Israël/territoires palestiniens occupés : l’avocat des droits humains Salah Hamouri est maintenu en détention administrative

09/08/2022
Déclaration
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Alain Bachellier

Le 9 août 2022. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et les organisations signataires sont profondément inquiètes concernant le maintien en détention administrative de l’avocat et du défenseur des droits humains franco-palestinien, Salah Hamouri. Elles sont également préoccupées par le harcèlement dont il fait l’objet par le biais de procédures judiciaires. En qualité d’avocat, Salah Hamouri représente les prisonniers politiques dans les prisons palestiniennes et israéliennes.

Dans la matinée du 7 mars 2022, les forces de sécurité israéliennes procèdent à l’arrestation M. Hamouri, après avoir perquisitionné son domicile situé dans le quartier Kufr Aqab au nord de Jérusalem. Le 10 mars 2022, le Commandant des forces de défense israéliennes délivre un premier ordre de détention administratif à l’encontre de M. Hamouri pour une durée de trois mois, prolongeant sa détention jusqu’au 6 juin 2022 sans motif d’accusation ni procès.

Dans la matinée du 6 juin 2022, alors que M. Hamouri devait être relâché, il apprend par les médias, auxquels il a accès dans la prison d’Ofer où il purge sa peine, que son ordre de détention administratif est renouvelé pour une durée de trois mois supplémentaires et prendra fin le 5 septembre 2022. Son avocat apprend la nouvelle quelques heures seulement avant la date prévue de sa libération. Les autorités israéliennes avaient en réalité prolongé sa détention en renouvelant l’ordre de détention le 2 juin 2022. Le 9 juin 2022, l’ordre est confirmé par la cour militaire d’Ofer. Par ailleurs, le 26 juillet 2022, M. Hamouri s’est vu sanctionné en étant classé dans la catégorie des « prisonniers à haut risque » et a été transféré dans une prison haute sécurité, à l’isolement, « la prison de Hadarim ». Ce transfert survient à la suite de l’envoi par M. Hamouri d’une lettre ouverte au Président Macron datée du 14 juillet 2022. À ce jour, M. Hamouri ne sait pas ce dont il est accusé, car son dossier est gardé secret.

Les organisations signataires sont profondément préoccupées par la possibilité d’un renouvellement de l’ordre de détention administratif le 5 septembre 2022 ou avant. En réalité, les ordres de détention administratifs peuvent être renouvelés indéfiniment, ce qui signifie que les prisonniers administratifs palestiniens, y compris M. Hamouri, ne peuvent pas connaître la date de leur libération. De plus, les éléments de preuves étant tenus secrets, M. Hamouri n’est pas en mesure de contester sa détention de manière efficace, ce qui constitue une violation des lois et normes internationales. La Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés depuis 1967 a déjà appelé Israël à mettre fin à ses pratiques en matière de détention administrative à l’encontre des Palestiniens, et a signalé que ce « système pénal était la porte ouverte aux violations et mauvais traitements ».

En dehors de son maintien en détention administrative, M. Hamouri a récemment été victime de différentes formes de harcèlement susceptibles de nuire directement à son activité professionnelle.

Le 8 novembre 2021, une enquête de Front Line Defenders, menée en collaboration avec Citizen Lab et Security Lab d’Amnesty International, a révélé que M. Hamouri avait été l’un des six défenseurs des droits humains palestiniens à avoir fait l’objet d’un piratage par le logiciel espion Pegasus du groupe israélien NSO.

De plus, le 18 octobre 2021, M. Hamouri a été informé de la décision du ministre de l’Intérieur israélien de révoquer son statut de résident permanent à Jérusalem en raison d’un prétendu « manquement à l’allégeance à l’État d’Israël », ce dossier est également tenu secret. Au même moment, ce dernier s’est vu interdire d’exercer sa profession devant les tribunaux militaires israéliens. Le 26 décembre 2021, la Haute Cour de justice israélienne a rejeté la demande de M. Hamouri de suspendre la procédure visant à révoquer son statut de résident permanent. Selon les informations qui nous ont été communiquées, lors de ces procédures, M. Hamouri a été interrogé sur son activité d’avocat auprès de l’ONG palestinienne Addameer.

Les organisations soussignées craignent que la détention administrative continue et le harcèlement dont M. Hamouri fait l’objet par le biais de procédures judiciaires, soient associés et servent à restreindre illégalement ses activités légitimes d’avocat et de défenseur des droits humains.

Le 11 août 2021 la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a exprimé son inquiétude concernant « les arrestations, le harcèlement, la criminalisation et les menaces dont sont victimes les défenseur·es des droits humains dans les territoires palestiniens occupés et Israël. Ella a également appelé Israël à assurer la protection de tous les défenseur·es des droits humains palestiniens », et a évoqué plus particulièrement la situation de M. Hamouri. Elle a demandé expressément aux autorités israéliennes « de cesser de s’en prendre à ces défenseur·es des droits humains et de leur permettre d’exercer leurs activités légitimes et pacifiques sans subir de restrictions, quelles qu’elles soient ». De plus, en mars 2022, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a exprimé sa préoccupation concernant « les pratiques généralisées d’arrestation et de détention arbitraires des Palestiniens, y compris des défenseur·es des droits humains », et a exhorté Israël d’y mettre fin. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a fait expressément référence au cas de M. Hamouri.

Les avocats jouent un rôle essentiel pour défendre l’état de droit et la protection des droits humains, notamment les droits à un recours effectif, au respect scrupuleux de la loi, à un procès équitable et le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Leur travail est indispensable pour que le public ait confiance en l’administration de la justice et pour assurer à tous un accès effectif à la justice.

Selon le principe 16 des Principes de base relatifs au rôle du barreau des Nations unies [1], les gouvernements doivent veiller à ce que les avocats « puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue ». Ces Principes de base exigent également que les avocats « ne fassent pas l’objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie ». En ce qui concerne le piratage du téléphone de M. Hamouri, le principe 22 prévoit que « Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que toutes les communications et les consultations entre les avocats et leurs clients, dans le cadre de leurs relations professionnelles, restent confidentielles ». Enfin, le principe 23 déclare que les avocats jouissent de la liberté d’expression et ont le droit de prendre part à des discussions publiques portant sur le droit, l’administration de la justice et la promotion et la protection des droits humains.

Nous exhortons les autorités israéliennes à libérer immédiatement et sans condition Salah Hamouri, à mettre fin à toutes formes de harcèlement à son encontre, y compris aux niveaux administratif et juridique, et à veiller à ce que tous les avocats des territoires palestiniens occupés et d’Israël soient en mesure d’exercer leur profession sans menace, intimidation, entrave, harcèlement, ni interférence indue ou représailles, conformément à la loi et aux normes internationales relatives au rôle des avocats.
Notes de bas de page

Les Principes de base relatifs au rôle du barreau fournissent une description précise des normes internationales ayant trait aux aspects essentiels du droit d’accès à un conseil indépendant. Ils ont été adoptés à l’unanimité par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants à la Havane, à Cuba le 7 septembre 1990. Ensuite l’Assemblée générale des Nations Unies a « salué » les Principes de base dans leur résolution « Les droits humains dans l’administration de la Justice » qui a été adoptée sans vote le 18 décembre 1990 à l’occasion du 3e Comité et de la session plénière de l’Assemblée générale.

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