VTT : à un an des JO, Loana Lecomte a "juste besoin de vivre"

Par La Provence

Un an et demi après la déception de ses premiers JO, la Haut-Savoyarde est de retour, plus radieuse que jamais. De passage à Marseille, la championne d'Europe s'est confiée.

Un an et demi après la déception de ses premiers JO, la Haut-Savoyarde est de retour, plus radieuse que jamais. De passage à Marseille, la championne d'Europe s'est confiée.

Photo franck pennant

Marseille

Loana Lecomte, N.3 mondiale, a retrouvé le sourire après sa 6e place à Tokyo. Elle raconte son cheminement

En "pleine période de préparation" en vue des coupes du monde qui démarrent au printemps, Loana Lecomte a prouvé dimanche qu’elle était déjà en avance sur la concurrence : la Haut-Savoyarde (23 ans) fut sans rivale pour s’adjuger à Marseille la première manche de la coupe de France. Mélange de vélocité et de force, de souplesse et d’engagement dans les descentes, la championne d’Europe en titre a repris goût au vélo après de longs mois à traîner son spleen à cause de son résultat aux Jeux olympiques de Tokyo-2021 (6e). L’Annécienne a retrouvé son plus beau sourire : "Je prends du plaisir à m’entraîner, c’est l’essentiel. Plus je fais du vélo, plus je prends du plaisir. Là, en ce moment, je suis hyper heureuse dans ma vie".

À Marseille, vous avez retrouvé Jolanda Neff, la championne olympique de Tokyo, course pour laquelle vous étiez favorite au départ. Son classement lors de ses premiers Jeux n'a pas dû vous échapper (6e à Rio-2016). Vous aussi avez terminé 6e pour votre première participation... (Elle rigole franchement) C'est vrai ? Je ne savais pas. On verra en 2024... À Tokyo, j'étais jeune, je manquais d'expérience. Je travaille dessus, notamment la préparation mentale (avec la médaillée olympique en biathlon Marie-Laure Brunet). L'aspect psychologique est très important. Maintenant, je prends confiance en moi. En 2023, mon objectif sera d'accepter de ne pas être en forme tout le temps, même si je dispute toutes les courses à fond, il y aura des jours où je ne vais pas gagner. Mais si on a décidé avec mon entraîneur d'être en forme tel jour, on va tout faire pour y arriver, pour ne pas paniquer.

Qu'est-ce qui peut vous faire perdre les pédales ?

Inconsciemment, le stress ou en tout cas l'envie de vouloir trop bien faire, ça peut me faire déjouer. Je manque de confiance et ça me fait changer mes habitudes. Parfois, à l'approche d'une compétition, je change tout en me disant qu'il faut que je fasse mieux, au final c'est encore pire... Je dois juste essayer de rester moi-même.

Depuis les Jeux, vous avez remporté la coupe du monde (2021) et le championnat d'Europe (2022). Ces victoires participent-elles à votre construction ?

Bien sûr, mais là où j'ai le plus appris, c'est dans les courses que je n'ai pas gagnées. Comme les JO ou les Mondiaux (qui se déroulaient chez elle, aux Gets, l'an dernier). Ce n'est pas une défaite, parce que je termine 4e, mais j'ai énormément appris de ce jour-là. Ça va être très bénéfique pour la suite.

Après Tokyo, vous aviez dit avoir "peut-être utilisé un peu trop d'énergie" à cause du stress lié à l'événement. Quelle leçon en avez-vous tirée ?

Très clairement, il ne faut pas que je change mes habitudes ; si j'ai envie d'aller boire un café avec des amis, j'y vais. Je ne dois pas rester cloîtrée dans ma chambre. J'ai juste besoin de vivre, comme je le fais d'habitude.

Nous sommes à moins de 500 jours des Jeux. Comment imaginez-vous le chemin restant à parcourir ?

Je n'y pense pas tant que ça, même si tout ce que je fais, c'est pour accumuler de l'expérience. Il y a d'autres objectifs avant Paris, il y en aura d'autres après. Je vais me servir de cette année 2023 pour tout mettre en place en vue de 2024 : mon staff est calé et ne bougera pas ; travailler les routines d'avant-course, celles au quotidien pour éliminer tous les petits cailloux qui pourraient venir enrayer la machine... On doit tout faire pour ne pas répéter certaines erreurs faites avant Tokyo.

