César 2020 : "Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes", déclare Adèle Haenel

Par Thilda Riou
Adèle Haenel
Dans le "New York Times", l'actrice est revenue sur la polémique autour des 12 nominations de Roman Polanski, accusé de viol, aux César 2020, qui ont lieu le 28 février à Paris. C'est aussi la première fois qu'Adèle Haenel s'exprime depuis ses accusations contre Christophe Ruggia.

Alors que la 45ème cérémonie des César aura lieu le vendredi 28 février à Paris, la polémique à propos des 12 nominations de Roman Polanski pour son film J'accuse, ne cesse de gonfler. 

Pour Adèle Haenel, qui s'est confiée lors d'un entretien au New York Times publié lundi 24 février, "distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes". En novembre 2019, l'actrice bouleversait le cinéma français en révélant avoir été victime d'"attouchements" et de "harcèlement sexuel" de la part du réalisateur Christophe Ruggia, lorsqu'elle avait entre 12 et 15 ans.

"La vraie censure dans le cinéma français, c’est l’invisibilisation"

Alors que le film J'accuse, de Roman Polanski a pris la tête des nominations pour les César 2020, Adèle Haenel s'est positionnée sur la polémique : "Distinguer Polanski [...] Ça veut dire, 'ce n’est pas si grave de violer des femmes'".

Après avoir été inculpé pour des rapports sexuels illégaux avec Samantha Geimer, en 1977, alors qu'elle était âgée de 13 ans, le réalisateur de 86 ans avait fui les États-Unis pour éviter la prison. Il est depuis accusé de viol par douze femmes.

"À la sortie de J’accuse, on a entendu crier à la censure alors qu’il ne s’agit pas censurer mais de choisir qui on veut regarder. Et les hommes riches, blancs, rassurez-vous : vous possédez tous les moyens de communication", ajoute l'actrice. "Non, la vraie censure dans le cinéma français, c’est l’invisibilisation".

À la sortie de J’accuse, on a entendu crier à la censure alors qu’il ne s’agit pas censurer mais de choisir qui on veut regarder.

"Où sont les gens racisés dans le cinéma ? Les réalisateurs racisés ?", questionne Adèle Haenel, notant qu'il y a "des exceptions, comme Ladj Ly", réalisateur du film Les Misérables, mais que cela "n’illustre pas du tout la réalité du milieu du cinéma".

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"Une agression sexuelle est une agression, pas une pratique libertine"

L'actrice de Portrait de la jeune fille en feu est également revenue sur l'impact du mouvement #MeToo en France, qui selon elle relève d'un "paradoxe". "[La France] est l’un des pays où le mouvement a été le plus suivi, du point de vue des réseaux sociaux, mais d’un point de vue politique et médiatique, la France a complètement raté le coche", déclare-t-elle au quotidien américain.

Le débat s’est positionné sur la question de la liberté d’importuner, et sur le prétendu puritanisme des féministes. Alors qu’une agression sexuelle est une agression, pas une pratique libertine

"Beaucoup d’artistes ont confondu, ou voulu confondre le jeu sexuel et l’agression. Le débat s’est positionné sur la question de la liberté d’importuner, et sur le prétendu puritanisme des féministes. Alors qu’une agression sexuelle est une agression, pas une pratique libertine", poursuit-elle.

Le débat s’est positionné sur la question de la liberté d’importuner, et sur le prétendu puritanisme des féministes.

En ce qui concerne la volonté qu'à eu l'actrice de libérer sa parole en novembre dernier, Adèle Haenel confie que #MeToo l’a aidé "à réaliser que [son] histoire n’était pas juste personnelle". "Mais je ne me sentais pas prête à la partager au moment où #MeToo a émergé. J’ai mis du temps à faire le parcours personnel qui m’a permis de me placer comme victime. Je crois que je n’ai pas été plus vite que la société française".

Renforcer le système judiciaire

Dans son entretien, Adèle Haenel pointe également "un système judiciaire qui ne fait pas des violences faites aux femmes sa priorité", tout en dénonçant un manque "de moyens alloués pour changer la situation".

"La loi française définit le viol comme un acte sexuel commis au moyen de violence, de surprise, ou de contrainte : elle est centrée sur la technique employée par l’agresseur, pas l’absence de consentement de la victime. Or, si une victime est sidérée pendant l’agression, comment fait-on pour obtenir justice ?" 

Dès qu’une femme a moins de pouvoir qu’un homme, on la soupçonne de vouloir se venger

"On doit aussi croire toutes les femmes qui parlent. Dès qu’une femme a moins de pouvoir qu’un homme, on la soupçonne de vouloir se venger", s'indigne Adèle Haenel, avant de rappeler: "On n’a rien à gagner à se dire victime et les conséquences sur la vie privée sont très négatives".

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