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Aurore Bergé au JDD : « La cause des femmes doit être au sommet de l’agenda international »

DIPLOMATIE. Auprès du JDD, la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, prône une politique extérieure féministe.

Propos recueillis par Victor-Isaac Anne , Mis à jour le
Aurore Bergé, dans son bureau, rue Saint-Dominique à Paris.
Aurore Bergé, dans son bureau, rue Saint-Dominique à Paris. © Marc Charuel

Le JDD. Vous rentrez d’un déplacement au siège de l’Onu, à New-York, où vous avez vanté l’inscription de l’IVG dans la Constitution – une première mondiale –  et promu une « diplomatie féministe ». Qu’entendez-vous par là ?

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Aurore Bergé. C’est simple : la cause des femmes doit être systématiquement au sommet de l’agenda international. Cela englobe notamment les deux volets que j’ai choisi de porter aux Nations unies : les droits sexuels et reproductifs – donc l’accès à l’avortement – ainsi que l’exploitation du corps des femmes. On ne peut pas parler du corps des femmes sans évoquer la manière dont celui-ci est, hélas, trop souvent abusé, torturé et mutilé. Et singulièrement du viol, qui est devenu une arme systématique des conflits. On l’a vu de manière frappante au moment du 7 octobre en Israël.

L’événement portant sur le viol comme arme de guerre, que j’ai choisi de porter au nom de la France, a été celui qui a rencontré le plus de succès aux Nations unies. À travers le monde, les femmes restent les premières victimes des conflits : des sévices sexuels commis dans le cadre du conflit armé colombien jusqu’aux viols perpétrés par l’occupant russe en Ukraine, en passant par la banalisation des violences sexuelles en République du Congo ou au Sud-Soudan, cette question demeure d’une actualité brûlante.​

Comment expliquez-vous la frilosité du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale de l’Onu à condamner clairement les viols de guerre commis lors des attaques du 7 octobre ?

L’Onu, c’est d’abord l’émanation de 193 États membres, ce qui ne va pas sans contraintes et peut générer de la frustration. Mais la situation a évolué ces dernières semaines. J’ai abordé ce sujet avec la représentante spéciale de l’Onu chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Pramila Patten.

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« Le viol et les mutilations ont été utilisés de manière systématique par les terroristes du Hamas » 

Fin janvier, elle s’est rendue en Israël afin d’enquêter sur les nombreuses accusations de violences commises par le Hamas le 7 octobre. Elle a pu s’entretenir avec des témoins, avec d’anciens otages, ou encore avec des médecins qui savent faire parler les corps. Son rapport est sans appel : le viol et les mutilations ont été utilisés de manière systématique ce jour-là par les terroristes du Hamas.

En France aussi les crimes sexuels du Hamas ne sont pas forcément un sujet digne d’intérêt dans le milieu féministe. Vous avez d’ailleurs menacé de sucrer les subventions aux associations qui auraient tenu des « propos ambigus » après les attaques du 7 octobre.

Je l’ai dit, quand on est féministe, on l’est tous les jours de l’année. On ne choisit pas ses victimes. Le silence est insupportable. Si une association n’est pas capable de reconnaître la nature terroriste du Hamas ou la réalité des viols et des mutilations subis par des femmes le 7 octobre, alors il y a un vrai problème. En tant que ministre, je ne pouvais raisonnablement laisser ces organisations percevoir de l’argent public.

J’ai entendu cette semaine l’appel du collectif « Nous vivrons » et de plus de 70 signataires de tous bords politiques : je souhaite organiser des assises de lutte contre l’antisémitisme. J’inviterai à ces assises l’ensemble des partis représentés à l’Assemblée et au Sénat, toutes les associations de lutte contre la haine, tous les cultes. L’antisémitisme n’est pas que l’affaire des Juifs. C’est toute la société qui doit se lever avec un message clair : la République pour tous, tout le temps, point barre !

Vous avez récemment dénoncé le « travail de sape » de la droite américaine contre les droits des femmes. Une réélection de Donald Trump n’est cependant pas exclue. Comment l’expliquez-vous dans un pays où les femmes composent 53 % du corps électoral ? Le mode de scrutin n’explique pas tout.

Un peu quand même, l’élection présidentielle américaine est un scrutin indirect. Cela a évidemment une incidence sur la manière dont les sujets peuvent émerger. Il faut avoir conscience de ce que vivent aujourd’hui les femmes américaines. Dans certains États, qui ont interdit l’avortement, elles risquent la prison même en cas d’inceste ou de viol. Ce qui s’est passé aux États-Unis a été l’électrochoc qui nous a menés à intégrer l’IVG dans la Constitution.

Avant le vote de l’IVG vous aviez appelé les parlementaires à être au « rendez-vous de l’Histoire ». N’avez-vous pas dramatisé l’enjeu ?

La question n’est pas de savoir si les droits des femmes sont menacés aujourd’hui en France, mais s’ils sont acquis ad vitam aeternam. En gravant ce droit dans le marbre constitutionnel, on a souhaité le rendre inaliénable, sans retour en arrière possible. Ce vote a d’ailleurs eu une résonance bien au-delà de nos frontières, je l’ai vu à New-York, nous avons adressé un message à toutes les femmes du monde.

Vu la rapidité avec laquelle on a pu réviser la Constitution, on se dit que ce qui a été fait en quelques jours peut être défait avec tout autant de facilité…

Le processus a tout de même pris dix-huit mois, ce qui est rapide, surtout pour ceux qui n’y croyaient pas ! En l’inscrivant dans la Constitution, sous l’impulsion de nombreuses initiatives parlementaires et avec l’engagement du président de la République, nous avons mis en place le plus haut niveau de sécurité juridique possible pour l’avortement.

Devant la hausse croissante des demandes de changement de sexe chez les mineurs, la droite sénatoriale préconise d’interdire toute transition médicale avant 18 ans. Partagez-vous l’avis des sénateurs ?

Je ne connais de ce rapport que ce que j’en ai lu dans la presse, mais je peux en discuter avec ces parlementaires. Il y a deux sujets selon moi. Premièrement, il faut prendre en compte la souffrance de ceux qui se sentent piégés dans une identité qui n’est pas la leur. En même temps, la protection des mineurs doit demeurer une priorité. La France est très claire sur ce qui peut être fait ou non avant la majorité.

« Il est interdit de pratiquer des opérations chirurgicales irréversibles avant la majorité et ça doit le rester »

Dans notre pays, il est interdit de pratiquer des opérations chirurgicales irréversibles avant la majorité et ça doit le rester. Les retours en arrière de certains pays comme le Royaume-Uni il y a quelques jours, me confortent dans cette idée.

Après que le cinéma français a été secoué par un nouveau mouvement #MeToo, vous avez annoncé une mission contre les violences sexistes et sexuelles. À quoi sert concrètement ce type d’initiatives ?

Dans tous les lieux de pouvoir des abus peuvent exister : l’abus d’un réalisateur sur son actrice, d’un entraîneur sur un jeune sportif. En somme, ces relations où l’abus se niche derrière l’ambiguïté et la promiscuité. Il faut créer des contre-pouvoirs. J’ai lancé un appel à témoignages à celles et ceux qui ont subi ces violences : temoignages-efh@pm.gouv.fr

Le président a affirmé vouloir faire évoluer la définition du viol, qu’en pensez-vous ?

Oui, je souhaite que le consentement soit inscrit dans notre Code pénal. C’est toute une culture et une éducation qui doivent changer. Il est temps.

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