Voyage en Europe nationaliste

Drapeau européen avec les logos des trois partis évoqués dans ce 'Grand Reportage'. En Suède, au Portugal et en France.
Drapeau européen avec les logos des trois partis évoqués dans ce 'Grand Reportage'. En Suède, au Portugal et en France.
Drapeau européen avec les logos des trois partis évoqués dans ce 'Grand Reportage'. En Suède, au Portugal et en France.
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L'extrême droite progresse dans une grande partie des pays du vieux continent. Notamment au Portugal, en Suède et bien sûr en France, où nos journalistes ont enquêté avant les élections européennes de début juin prochain.

Avec
  • Jean-Yves Camus Politologue, co-directeur de l'Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès

Les forces dites pro-européennes peuvent-elles perdre la majorité au Parlement européen ?

Cela semble peu probable, mais les élections du mois de juin devraient être marquées par une forte poussée de l’extrême droite et des nationalistes. Selon un sondage Ipsos pour Euronews, réalisé dans 18 pays de l’Union, les partis de droite radicale devraient progresser partout. "Identité et démocratie", dont fait partie le Rassemblement national, et "Conservateurs et réformistes européens", le groupe dans lequel se retrouvent Fratelli d’Italia et le PIS polonais, totaliseraient 157 sièges, soit plus d’un cinquième des voix au Parlement de Strasbourg.

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Ils sont loin de s’entendre sur tout, mais dénoncent d’une même voix une immigration incontrôlée, une écologie "punitive" et une Europe qui serait trop bureaucratique et pas assez protectrice.

Pour mieux comprendre les ressorts de ce vote, nous vous proposons trois reportages. En France, d’abord, dans une commune de Haute-Marne, département rural qui a progressivement glissé de la droite vers l’extrême-droite. En Suède ensuite, pays qui a opéré un virage après avoir accueilli de nombreux réfugiés. Et enfin au Portugal, où la mémoire de la dictature n’est plus un rempart contre la montée des populismes.

La Haute-Marne, nouvelle terre du RN

Le député Christophe Bentz et des militants RN sur le marché de Langres (Haute-Marne). Mars 2024
Le député Christophe Bentz et des militants RN sur le marché de Langres (Haute-Marne). Mars 2024
© Radio France - Antoine Marette

Lors des dernières législatives, les deux circonscriptions de Haute-Marne ont basculé à l’extrême droite. Le Rassemblement national a surfé avec succès sur le recul des services publics dans ce département essentiellement rural.
Dans cet ancien fief gaulliste, la droite semble avoir pâti d’un manque d’incarnation au niveau national, et aussi d’une certaine déception après le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Mais les racines de ce vote RN sont peut-être bien plus profondes. Une partie de la population cultive la nostalgie d’une époque qu’elle n’a pas connue sur le mode "C’était mieux avant". Un sentiment décliniste qui alimente le vote d’extrême droite.

Suède : sous pression de l’extrême droite, le gouvernement restreint le modèle social pour dissuader l'arrivée de migrants

Le reportage de Frédéric Says commence dans une petite ville tranquille, au bord de la Baltique, à une heure de Stockholm.

Andrea Kronvall, 38 ans, représente les "Démocrates de Suède" à Norrtälje. Mars 2024.
Andrea Kronvall, 38 ans, représente les "Démocrates de Suède" à Norrtälje. Mars 2024.
© Radio France - Frédéric Says

Andrea Kronvall, 38 ans, représente les "Démocrates de Suède" à Norrtälje. Cette petite ville (20 000 habitants) paisible, à une heure de Stockholm, a porté pour la première fois le parti anti-immigration au pouvoir, lors du dernier scrutin municipal. Son programme : lutter "contre le crime et l'islamisation", pour "éviter que la Suède ne fasse les mêmes erreurs que la France".

La Scandinavie est souvent vue comme une région d’accueil, avec son État-Providence fort. 
La Suède a d’ailleurs reçu plus de 160 000 migrants en 2015, au plus fort de la crise migratoire liée à la guerre en Syrie - un effort substantiel pour ce pays de 10 millions d’habitants.
Mais ces derniers mois, les associations qui œuvrent à l’intégration déplorent un “tournant”. La progression de l'extrême droite pousse le gouvernement conservateur à restreindre les droits des migrants, en particulier celui d’accéder au modèle social.

Une évolution largement soutenue par la population, effrayée par la ghettoïsation et les affrontements de plus en plus violents entre les gangs. L’extrême droite perce dans de nombreuses communes, y compris dans les zones rurales.

Cultures Monde
57 min

Extrême droite au Portugal : la fin d’une "exception portugaise" ?

Panneau électoral "grand nettoyage" de Chega, à Porto. Mars 2024
Panneau électoral "grand nettoyage" de Chega, à Porto. Mars 2024
© Radio France - Julie Pietri

Reportage, à Porto, de Julie Pietri.

Le Portugal semblait jusqu’à présent comme "immunisé" face à la progression de l’extrême droite. Politique migratoire parmi les plus accueillantes d’Europe. Sentiment europhile prononcé. Mémoire fraîche de la dictature. Le pays était présenté, souvent, comme l’une des exceptions européennes.

Mais c’était sans compter la percée d’un tout jeune parti : "Chega" ("Assez / ça suffit, en portugais"). Il s’est appuyé sur les scandales de corruption, qui ont touché les socialistes au pouvoir depuis 8 ans et fait tomber le gouvernement d’Antonio Costa, pour faire sa place dans le paysage politique portugais. Encore insignifiant il y a quelques années, il a obtenu 18 % des voix aux élections législatives du 10 mars et est devenu la troisième force politique du pays avec 50 députés et le désir de peser dans le nouveau gouvernement minoritaire, piloté par le centre droit.

Cette ascension est d’autant plus marquante qu’elle survient alors que le pays fêtera dans un mois les 50 ans de la chute de la dictature salazariste, de l’"Empire colonial portugais" aussi avec la Révolution des Œillets (Révolution sans effusion de sang, durant laquelle les soldats ont placé des œillets sur leur uniforme ou dans le canon de leur fusil).

À l’origine de cette progression, un homme, André Ventura, le fondateur et l’incarnation de Chega, c’est lui. Professeur de droit, ancien commentateur de foot, adepte des saillies sur les plateaux tv.

Les Enjeux internationaux
10 min

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