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Politique

"Quotidien" : pourquoi le RN a demandé que Yann Barthès soit auditionné par les députés

DECRYPTAGE - Le présentateur vedette de la chaîne TMC Yann Barthès (Quotidien) va être auditionné ce mercredi 27 mars dans la matinée, dans le cadre de la commission d’enquête sur l’attribution des chaînes de la TNT. Une victoire pour le Rassemblement national.

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L'équipe de Quotidien en septembre 2019 avec, au centre portant un pull rouge, l'animateur Yann Barthès.
L'équipe de Quotidien en septembre 2019 avec, au centre portant un pull rouge, l'animateur Yann Barthès.
AFP / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT
L'équipe de Quotidien en septembre 2019 avec, au centre portant un pull rouge, l'animateur Yann Barthès.
"Quotidien" : pourquoi le RN a demandé que Yann Barthès soit auditionné par les députés
Charles-Edouard Ama Koffi
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Elle est l’une des dernières émissions de télévision à ne pas inviter le Rassemblement national. Et elle en est fière. Depuis plusieurs années, « Quotidien », présentée par l’animateur Yann Barthès, revendique de tenir un « cordon sanitaire » en refusant l’extrême droite sur son plateau. Mais cette époque pourrait bientôt être révolue. Ce mercredi 27 mars à 9 heures, le présentateur de l’émission diffusée sur TMC va devoir répondre aux questions des députés de la commission d’enquête sur l’attribution des nouvelles fréquences de la TNT. Parmi eux, plusieurs élus du RN comptent demander des comptes aux équipes de l’émission concurrente de « Touche pas à mon poste » dont le présentateur, Cyril Hanouna, a été auditionné il y a quelques jours.

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En plus de Yann Barthès, les députés vont pouvoir interroger Ara Aprikian, le directeur général adjoint des contenus de TF1, Thomas Courcelle, le directeur de la conformité des programmes, Laurent Bon, le gérant de la boîte de production de l’émission Banguimi, ainsi que Julien Bellver, journaliste et chroniqueur de « Quotidien ».

« On fait un peu ce qu’on veut »

Ce dernier a provoqué la colère de plusieurs députés du parti d’extrême droite après une petite phrase prononcée sur le plateau de Sud Radio pour justifier l’absence du RN parmi les invités de l’émission. « Nous sommes une chaîne privée donc on fait un peu ce qu’on veut », avait-il assumé Une position qu’Olivier Véran, député et ancien porte-parole du gouvernement, avait saluée sur le plateau de « Quotidien » quelques jours plus tard : « Bravo pour ça, parce que les digues vous savez ce que c’est. »

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Il n’en fallait pas davantage pour provoquer Thomas Ménagé, le député RN du Loiret, qui a donc demandé que l’un des ennemis cathodiques de son parti soit auditionné. « Cela semblait assez fou d’entendre Quotidien dire qu’ils n’invitaient pas tout le monde, s’étonne le député auprès de Challenges. On considère qu’une chaîne privée ne fait pas ce qu’elle veut et il semblait logique que la chaîne TMC soit parmi les premières à être auditionnées. Voyant la commission se terminer, j’ai donc demandé à son président d’auditionner ses membres », justifie-t-il.

Une demande acceptée par le président de la commission, Quentin Bataillon, qui a mis en avant le « pluralisme » des débats. « Je ne souhaite pas être un président qui empêche cette commission et le nom de M. Barthès est revenu plusieurs fois au cours de nos auditions, c’est la raison pour laquelle j’ai accédé à cette demande », explique le député Renaissance du Loiret à Challenges. A titre personnel, il estime d’ailleurs que refuser d’inviter le RN sur l’émission leur donne l’occasion de se « victimiser ».

Pour autant, Quentin Bataillon ne souhaite pas que cette audition soit « le procès d’une personne ou d’un groupe de presse » mais plutôt le lieu pour « comprendre et échanger pour que chacun apporte sa vision du pluralisme ».

Yann Barthes (à gauche) lors du défilé Céline à Paris, en janvier 2019.

Yann Barthes (à gauche) lors du défilé Céline à Paris, en janvier 2019. Crédit: SIPA

Des inimitiés de longue date

Le contexte est pourtant lourd. En effet, les inimitiés entre « Quotidien » et le Rassemblement national remontent à loin. Depuis plusieurs années, le parti présidé par Jordan Bardella refuse l’accréditation des journalistes de l’émission à ses meetings et réunions publiques. Lors de la campagne présidentielle de 2022, Marine Le Pen avait assumé ce choix en déclarant qu’il « n’y avait pas de journaliste chez Quotidien ». Une conception singulière de la presse toujours assumée aujourd’hui par le RN, alors qu’il n’est par exemple pas obligatoire d’avoir une carte de presse pour exercer ce métier. « On fait la distinction entre l’information et l’infotainment », explique l’ancien journaliste et actuel député RN Philippe Ballard auprès de Challenges. Ce mélange entre l’information et le divertissement est pourtant l’une des recettes de Cyril Hanouna sur « Touche pas à mon poste », où les élus RN se rendent régulièrement.

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Le timing de la demande d’audition de Yann Barthès interroge aussi car la demande est intervenue après les auditions des membres de la galaxie des médias du groupe Bolloré, dont les passages devant la commission d’enquête ont largement été commentés. « On a tous compris que pour LFI et les écolos, la manœuvre derrière les auditions était de se payer Bolloré contre qui ils sont entrés en combat idéologique, analyse Philippe Ballard. Nous, on va faire cette audition plus intelligemment qu’eux, assure l’élu de l’Oise. On va simplement demander à Yann Barthès pourquoi il se comporte de cette manière avec nous. »

Une réconciliation possible ?

Longtemps boudé par les médias et ostracisé de la scène médiatique, le parti de Marine Le Pen a depuis pris sa revanche en faisant irruption sur la majorité des plateaux de télévision. Sa stratégie de dédiabolisation entamée en 2011 n’est toutefois pas terminée puisque, dans les urnes, le RN se heurte toujours à un plafond de verre. Lors de deux dernières élections présidentielles, le réservoir de voix de Marine Le Pen au-delà de ses électeurs ne lui a pas permis de réellement se battre au second tour, malgré une progression en 2022 (41,45 %).

Le refus de « Quotidien », symbole pour le RN des électeurs de gauche et urbains, cristallise sans doute ce dernier bastion de résistance électorale. « On n’attend pas de Quotidien qu’ils distribuent des brevets de respectabilité et ce n’est pas une invitation qui va signifier que nous le sommes ou pas, réfute Thomas Ménagé. Par principe, ces chaînes sont données indirectement par les Français et il est logique qu’ils y soient tous représentés. » A noter que, grâce à des enregistrements des élus du RN diffusés en plateau, le programme de TMC parvient à respecter les temps de parole. Une stratégie également utilisée par CNews pour respecter le temps de parole des écologistes, qui refusent, eux, de se rendre sur le plateau de la chaîne.

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Du côté du RN, la main est tendue en vue d’une réconciliation. « Si demain, ils ne diffusent pas seulement des séquences de nous ailleurs et qu’ils font du vrai journalisme en nous invitant en plateau, il y aura une évolution de notre part aussi pour les accréditer à nos événements », avance le député RN. L’émission « Quotidien » ferait-elle évoluer sa position ? Réponse dans quelques heures.

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