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Frank Lebœuf, champion du monde 1998, sur le Qatar : « Les bons samaritains ne me plaisent pas »

INTERVIEW - L’ancien défenseur des Bleus Frank Lebœuf s’oppose à l’hypocrisie qui entoure le Mondial au Qatar. Et donne quelques coups de griffe.

Mickaël Caron , Mis à jour le
Frank Lebœuf, ici en 2018.
Frank Lebœuf, ici en 2018. © Geoffroy Van Der Hasselt/AFP

Il est toujours intéressant d’écouter les champions du monde 1998. Surtout quand leur parole est affranchie, comme celle de Frank Lebœuf. Consultant pour ESPN, il commentera la Coupe du monde depuis les États-Unis puis chez lui, en Normandie, où il possède son propre studio. En attendant, l’ancien défenseur, 54 ans, parle de son intérêt modéré pour les Bleus mais aussi de ses coups de cœur, parfois inattendus…

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À sept semaines du Mondial, les Bleus luttent pour ne pas être relégués en Ligue des nations. Inquiétant ?
Déjà, cette compétition ne m’intéresse pas. Vu le nombre de blessés partout, on devrait laisser les joueurs se reposer avant d’aller au Qatar. France-Autriche, je l’ai regardé sur mon téléphone, en silencieux pendant un dîner, pour le travail. Sans passion. J’ai le sentiment d’avoir vécu la meilleure période du foot. Avant, dans les années 1980, Platini gagnait l’équivalent de 25 000 euros à la Juve. Ça signifie que, financièrement, j’ai eu plus de chance qu’un triple Ballon d’or. Les joueurs d’aujourd’hui ont, eux, des salaires très élevés mais les réseaux sociaux montrent tout ; je n’aurais pas aimé.

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On n’a pas entendu Cantona avant les Jeux olympiques en Chine ou la Coupe du monde en Russie

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Comme Paul Pogba, attiriez-vous les convoitises d’entourages nocifs ?
J’ai eu des copains qui avaient plusieurs personnes à nourrir et n’avaient plus d’argent pour payer leurs impôts. Ça a toujours existé. Pour en avoir parlé avec Emmanuel Adebayor, certains joueurs vivent avec une pression monumentale de leur famille. Moi, j’ai donné parce que j’avais envie. Par exemple à ma nièce, dont j’ai financé en partie les études. Beaucoup le font parce qu’ils n’ont pas le choix.

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Consultant, aurez-vous la liberté de critiquer Didier Deschamps s’il échoue ?
Je l’ai déjà fait à l’Euro 2016, quand il avait positionné Blaise Matuidi à droite. J’avais dit qu’il avait fait une erreur mais il s’était vite corrigé. Didier m’a engueulé au téléphone donc je lui ai envoyé la vidéo. Il n’avait rien vu mais de bons amis lui avaient dit que j’avais taillé… En fait, on avait fait le même constat au même moment. C’est mon boulot de dire ce que je vois. Avec respect. J’ai reproché à Duga [Christophe Dugarry] de dire que tel ou tel joueur était nul. À ce niveau, personne ne l’est. Mais certains consultants jouent un rôle pour plaire à leur public.

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Éric Cantona a annoncé qu’il ne regarderait aucun match du Mondial. Vous comprenez ?
On ne l’a pas entendu avant les Jeux olympiques en Chine ou la Coupe du monde en Russie. Les bons samaritains ne me plaisent pas. Ou alors, il faut tout dénoncer. Y compris le chauffage des pelouses dans les stades français en hiver. Il y a eu un débat ? Je ne m’en souviens pas. Tout le monde fait de la démagogie. J’ai joué deux ans au Qatar : en hiver, la température était supportable.

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Vous a-t-on proposé un rôle d’ambassadeur ?
Je ne suis ni Zidane ni Beckham. J’ai expliqué clairement que je voulais faire autre chose de ma vie. Bon, quand Thomas Tuchel a été viré, je me suis posé la question de donner un coup de main à Chelsea. Mais au fond, je vois le football comme un jeu d’enfant. Et puis les entraîneurs qui ne cessent de hurler alors que les joueurs n’entendent pas, je n’y crois qu’à moitié. Le foot se décide dans la tête des joueurs. Regardez le Real l’an dernier.

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À quoi ça sert de faire 850 passes si tu tires trois fois ? Les équipes qui jouent au hand m’agacent

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La Ligue 1, vous suivez ?
Un peu. Face au PSG, il faut montrer les dents. C’est pour cette raison qu’un joueur comme Nicolas Pallois [défenseur de Nantes] me plaît. C’est un méchant qui donne l’impression de jouer encore dans les années 1990. J’aime ceux qui y vont franchement. À l’inverse, jouer sans filet comme le font parfois Marquinhos et Sergio Ramos, je ne m’y serais pas risqué : il faut savoir dégager le ballon à l’autre bout du terrain. Sinon, la philosophie d’Igor Tudor m’intéresse alors que j’avais délaissé l’OM ces derniers temps.

Quels styles de jeu trouvent grâce à vos yeux ?
Celui de Jürgen Klopp, intense et vertical. Tout le contraire de Chelsea, qui a été ennuyeux avec José Mourinho, Antonio Conte et encore avec Tuchel. À quoi ça sert de faire 850 passes si tu tires trois fois ? Les équipes qui jouent au hand m’agacent. À moins d’être Pep Guardiola et d’avoir 1 milliard pour bâtir. Récemment, Brendan Rodgers [Leicester] s’est félicité du jeu de passes de son équipe qui venait de prendre 6-2 à Tottenham ! A 2-2, son milieu défensif Wilfred Ndidi a perdu un ballon donné alors qu’il avait trois adversaires sur le dos. Si j’avais fait pareil à Deschamps, il m’aurait tué !

On ne défend plus comme il faut ?
Prenez Trent Alexander-Arnold [Liverpool]. J’adore le gars, ses qualités offensives. Mais défensivement, c’est niveau Ligue 2. Il n’y a que le système de Klopp qui lui convienne. Quand ça fonctionne moins, comme cette saison, on ne voit que ses lacunes défensives. J’ai envie de le prendre avec moi pour travailler les bases. Je lui dirais : « Tourne la tête et regarde derrière toi, ça ira déjà mieux. » C’est Roberto Carlos qui a déformé des générations de défenseurs.

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