REPORTAGE – Une mobilisation citoyenne a eu lieu mardi 26 mars 2024 devant le collège Lucie-Aubrac à Villeneuve. Parents, professeurs et élèves se sont donné rendez-vous à midi pour enterrer un cercueil symbolisant l’égalité des chances. Le but : dénoncer la mise en place de groupes de niveaux au collège.
Devant le collège Lucie-Aubrac règne une atmosphère presque solennelle. Des enseignants de collège, suivis de parents et d’élèves, ont enterré un cercueil à l’effigie de l’égalité des chances. Une manifestation pour manifester leur mécontentement face à la nouvelle réforme des collèges visant à instaurer des groupes de niveaux .
Lors d’une étude réalisée sur Pisa, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves, le gouvernement a en effet constaté que les élèves étaient de moins en moins performants en français et en mathématiques. La solution proposée ? Réformer le collège en créant des « groupes de besoin ».
Publié au Journal officiel dimanche 17 mars 2024, l’arrêté stipule que les enfants seront séparés de leur classe en mathématiques et en français pour intégrer des groupes de niveau. Une mesure qui prendra effet pour les 6e et les 5e à la rentrée de septembre 2024.
Des enseignants et des parents d’élèves inquiets
Cependant, cette nouvelle réforme inquiète le corps enseignant, tout comme les parents. Au collège Lucie-Aubrac, elle est perçue comme la fin d’une éducation permettant à tous de réussir. D’où l’organisation de l’enterrement de l’égalité des chances. « Cette réforme installe un tri social. Ce sont les élèves les plus précaires qui seront en première ligne », alerte Robin, professeur de musique au collège Vercors.
Parmi les conséquences redoutées de cette réforme, la plus importante semble être la stigmatisation des collégiens. Les enseignants s’inquiètent ainsi des effets néfastes sur leur avenir. Les élèves s’auto-persuaderont en effet, selon eux, de leur incapacité à réussir s’ils sont dans un groupe de niveau faible. « Cette réforme va à l’encontre de toutes les recherches pédagogiques menées ces dix dernières années », rappelle Damien, professeur d’EPS au collège Lucie-Aubrac.
Certes, les groupes de niveau à l’école ne sont pas une nouveauté. Les enfants sont parfois amenés à travailler dans un groupe adapté. Cependant, cette démarche n’est pas généralisée et dépend des habitudes de travail des professeurs. « En natation, lorsque des élèves ne savent pas nager, je les répartis en groupes de niveaux. Mais cela concerne seulement une compétence et, après, les élèves reviennent dans leur classe », explique Véronique, également professeure d’EPS au collège Lucie-Aubrac.
Une réforme des groupes de niveaux difficile à mettre en œuvre
Au niveau organisationnel, cette réforme paraît par ailleurs compliquée à mettre en place. Ne disposant pas assez de classes pour faire cours à autant de groupes différents, le collège Lucie-Aubrac va ainsi devoir élargir l’amplitude des horaires de cours. Les élèves pourraient donc avoir cours de 17 heures à 18 heures. Une décision allant à l’encontre de l’avis des enseignants, qui rappellent l’épuisement physique des collégiens dès 16 heures.
En plus de la stigmatisation et du rallongement des horaires de cours, se pose la question de l’apprentissage du savoir-vivre. Le collège est en effet l’endroit où les adolescents apprennent le vivre-ensemble et le respect envers l’autre. Comment transmettre ces valeurs aux élèves quand on les trie suivant leur relative réussite scolaire ?
« On en a vécu des réformes absurdes avec lesquelles on essaye de faire quelque chose. Mais cette réforme ne se résume pas à l’absurdité, elle est dangereuse », souligne Célia, institutrice de maternelle à Villeneuve.
Une mobilisation forte à tous les niveaux
Quant aux parents d’élèves, ils se mobilisent aussi contre cette nouvelle réforme. Dans le cadre de l’opération « Collège noir » qui suivra cette manifestation, mercredi 27 mars 2024, ils sont invités à ne pas mettre leurs enfants à l’école pour témoigner de leur soutien au corps enseignant. « C’est important de se battre pour les futurs collégiens. Le collège va devenir le lieu d’inégalités sociales totales », juge Kalia, mère de deux collégiens scolarisés à Lucie-Aubrac.
Les enseignants continueront aussi à manifester. Ils appellent les autres collèges à se réunir et à venir à l’assemblée générale de l’éducation se tenant mardi 2 avril 2024 à 11 heures. Leur souhait : créer un mouvement massif afin d’obtenir de meilleures conditions de travail.
Une réflexion sur « Le collège Lucie-Aubrac se mobilise contre la réforme des collèges et ses groupes de niveaux »
Les enfants sont tous les mêmes à la naissance, et tous différents après. L’égalité des chances n’est pas le nivelage des niveaux. Ne pas le reconnaître est de l’hypocrisie et n’aide ni les bons ni les moins bons élèves.