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Législative partielle en Ariège : le RN à l’assaut d’une circonscription de la Nupes

L’extrême droite espère bénéficier de sa discrétion lors du débat sur les retraites sur cette terre de gauche où se tient une législative partielle ce dimanche.

Nina Jackowski , Mis à jour le
Beneticte TAURINE, députée LFI-Nupes de l'Ariège, au marché de Lavelanet, le 24 mars.
Beneticte TAURINE, députée LFI-Nupes de l'Ariège, au marché de Lavelanet, le 24 mars. © Christian Bellavia/DIVERGENCE POUR LE JDD

Ils sont là ? » Regard fiévreux, Bénédicte Taurine agite son épaisse chevelure rousse. « Ils sont arrivés ? », insiste la députée LFI-Nupes. La rumeur enfle ce vendredi matin sur le marché de Lavelanet, commune rurale de la première circonscription de l’Ariège. Jean-Marc Garnier, candidat du Rassemblement national, serait en route avec, dans sa valise, la patronne elle-même : Marine Le Pen. Depuis qu’il a déposé un recours pour contester son élection, Garnier rêve de déloger l’insoumise. Le premier tour de la législative partielle qui se tient ce 26 mars doit départager Bénédicte Taurine, qui avait réuni 33,12 % des voix au premier tour l’an dernier, la Marcheuse Anne-Sophie Tribout (19,96 %), le candidat du RN (19,94 %) et celle du PS, Martine Froger (18,08 %). Cette fois, le RN parie sur un affaiblissement de la candidate macroniste, sur fond de contestation de la réforme des retraites, pour se hisser au second tour. « Les gens sont en colère, souffle Taurine. L’extrême droite me fait très peur. C’est hallucinant que le risque Le Pen existe sur nos terres de gauche. »

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 C’est hallucinant que le risque Le Pen existe sur nos terres de gauche 

Bénédicte Taurine, la candidate LFI-Nupes

Le Pen justement. Des curieux scrutent son arrivée à l’entrée du marché. Mais « Marine » manque à l’appel, restée à la capitale par temps de grève. « Comme c’est triste ! », maugrée Josette, 78 ans. Après le vote de la réforme, la cheffe du RN avait décidé de reprendre sa série de déplacements, en pause depuis fin janvier. Se fendant d’un tweet vendredi soir, elle a simplement appelé à soutenir « la seule force politique cohérente et crédible dans son opposition à un pouvoir discrédité et brutal ». Ce n’est pas un sujet pour Josette, qui a bossé jusqu’à 64 ans. « Il faut surtout augmenter ma petite retraite, Macron s’en fiche », lance-t-elle, regard appuyé vers Garnier. Comment ? « Si les immigrés demandaient moins d’aides, ça serait mieux. »

On vote Le Pen car on ne l'a « jamais essayée »

Le candidat lepéniste sourit à la retraitée. Tous deux ont travaillé à la Ruche, du nom d’une usine du coin qui a fermé depuis. « Y a plus rien, c’est la désolation », souffle celle dont les parents étaient socialistes. Désormais, mari et enfants votent Le Pen, car ils ne l’ont « jamais essayée ». Ses fils sont partis de Lavelanet. Dans la circonscription, le taux de chômage atteint les 9,4 %, deux points de plus que la moyenne française. Un habitant sur cinq est sous le seuil de pauvreté et un tiers de la population est retraitée.

Au bout d’une heure, Garnier et ses soutiens en costume se décident à déambuler. « J’ai beau voter, rien ne change ! Vous avez vu la violence ? », les interpelle Annick, 67 ans, derrière son stand de paella. La retraitée nous raconte avoir reçu un coup de fil la semaine passée pour savoir si Le Pen pourrait lui parler devant les caméras. Annick n’a pas suivi les débats à l’Assemblée nationale, mais elle sait quand même qu’ils « se sont traités de tous les noms ». Sauf le RN, resté plutôt discret. Malin, juge-t-elle : « Ils ont bien fait de rester à l’écart de ce bazar, ils n’ont pas pu dire de bêtises comme ça ! »

 J’ai beau voter, rien ne change ! Vous avez vu la violence ? 

Annick, 67 ans, retraitée

La veille, un proche de Le Pen le théorisait : « On voit fleurir partout l’idée qu’on est les grands gagnants de la crise alors qu’on ne ferait rien. Philippe Martinez, Élisabeth Borne, les éditorialistes… nos adversaires participent du récit de notre victoire, même si ce n’est pas toujours tangible. » Sur le marché, l’Insoumis François Piquemal le dit autrement : « Le RN est l’opposition chouchou choisie par Macron pour être réélu. » Face à lui, Alain serre ses pots de miel. Du haut de ses 78 ans, il n’aurait jamais imaginé que l’extrême droite puisse effriter sa terre rose. Grisé par les manifestations, il reproche seulement à la gauche sa division : la dissidente socialiste, Martine Froger, soutenue notamment par la présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, affaiblit Taurine.

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Entre discours anti-immigration et contre-vérité

« Vive la France ! », s’époumone un vendeur de fruits et de légumes. Large sourire et air de défi, Mohammed raconte avoir 47 ans, deux décennies à Carcassonne et des origines tunisiennes. Le candidat RN jure que ça ne lui pose pas de problème. « Mon père était italien, et on a tous un beau-frère espagnol ici », explique le délégué départemental en désignant la frontière proche. Mais pour lui, ça, c’était avant. « Il n’y a plus de boulot donc il faut stopper l’hémorragie », martèle-t-il au sujet de « l’immigration économique venue d’Afrique ». Recyclant une contre-vérité véhiculée par le président du RN, Jordan Bardella, le candidat ajoute : « Vous avez des gens qui n’ont jamais travaillé en France qui touchent une retraite de 950 euros et d’autres qui ont trimé et gagnent 750 euros. Ça monte les gens les uns contre les autres. »

Et le RN ? « On est toujours adorables ! », se gausse Garnier derrière ses lunettes dorées. Le candidat retraité a réuni sa bande dans un hôtel, et nous raconte la tension de la campagne à côté de la piscine. Mardi, le mur du marché couvert a été retrouvé tagué d’un « nationaliste dégage » à l’occasion de la venue du vice-président du RN, Louis Aliot. Le leader Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a tenu un meeting le même jour. « Nos affiches sont arrachées, on se fait insulter devant les meetings. C’est la preuve qu’on fait peur », fanfaronne Garnier. À l’intérieur, ses militants s’égosillent sur la Marseillaise. Ils n’osent pas trop y croire : beaucoup se quittent sans se donner rendez-vous pour la victoire.

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