Un visage crispé, le regard dur, les lèvres serrées d'agacement, d'amertume. Ce mardi 15 septembre à partir de 21h, M6 diffuse les deux premiers épisodes de sa mini-série en contenant quatre, inspirée de l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès, et intitulée Un homme ordinaire

Dans le rôle-titre, on retrouve Arnaud Ducret, décidément immanquable en cette rentrée télé, que l'on a vu la semaine dernière en père de Grégory Lemarchal dans le téléfilm de TF1 consacré au chanteur mort de la mucoviscidose, titré Pourquoi je vis

Face à lui se trouve Émilie Dequenne (Rosetta, La Meute), jouant Anna-Rose, une hackeuse fascinée par son voisin soupçonné d'avoir décimé sa famille. Là aussi, le personnage est inspiré d'une personne réelle, sauf qu'il s'agissait d'un internaute ayant mené sa propre enquête sur l'affaire, et réussi à trouver la dernière photo existante de XDDL.

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2020, année d'une fascination retrouvée pour l'affaire XDDL 

Un homme ordinaire est bel et bien inspirée de l'affaire XDDL, ce quintuple meurtre au sein d'une famille catholique de Nantes, en 2011. Toujours non-résolue à ce jour, le patriarche, Xavier Dupont de Ligonnès, disparu, en est toujours le seul suspect.

La série prend quelques libertés : elle change les prénoms des protagonistes, s'installe à Lyon plutôt qu'à Nantes, invente un personnage d'enquêtrice amateure qui aurait croisé le patriarche peu de temps avant les meurtres. Mais le fond reste le même, et son hypothèse est la suivante : c'est lui qui a décimé sa famille, avant de disparaître.

Cette mini-série produite par CAPA Fiction tombe à pic. Ces derniers mois, les Français ont redécouvert à l'envie ce "cold case" français. Soit dans la série-documentaire Netflix Unsolved Mysteries, soit dans l'enquête de 60 pages du magazine Society, qui s'est arraché sur les plages.

Une fascination réapparue après qu'en octobre 2019, la police écossaise avait annoncé à la France avoir arrêté le Nantais, avant de reconnaître, quelques heures plus tard, une méprise totale sur l'identité du suspect. La déception nationale avait été aussi forte que la liesse. 

Arnaud Ducret terrifiant en père de famille toxique

Pour s'imprégner au mieux de cette affaire sordide, les créateurs et scénaristes de Un homme ordinaire ont épluché pendant un an et demi les correspondances entre les Dupont de Ligonnès, et des proches. Après avoir amassé de nombreuses informations, ils ont voulu, expliquent-ils, passer à la fiction, et proposer leur "hypothèse" de l'affaire XDDL.

Leur travail de recherche fait ses preuves. Les téléspectateurs déjà familiers du dossier apprécieront la finesse psychologique des personnages, notamment Christophe de Salin, soit XDDL, et son épouse, magnifiquement jouée par Chloé Lambert.

Arnaud Ducret est glaçant dans la peau de Christophe de Salin, dont le tempérament tyrannique rappelle les descriptions faites de XDDL, jusque dans le regard froid et dur. Nerveux sous son apparence polie, il noie sa compagne sous des reproches et sermons injustes, l'accablant de tous les maux de la famille.

Il rejette sur elle des années de frustrations tirées de ses nombreux échecs professionnels, qui l'ont toujours plus ruiné. Leurs enfants sont aussi l'objet de nombreuses remontrances, et leçons de vie toutes faites, qui paraissent déplacées vu son statut d'homme d'affaires raté. 

Fier, il ne s'en prend jamais à lui-même. Obsédé par les dépenses du ménage, Christophe de Salin montre à son épouse un tableau où il a calculé les dépenses réalisées pour chaque enfant depuis leur naissance. Un calcul malsain, cruel, insensé. "Mais que me dis-tu ? Tu me reproches d'avoir eu les enfants ?", demande sa femme, troublée. En larmes, la mère de famille quitte la pièce, ne comprenant pas ce que ce mari aussi égocentrique qu'insatisfait et irrationnel attend d'elle.

Un homme ordinaire montre comment, dans ce cas, le sentiment d'injustice de Christophe de Salin, face au grand destin qu'il s'était prédit, le rend dangereux. La série imagine même la "grotte" de XDDL. Il travaillait souvent dans ce garage aménagé en bureau sombre, entouré de bibelots kitsch à l'effigie des États-Unis, ce pays où il avait cru pouvoir faire fortune un jour. 

Émilie Duquenne, symbole de notre obsession collective pour l'affaire XDDL

"Est-ce qu'il les aime vraiment ?", se demande de son côté Anna-Rose. À mesure qu'elle remonte les événements ayant mené au quintuple assassinat, la jeune femme s'interroge sur la sincérité de Christophe de Salin vis-à-vis de sa famille.

Cette informaticienne, très douée pour obtenir des informations en piratant des bases de données, décide d'ouvrir un "site" - en réalité, une page Facebook - intitulé "Affaire Christophe de Salin : enquête et vérité", pour rassembler d'autres internautes voulant, comme elle, en découvrir davantage.

Là aussi, le clin d'oeil est bien pensé, puisqu'une page Facebook au nom similaire existe depuis des années pour le dossier XDDL, rassemblant quelques milliers d'enquêteurs en herbe espérant trouver la fin mot de l'histoire nantaise. La série prend aussi le temps d'expliquer qu'en France, cette pratique est rare, contrairement aux États-Unis, rappelant alors celleux ayant débusqué Luka Magnotta, et qui se sont confiés dans la série-documentaire Netflix Don't f**k with cats

Obsédée par le quintuple meurtre qui s'est déroulé à quelques mètres de son appartement ultra moderne, Anna-Rose n'arrive pas à quitter son ordinateur. Elle accède à des documents confidentiels de la police, aux relevés de comptes de la famille, aux échanges mail du père. Bien qu'ayant de plus en plus peur de ce psychopathe se dessinant sous ses yeux, Anna-Rose ne peut s'empêcher de continuer à fouiller.

Dommage que ses talents de hackeuse paraissent souvent risibles. La série ne nous épargne pas les inévitables plans sur un écran noir où des lignes de codes vertes illisibles défilent à la vitesse de la lumière, et ses trouvailles paraissent parfois trop faciles pour être réalistes.

Malgré tout, on s'attache à ce personnage qui semble symboliser toutes les personnes aussi fascinées qu'horrifiées par cette affaire, espérant donner du sens à l'inexcusable. 

Un homme ordinaire, de Pierre Aknine, avec Arnaud Ducret, Emilie Dequenne, deux épisodes sur M6 le 15 septembre, puis le 22 septembre