiment que nous puissions nous aérer. Voilà le résultat, nous sommes confinés et mes enfants vont sûrement manquer la rentrée des classes prévue début septembre".

"C'est vraiment n'importe quoi !"

Les remèdes habituels s'abattent sur l'île : fermeture des villes, barrages de police, portes cadenassées par endroits et dépistages de masse qui ont lieu tous les jours en pleine rue sous une chaleur insoutenable. "Nous sommes serrés les uns contre les autres au moment de faire le dépistage, c'est vraiment n'importe quoi ! Un seul malade et tout le monde se retrouve contaminé", témoigne notre vacancier français. L'île compte déjà près de 2500 cas au 10 août, un chiffre faible au regard des critères internationaux mais inacceptable pour le régime communiste.

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Alors que l'Asie dans son ensemble a tourné la page du Covid-19, ouvrant les frontières et pour certains pays, comme la Thaïlande, allant jusqu'à rétrograder ce coronavirus au même niveau de risque que la grippe, la Chine reste arc-boutée sur sa stratégie "zéro Covid" qui a pourtant montré ses limites et créé d'immenses dégâts collatéraux. A Shanghai après trois mois de confinement, les nouveaux variants menacent la rentrée, même Lhassa, sur les hauts plateaux tibétains, enregistre ses premiers malades. Et un peu partout des foyers de contamination sont identifiés.

Avec plusieurs milliers de malades déjà recensés, Hainan risque donc à son tour de se retrouver coupée du reste de la Chine. Problème, sur place, la plupart des touristes doivent dormir à l'hôtel à leurs frais. "Ma chambre me coûte plus de 200 euros par jour, explique Julien, je n'ai eu aucune réduction et je dois manger les plats fournis par cet établissement 5 étoiles et hors de prix. Nous sommes dépistés tous les jours : je ne comprends pas pourquoi on ne nous laisse pas partir !". L'ambassade de France a commencé à recevoir des demandes d'aides de touristes français à court d'argent, mais le dialogue avec les autorités chinoises semble impossible. "Les étrangers ne sont clairement pas leur priorité", glisse un diplomate.

Gestion "inhumaine" de l'épidémie

La même incompréhension enflamme les réseaux sociaux, ou des groupes de vacanciers en colère se regroupent. "Au départ, il s'agissait d'échanger les bons plans pour trouver de la nourriture ou obtenir des informations de la part des autorités, nous raconte une touriste chinoise. Mais très vite les gens ont commencé à râler et même à critiquer le gouvernement. Certains veulent louer un avion pour s'enfuir, d'autres se demandent bien pourquoi la Chine est le seul pays incapable de gérer normalement et avec humanité cette épidémie".

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La Chine, qui n'a toujours autorisé aucun vaccin étranger sur son sol, n'a pas lancé non plus de campagne massive de vaccination depuis plus d'un an. Ni campagne de rappel pour les personnes âgées et à risque, ni obligation vaccinale. La presse officielle a bien tenté d'affirmer fin juillet que le président Xi Jinping lui-même était vacciné par un sérum chinois, la défiance domine au sein de la population. "Ce vaccin donne le diabète, nous explique une retraitée de Pékin. J'ai eu une dose mais hors de question d'en faire davantage. De toute façon cela ne sert à rien. Même vaccinée, je dois respecter ces mesures de confinement, les dépistages quotidiens et toute cette absence de liberté. C'est devenu insupportable".

A moins de deux mois du XXe Congrès du Parti communiste chinois qui devrait voir Xi Jinping décrocher un troisième mandat historique, la "guerre contre le virus" a laissé place en Chine à une violente campagne nationaliste autour de la question taïwanaise. "Le pays est incapable de trouver une issue à la crise sanitaire sans remettre en cause une stratégie qu'il a défendue bec et ongles depuis plus de deux ans, alors il fait vibrer la fibre patriotique. C'est sans doute le seul moyen de rassembler le Parti autour d'un objectif commun", souligne un diplomate européen. Un aveu d'impuissance ruminé dans les eaux chaudes de la mer de Chine pour des centaines de milliers de vacanciers malheureux.

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