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Côte d’Ivoire : avec DabaDoc, Orange lance sa version de Doctolib

La plateforme est présentée comme une solution face au manque de praticiens. Mais l’équation est complexe dans un pays où tout le monde ne dispose pas d’une connexion Internet.

Par  (Abidjan, correspondance)

Publié le 03 octobre 2022 à 18h00, modifié le 06 octobre 2022 à 16h32

Temps de Lecture 4 min.

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Le secteur de la santé connectée fait des émules en Côte d’Ivoire. Dernière née : la plateforme Orange Santé, annoncée en juin lors d’un raout d’investisseurs à Abidjan, la capitale économique ivoirienne, et en ligne depuis mi-septembre. Ce service a été développé par la filiale ivoirienne du géant français des télécoms en association avec DabaDoc, présenté comme le « Doctolib marocain ». Cette entreprise – dont Orange et l’assureur français Axa sont les actionnaires majoritaires – existe au Maghreb depuis 2016 où elle revendique 8 millions d’utilisateurs et des milliers de professionnels de santé référencés.

Prise de rendez-vous et téléconsultation en ligne, numérisation du dossier patient et de l’ordonnance : les services proposés en Côte d’Ivoire seront les mêmes qu’en Afrique du Nord. « Nous sommes une plateforme technologique qui digitalise l’accès à la santé et qui fluidifie les échanges entre les patients et l’écosystème médical : les médecins, les hôpitaux, les cliniques et même, à terme, les pharmacies », résume au téléphone depuis le Maroc Zineb Drissi Kaitouni, la directrice générale de DabaDoc.

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En se lançant sur le marché ivoirien, Orange Santé vient directement concurrencer AfriDoctor. Cette start-up, dont le siège social se situe à Maurice, opère depuis fin 2018 dans une dizaine de pays africains avec la même offre et un modèle économique similaire : gratuité pour le patient, payant (au mois) pour le praticien.

L’entrepreneuse marocaine présente ces services de e-santé comme une réponse à certains des principaux problèmes dans le secteur ivoirien de la santé : le manque de praticiens et son corollaire, un difficile accès aux soins. Si la Côte d’Ivoire a réalisé des progrès ces dernières années – le pays comptait un médecin pour 7 354 habitants en 2019 contre un pour 15 391 en 2011 –, les disparités régionales sont encore criantes et certaines localités demeurent de véritables déserts médicaux. Selon le ministère de la santé, près de 30 % de la population vit à plus de cinq kilomètres d’un établissement de santé.

Dans les grandes villes du pays

Le diagnostic du nouveau venu sur le marché est « bon » juge Raymond Bleu-Lainé, le directeur général de Socapharm, une société de conseil basée à Abidjan et axée sur la formation aux pharmaciens et aux entreprises de la santé, notamment connectée. Le spécialiste s’interroge toutefois sur la « cible d’un tel service » dans un pays où les données coûtent cher et où tout le monde ne dispose pas d’une connexion à Internet.

La nouvelle plateforme, estime-t-il, servira surtout « aux habitants les plus aisés, ceux qui sont connectés » des grandes villes de Côte d’Ivoire, principalement Abidjan. Autrement dit, là où se trouve déjà le plus grand nombre de médecins.

A l’inverse, dans les régions plus reculées, où la connectivité des populations est moindre et marquée par une certaine méfiance à l’égard de la médecine conventionnelle, « on imagine mal une personne malade faire une téléconsultation avec un médecin qu’il ne connaît pas et qui se trouve à des centaines de kilomètres de lui », souligne Raymond Bleu-Lainé. Ces services pourraient toutefois bénéficier aux cadres et fonctionnaires des villes moyennes ou des campagnes, confrontés à une pénurie de médecins spécialisés tels que les cardiologues, conclut le spécialiste.

« Cette plateforme de rendez-vous ne répondra pas aux problématiques de l’accès aux soins en Côte d’Ivoire », tranche Pierre Simon, ancien président fondateur de la Société française de télémédecine qui a assisté le ministère de la santé ivoirien dans la mise sur pied d’un programme national sur ce sujet. Selon cet expert, la prise de rendez-vous en ligne, la numérisation du dossier du patient et de l’ordonnance ne répondent qu’aux enjeux de certaines populations urbaines.

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Or, d’après une étude épidémiologique qu’il a menée, un Ivoirien ne consulterait un médecin en moyenne que tous les trois ou quatre ans. Et sur une population totale de 30 millions de personnes, environ 14 millions – pour l’essentiel en zone rurale – n’ont que très peu accès aux soins.

Démarrage avec « plusieurs cliniques à Abidjan »

Pour autant, défend-il, la télémédecine peut être un remède aux problèmes des déserts médicaux ou des files d’attente interminables chez les praticiens. Mais il faut pour cela qu’elle repose sur un « modèle économique qui parle à tous les citoyens et qui corresponde aux richesses réelles du pays », poursuit-il. Une responsabilité qui incombe davantage aux gouvernants qu’aux start-up.

Des solutions de télé-expertise dermatologique et cardiologique ont par exemple été développées avec le concours de l’Etat en Côte d’Ivoire. Proposées aux patients à un coût réglementé abordable, elles sont également censées permettre aux professionnels de santé de maintenir leur niveau de revenus en augmentant le volume de consultation.

Car hormis le manque de praticiens, c’est bien le coût réglementé de la consultation d’un médecin généraliste à son cabinet – 10 000 francs CFA (15 euros) – qui est régulièrement pointé comme l’une des barrières aux soins. D’autant que la couverture maladie universelle mise en place par les autorités ces dernières années est encore en « rodage et est très peu efficace » selon un spécialiste de la santé sous couvert d’anonymat. Quant aux assurances privées, elles sont chères et concernent des catégories socioprofessionnelles qui ont « de toute façon accès aux soins, ici ou à l’étranger », poursuit-il.

« On s’inscrit sur la partie “technologique” et nonmétier” » de la santé, plaide Zineb Drissi Kaitouni, qui se félicite aussi de participer à « créer un canal efficace d’échange entre les patients et les praticiens ». Orange Santé démarre avec « plusieurs cliniques à Abidjan », avant d’accélérer en 2023 selon la responsable marocaine. L’entreprise rappelle que ses services au Maghreb, critiqués au démarrage comme aujourd’hui en Côte d’Ivoire, ont finalement été pris d’assaut durant le Covid-19.

Un lancement de la plateforme au Sénégal et au Cameroun est désormais dans les tuyaux ainsi qu’un autre outil : la possibilité pour des tiers, notamment de la diaspora, de prépayer des consultations pour leurs proches en Côte d’Ivoire.

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