Comme ne pas tout gagner trop tôt, être plus discrète qu'en 2021 ?

Je ne sais pas... Gagner, ça met en confiance et permet de montrer aux adversaires que je suis là. Mais arriver en outsider, c'est pas si mal... Il faudra trouver le juste équilibre.

Vous aviez mis un terme prématurément à votre saison 2021. Dans un long post sur Instagram, vous déploriez "le revers de la médaille" (la popularité naissante, les médias, la peur de décevoir...) et expliquiez : "Nous ne sommes pas des robots". Il a fallu effectuer un travail mental pour remonter la pente ?

Tout part de la confiance, ensuite il y a tellement de pistes à explorer... Comment tout mettre en place, comment économiser de l'énergie parce que je suis très impulsive et émotive dans la colère, la joie ou la tristesse. Je dois canaliser mes émotions. Parfois, je suis un peu trop exigeante, avec moi-même mais aussi avec mon entourage. J'ai compris que communiquer, c'est la base. Mon cheminement participe d'un développement personnel, cela ne concerne pas que la sportive. C'est à moi de trouver un juste milieu, pour éviter de se prendre la tête tout le temps. C'est important de profiter des moments de la vie et ne pas penser uniquement à la performance. Voilà le piège à éviter.

Malgré tout, un sportif est jugé sur ses résultats. L'exigence du haut niveau vous amène à travailler sur votre rapport à l'échec ?

Bien sûr ! Après les Jeux, j'avais l'impression d'en vouloir aux médias, parce que j'étais blessée. Mais ma performance n'était pas de leur faute. Depuis, j'ai su travailler là-dessus, prendre du recul. Maintenant, ce que je fais, c'est pour moi et pas pour les autres. J'ai mis un moment à comprendre ça. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé cet hiver, j'ai eu un déclic : toute cette phase où j'étais maussade, sur la défensive, est partie. Tant mieux, car je suis redevenue la Loana d'avant Tokyo. Ça a été long. Cette page est tournée, comme on le fait après chaque course.

Le regard de vos adversaires sur vous a-t-il changé depuis votre sacre européen ?

J'ai senti un vrai changement début 2021 quand j'ai commencé à gagner en coupe du monde (les quatre premières cette année-là). Et d'un coup, tout le monde m'a demandé de faire des photos, des selfies. Je n'étais pas du tout prête. C'est pour ça que j'ai eu du mal ensuite, il m'a fallu plus d'un an à accepter que j'allais être sollicitée toutes les deux secondes dans le paddock. Avant ça, je faisais du vélo pour le plaisir, tranquille dans mon coin. D'un coup, j'étais exposée.

C'est le fameux revers de la médaille...

Je me mets à la place du public, je faisais pareil quand j'étais jeune. Il y avait Maxime Marotte, Pauline Ferrand-Prévot, Julie Bresset et d'autres, mon rêve était simplement qu'ils m'adressent la parole ! Je suis obligée de le rendre à mon tour. Je ne me force pas, même si parfois on n'est pas forcément bien luné...

Quel était votre rêve étant petite ?

J'ai eu le déclic quand j'ai vu la victoire de Julie aux JO à Londres-2012. Je devais choisir entre le vélo et le ski, j'ai alors dit à mon père : "Je veux faire comme Julie !"

Quel est votre rapport aux Jeux olympiques ?

C'est la plus grande compétition du monde. On se souviendra toujours que Julie Bresset a gagné en 2012. Les Jeux, c'est ouvert à tous les publics, aux passionnés de VTT comme à des gens qui ne connaissent pas du tout. Un titre de champion olympique te fait entrer dans l'histoire, c'est beau. Ce n'est pas l'objectif d'une vie, mais ramener une médaille olympique est motivant.

En 2024, il y aura la pression d'être à domicile, l'attente du public en plus...

Justement, je travaille sur ce point pour ne pas me faire submerger par l'ampleur de l'événement. C'est une course comme les autres, que ce soit en France ou à l'étranger.

Un courant met en avant le "home advantage", l'aspect positif que revêtent ces Jeux en France pour les Tricolores. Comment ça se matérialise ?

C'est l'avantage que l'on aura par rapport à nos adversaires : on va courir en France, chez nous. Il va falloir se blinder par rapport aux médias qui vont tous avoir les yeux rivés sur les athlètes français, quel que soit le sport. Mais le gros avantage par rapport à Tokyo, c'est qu'on aura nos familles tout proches.