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La chasse aux tricheurs s'intensifie dans le milieu des jeux vidéo

Les jeux vidéos peuvent donner un coup de pouce à notre concentration. Image d'illustration [AFP - ROMAIN LONGIERAS / HANS LUCAS]
Jeux vidéo, triche, harcèlement, insulte, Microsoft publie ses chiffres / La Matinale / 4 min. / le 24 novembre 2022
Triche, harcèlement, insultes ou dopage. L'industrie du jeu vidéo est elle aussi touchée par ces phénomènes. Pour la première fois, Microsoft a publié un rapport sur le comportement toxique de ses joueurs en ligne.

Depuis le début de l’année, Microsoft a reçu 33 millions de signalements et suspendu plus de 7 millions de comptes Xbox. Les sanctions concernent principalement la triche et l'utilisation de faux comptes lors de parties de jeu vidéo en ligne.

Pour la première fois, Microsoft donne un chiffre précis sur ces comportements. Le rapport de l'entreprise fait la part belle aux réussites de son nouvel algorithme qui a débusqué 9 fois plus de fraudeurs de manière proactive que l'année dernière.

Cette nouvelle publicité autour de la modération des parties online est à comprendre dans un contexte commercial tendu. La période est cruciale pour l'industrie du jeu vidéo. Qui sera la principale porte d'entrée dans l'univers vidéoludique en streaming ?

Une lutte qui ressemble à celle que mènent actuellement les plateformes vidéo Netflix, Disney ou Amazon. Ici, les géants s’appellent Sony, Nvidia ou Microsoft.

Logiciels pirates

Pour vendre des abonnements de jeu en ligne, il faut faire le ménage dans sa communauté. L'expérience pour les joueurs doit être parfaite. C’est également la chasse aux tricheurs.

Et Youtube regorge de vidéos expliquant comment filouter les parties. En tête, les jeux populaires comme Minecraft et Fortnite. Les tricheurs installent des logiciels dans leur ordinateur pour améliorer les performances.

S'il y a une infinité de techniques, le "aimbot" est l'un des plus connus. "Ce logiciel permet de viser quasiment automatiquement ses adversaires dans un jeu de tir à la première personne", explique Kevin Roşianu, chercheur à l’Université de Lausanne.

"Le tricheur peut également faire du 'wallhacking'. Il voit la silhouette des autres joueurs à travers les murs". Dans les jeux populaires se déroulant dans une arène de bataille, comme Dota 2 ou League of Legends, certains programmes permettent de connaître en tout temps la position de chaque joueur.

Règles pour les pros

La Trackmania Cup s'est tenue le 4 juin à Bercy (Paris) devant 15 000 spectateurs et près de 200 000 en ligne. Une compétition remportée par le suisse Sébastien "Affi" Affolter. [AFP - Diane Falconer]
La Trackmania Cup s'est tenue le 4 juin à Bercy (Paris) devant 15 000 spectateurs et près de 200 000 en ligne. Une compétition remportée par le suisse Sébastien "Affi" Affolter. [AFP - Diane Falconer]

Et il n'y a pas que des amateurs qui trichent. Aujourd'hui, les compétitions de jeux vidéo (esport) permettent de gagner des sommes folles. Les revenus des meilleurs joueurs se comptent en millions. La pression est forte.

Des règles se mettent donc en place. Par exemple, pour des championnats du monde, les joueurs utilisent du matériel neuf qu’ils découvrent sur place. En Suisse aussi, il y a des règles.

Elles sont gérées par la fédération suisse de esports. Les gains sont beaucoup moins importants et la triche aussi. Entre un et cinq cas finissent chaque année devant les arbitres nationaux.

"On a eu des cas pratiques récemment", explique Gabriel Ratano, vice-président de la fédération suisse de esports. "Un joueur profite de l'anonymat des parties en ligne pour s'inscrire avec plusieurs comptes. Ce qui est interdit".

Si les cas de triche découverts sont peu nombreux en Suisse, la fédération intervient plus régulièrement pour des questions de toxicité, d'insultes, dans les relations entre les participants.

Substances illicites

Comme dans le sport, le dopage est également présent. Il y a une liste spécifique de produits dopants. Mais très peu de contrôles sont faits sur le terrain, pendant les tournois.

Il faut attendre les aveux des joueurs. C’est le cas de Huke, champion du monde en 2020 de Call of Duty, un jeu de tir. Il s’est livré sur Youtube.

"Après le Championnat du monde, je ne me sentais pas bien. C'était principalement à cause d'une substance que je prenais, l'adderall", témoigne Cuyler "Huke" Garland. "Pour ma première grande victoire, quand j’avais 16 ans et j’étais sobre, j’ai ressenti beaucoup de joie… j’étais fier de moi."

"Maintenant, je joue avec de la colère. La joie est partie. J’ai aussi vu ma personnalité changer. Je suis de plus en plus en colère, même avec les gens que j’aime. Et parfois, je ressens de la tristesse."

L’adderall est un médicament qui n'est pas prescrit en Suisse. La substance n’est pas anodine. "Il y a des risques. C'est une amphétamine. Il y a des effets secondaires possibles comme l'augmentation du rythme cardiaque. Ça peut être un coupe-faim", explique Gabriel Thorens, médecin adjoint au Service d’addictologie des HUG.

Il peut aussi y avoir des effets psychiatriques comme "une augmentation de l'anxiété. Il peut entraîner, comme toute amphétamine prise de manière abusive et sans prescription, des effets pouvant aller jusqu'aux hallucinations. Mais ce n'est pas la majorité des cas".

Les compétitions de jeu vidéo sont considérées comme un spectacle par les organisateurs des grands tournois. Le contrôle se focalise pour l'instant sur le dopage technologique.

Pascal Wassmer

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