Comment la CNIL a vu le jour, il y a 50 ans

23 mars 2024 à 10h01
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La CNIL a vu le jour le 21 mars 1974, après la publication d'un article choc dans le journal Le Monde © Stephane de Sakutin / AFP
La CNIL a vu le jour le 21 mars 1974, après la publication d'un article choc dans le journal Le Monde © Stephane de Sakutin / AFP

Il aura suffi d'un article à la une du journal Le Monde en mars 1974 pour qu'éclate un scandale d'État conduisant à la création de la CNIL telle que nous la connaissons aujourd'hui.

« Safari, ou la chasse aux Français », tel était le titre de l'article que les lecteurs du journal Le Monde ont pu découvrir le 21 mars 1974, il y a 50 ans. Il révélait l'existence d'un projet « d'informatisation et d'uniformisation » visant à faciliter le travail des agents du ministère de l'Intérieur. Une sorte de banque de données de citoyens répertoriés en fiches.

Il n'en a pas fallu plus pour faire remonter le scandale jusqu'aux plus hautes instances de l'État et c'est le Premier ministre de l'époque, Pierre Messmer, qui s'est chargé d'éteindre l'incendie en tuant ce projet dans l'œuf. Dans la foulée, il a ordonné la création d'une commission afin d'établir un cadre juridique à l'utilisation de ces informations. Quatre ans plus tard, le 6 janvier 1978, la loi « informatique et libertés » est votée. C'est ainsi que la Commission nationale de l'informatique et des libertés est créée et joue toujours le rôle de gendarme numérique en 2024.

Aux origines de la CNIL, une demande interne de modernisation de la part de l'Insee et déjà des inquiétudes sur la vie privée des Français

Comme bien souvent dans le cadre de modernisation d'un système, deux écoles s'affrontent. Les partisans du progrès qui, à l'instar des informaticiens de l'Insee de l'époque, trouvaient utile d'informatiser des fiches de statistiques jusqu'ici rédigées à la main, confrontés aux traditionalistes qui craignaient déjà que les dérives d'un tel système nuisent à la vie privée des citoyens. Là encore, la polémique enfle et Safari fait l'objet de toutes les rumeurs que l'Insee a bien du mal à faire cesser.

Et pour cause, la France et le monde baignent dans une ambiance d'espionnages divers et variés, entre la découverte de micros cachés au sein de la rédaction du journal Le Canard enchaîné, ou le scandale du Watergate qui entraînera la démission du président américain Richard Nixon en août 1974. Dans ce contexte de crise de confiance, le projet Safari, qui prévoit le croisement de divers fichiers des services de l'État (police et renseignements), n'a pas bonne presse.

La Commission « informatique et libertés » qui donnera naissance à la CNIL viendra apaiser ce climat délétère. Si aujourd'hui, elle n'a quasiment pas pris une ride alors qu'elle a été créée bien avant qu'Internet n'entre dans la plupart des foyers de l'Hexagone, elle a tout de même été renforcée par le Règlement général sur la protection des données européen, le RGPD.

Capture d'écran du projet Safari en une du journal Le Monde du 21 mars 1974 - © Clubic
Capture d'écran du projet Safari en une du journal Le Monde du 21 mars 1974 - © Clubic

50 ans plus tard, la CNIL toujours aux manettes n'évite pas les dérives

Ce système d'informatisation des fichiers a eu beau effrayer les plus réfractaires ou visionnaires des années 1970, il a tout de même fait des petits. C'est ainsi qu'après la suppression des Renseignements généraux, remplacés par le fichier décrié EDVIGE, qui cèdera sa place à deux fichiers de renseignements spécifiques. Plus récemment, le STIC et le FNAEG verront le jour également. Tous ces fichiers seront adoubés par la CNIL.

La Commission a aujourd'hui évolué et se tourne davantage vers les organisations que les personnes. Une transition lente du public vers le privé, avec des données plus précises, voire intrusives dans certains cas, puisque la plupart des entreprises détiennent des informations personnelles confidentielles.

Alors que l'informatisation et les nouvelles technologies facilitent le travail des agents de l'État sous l'œil de son gendarme numérique, les dérives craintes à l'époque du projet Safari se sont hélas avérées. En dehors des nombreuses informations que nous donnons tous les jours en acceptant par exemple les cookies des sites Internet que nous visitons, ou nos données que les sociétés se revendent, l'actualité nous rappelle que l'informatisation des données a également donné naissance à la cybercriminalité. La récente cyberattaque de France Travail, ayant exposé les données personnelles de plus de 40 millions de Français, en est la preuve.

Source : Le Monde

Mélina LOUPIA

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Commentaires (2)

ti4444
Et quel bilan ? Des databrokers français collectent nos données sans être rappeler à l’ordre ! Quand va t’on faire appliquer le rgpd avec des sanctions financières à ces spammeurs ?
Laurent_Marandet
On en est à safari puissance 1000… dire que l’on craignait JM Le Pen pour un risque de gouvernement totalitaire, on est allé, par petits pas, encore plus loin. Rien que les voitures radar privées ou la sulfateuse à pv de stationnement sont des ignominies. Sans compter l’ausweiss à QR code.
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