Le mot du jour: "Frontière"

Temps de lecture
Par Fabrice Grosfilley

Frontière, limite de territoire. La frontière fixe l'étendue d'un État et délimite la zone où s'exerce sa souveraineté. Elle peut avoir pour origine un obstacle physique, un fleuve, un bras de mer, une chaîne de montagnes, ou être fixée par simple convention.

Le mot frontière vient de front et n'a pas toujours eu la signification actuelle. Jusqu'au XVième siècle la frontière désigne les troupes qui se trouvent à l'avant, au front. Faire frontière c'était faire mouvement vers la zone de combat. Comme c'est surtout aux confins des États que ces combats se déroulent, la ligne de front va progressivement devenir la frontière au sens que nous lui connaissons aujourd'hui. A partir du XVIIième siècle on commence à matérialiser les frontières en installant des bornes. Le besoin de maintenir des troupes sur place se fait moins sentir, mais l'étymologie le confirme : l'idée de frontière est une idée guerrière. Qu'elle resurgisse maintenant indique bien que nous sommes dans un état de stress et d'inquiétude, proche du conflit. A la frontière, halte, on ne passe pas.

Il n'y a pas de monde sans frontière

C'est vrai dans beaucoup de domaines et pas qu'en géographie : le concept de frontière nous sert à séparer les choses. C'est la limite, la démarcation. L'homme cherche, soit à protéger, soit à dépasser ses frontières. C'est la frontière linguistique chez nous, la nouvelle frontière de Kennedy, qui lance la conquête de l'espace, la frontière entre le bien et le mal pour les moralistes, ou même les points-frontières qui peuvent être utilisés pour désigner les points entre deux ensembles en mathématiques.

L'union européenne avait jusque-là aboli les frontières intérieures

Le premier accord de Schengen (petite ville du Luxembourg) remonte à 1985. Cinq pays au départ, dont la Belgique. Cela veut dire que ceux qui ont moins de 30 ans n'ont jamais vu de frontière pour aller en France, en Allemagne ou au Grand-Duché. Pas de frontière dans le Thalys, ni sur l'autoroute. Pour nous c'est de l'histoire ancienne. La situation est radicalement différente dans les pays de l'ancienne Europe de l'est, où l'on n'oublie pas le rideau de fer. Hongrois, Tchèques, Slovaques tiennent à des frontières dont ils n'ont conquis la maîtrise que très récemment. C'est l'attachement (ou pas) aux frontières nationales qui divise aujourd'hui les opinions publiques européennes. Les européens ne peuvent plus se comprendre à cause de frontières si faciles et rapides à ériger en Hongrie alors que si demain il fallait les rétablir en Belgique, on ne voit pas très bien qui s'en chargerait (l'intérieur ? les douanes ? l'armée ?) et comment il s'y prendrait.

Les états restent, les frontières disparaissent: c'est en partie sur cette promesse de plus de liberté de mouvement et de commerce que repose le projet européen. Depuis 48 heures la frontière s'est déplacée, cette promesse est entre parenthèses.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Tous les sujets de l'article

Articles recommandés pour vous