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Gérard Collomb lie son départ de Beauvau à un désaccord avec Macron sur la politique migratoire

L'ancien ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.
L'ancien ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. Wikimedia Commons - CC

Quatre ans après avoir quitté le gouvernement, l'ex-ministre de l'Intérieur critique vertement la décision d'accueillir l'Ocean Viking à Toulon, et revient sur les raisons de sa démission. «Si j'avais dit cela à l'époque, Marine Le Pen aurait pu être élue», estime-t-il.

C'est ce qui s'appelle enfoncer le clou. Dans un tweet publié vendredi, l'ancien ministre avait déjà fustigé la décision d'accueillir l'Ocean Viking à Toulon, et rappelé qu'il s'était «opposé de toutes ses forces» à la création d'un «hot spot» à Toulon pour accueillir des migrants, lorsqu'il était encore au gouvernement. Cette fois dans un entretien au Point , Gérard Collomb expose en détail les termes de son désaccord avec Emmanuel Macron en matière de politique migratoire, et redoute que si le gouvernement français ne renoue pas avec une fermeté exemplaire en matière d'accueil des clandestins, des partis autoritaires prennent le pouvoir en France comme ailleurs en Europe.

«Je veux alerter sur les enjeux fondamentaux qui sont à l'œuvre dans l'affaire de l'Ocean Viking», confie d'entrée de jeu l'ancien maire socialiste de la Ville de Lyon, qui avait eu des mots très pessimistes au moment de quitter le ministère de l'Intérieur en octobre 2018 - il avait alors exprimé sa crainte que l'on vive un jour «face à face» entre communautés rivales dans les quartiers sensibles fortement peuplés d'immigrés.

Gérard Collomb a alors expliqué précisément le fond du désaccord qui l'avait opposé au président de la République à l'époque : «Il y a quatre ans, les problèmes migratoires étaient déjà extrêmement importants. La Commission européenne avait lancé l'idée de centres contrôlés pour accueillir les migrants. Peu après, les chefs d'État, réunis spécialement pour traiter les problèmes migratoires, reprennent ce projet, Emmanuel Macron s'y montrant l'un des plus favorables» détaille-t-il, affirmant que le président français a proposé d'installer l'un de ces centres à Marseille ou à Toulon, devant le refus des pays du Maghreb et de l'Albanie d'accueillir ces structures. «Il demande au préfet de l'époque, Pierre Dartout, d'y travailler. Je suis alors ministre de l'Intérieur, et je suis à fond contre ce projet», ajoute Gérard Collomb, selon qui une fois que les migrants sont entrés sur le sol français, il est presque impossible de les en déloger, tant les accords de Dublin entre pays européens sont peu respectés.

Gérard Collomb explique, en outre, qu'au moment de manifester son désaccord au chef de l'État, il doit participer à la commémoration de l'assassinat terroriste de deux jeunes filles à la gare Saint Charles de Marseille, tuées un an plus tôt par un djihadiste présent clandestinement sur le sol. «L'auteur, un Tunisien en situation irrégulière, aurait dû être placé la veille en centre de rétention administrative à Lyon pour être expulsé. Il ne l'a pas été, et il a pris le lendemain le train pour Marseille où il commettra ce crime. Je pense alors : 'Je ne veux plus que cela se reproduise' » explique l'ancien ministre. À l'époque, il avait confié à L'Express que sa démission était liée surtout à son désir de repartir à l'assaut de la métropole de Lyon (élection qu'il perd, finalement, en 2020) ; et son épouse Carine Collomb confie à La Tribune que son mari avait des désaccords politiques avec le président «notamment depuis l'affaire Benalla».

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«Si je m'étais exprimé avant la présidentielle, Marine Le Pen aurait pu être élue»

À en croire Gérard Collomb, la vraie raison de son départ serait donc d'abord la politique migratoire, même s'il confesse avoir longtemps voulu taire cet aspect : « Si j'avais dit cela à l'époque, j'aurais gravement nui à Emmanuel Macron. Si je m'étais exprimé avant la présidentielle, mon intervention aurait pu inverser le résultat de cette élection, et Marine Le Pen être élue. C'est pourquoi je me suis tu» expose-t-il. C'est l'accueil de l'Ocean Viking - en complet revirement de la décision de ne pas accueillir l'Aquarius quatre ans auparavant - qui lui dicterait aujourd'hui de changer d'avis : cette décision «ouvre une nouvelle brèche, créant un précédent», déplore Gérard Collomb. Selon lui, sous des faux airs humanitaires, en prenant cette décision «on renforce plus le problème qu'on ne le résout, en créant un appel d'air».

L'ancien ministre de l'Intérieur s'en prend ensuite aux proches du chef de l'État qui invitent l'exécutif à renoncer à sa politique de fermeté sur l'immigration, souhaitée pourtant par son successeur Gérald Darmanin. Mais aussi aux tenants d'une politique d'accueil généreuse, qui constitue à ses yeux une promesse qui n'est jamais tenue : «On voit aujourd'hui que dans nos grandes agglomérations, ils finissent sous des tentes, sous des ponts, dans des camps de fortune. À Lyon, le problème devient si aigu qu'après avoir dit 'Welcome le monde' les élus écologistes se retrouvent débordés, comme vient de le reconnaître lors du dernier conseil municipal l'adjointe en charge de ce dossier».

Citant d'autres hommes politiques de gauche (François Pupponi, l'ex-maire de Sarcelles, et Julien Dray) qui en sont venus au même constat que lui, Gérard Collomb invite donc le gouvernement à prendre des mesures fortes, comme au Danemark, pour éviter l'avènement au pouvoir de partis d'extrême droite : «regardez le résultat» en Suède, s'exclame-t-il.

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168 commentaires
  • benvrai

    le

    Qui lui importe le plus ? La France et les Français ou Emmanuel Macron ? Là est son immense erreur d'élu.

  • Justiniany

    le

    Synthèse : J'ai menti mais c'étaiy pour ne pas nuire à la gauche macroneuse. Il faut faire la politique de Le Pen pour quelle ne soit pas élue et éviter de perdre nos sièges.

  • anonyme

    le

    Je n'ai pas attendu cet article pour penser que Collomb avait de nombreuses qualités que nous, Lyonnais, regrettons de ne plus voir à la Mairie.

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