Perrine Emeriaud Buée : "Le diagnostic est tombé, avec une issue inéluctable. On s'est mariés à la veille de sa mort"

Ces femmes de moins de 60 ans ont dû continuer la bataille seules, car la vie en a décidé autrement. Comme Perrine Emeriaud Buée, 42 ans, veuve d’Emmanuel Buée depuis un an et demi. Pour aider les femmes veuves, elle a créé des groupes de parole, les petites veuvries.

Le nom de Perrine Emeriaud Buée nous est apparu le 14 février dernier, à l’occasion de la Saint-Valentin. La quadragénaire organisait alors la quatrième session des "petites veuvries", des espaces de parole destinés aux femmes de moins de 55 ans qui ont perdu leur moitié. On les appelle également "les veuves précoces". C’était la quatrième fois qu’elles se réunissaient pour parler, se soulager de leur peine. Bien qu’elle soit omniprésente dans les esprits, la mort reste taboue. Et lorsqu’elle foudroie indirectement, elle peut l’être tout autant. C’est ce que dénonce Perrine Emeriaud Buée, une maman de 42 ans, veuve depuis un an et demi. Elle et son mari Emmanuel sont tombés amoureux il y a sept ans. "Au bout de trois ans de relation, le diagnostic du cancer du côlon multi métastasé est arrivé, avec une issue inélectulable, dont on ne connaissait pas le timing.". Perrine et Emmanuel étaient les heureux parents d’une petite fille, Louise, lorsque le diagnostic de cancer incurable est venu détruire l’équilibre de la petite famille.

"On s’est toujours dit qu’on se marierait"

Pendant trois ans, la vie de cette famille ressemble à une bataille perdue d’avance : "Je l’ai accompagné dans ce combat, avec des chimios tous les 15 jours, avec une préparation à cette issue de la mort. Ce qu’on appelle le deuil blanc."

Emmanuel, Perrine et Louise vivent "un dernier été" à Noirmoutiers, dans la maison des parents de Perrine. Ils optent pour l’hospitalisation à domicile "jusqu’au dernier souffle". Le couple s’était promis qu’il se marierait. Lorsqu’ils ont senti que la fin approchait, Perrine a fait avancer la date du mariage. "Il attendait vraiment cette date. Il souffrait énormément." Perrine et Emmanuel se sont mariés dans le salon des parents, entourés de tous leurs proches. La jeune mariée a rappelé tout le monde dans la nuit. À l’aube, les invités du mariage de la veille se réunissaient dans le salon familial pour dire au revoir à Emmanuel. "Il attendait vraiment le mariage puisqu’il est parti le lendemain. Il est parti avec cette image d’émotion, de pureté de l’amour" nous explique Perrine avec émotion. Pour eux, le mariage symbolisait "la preuve d’amour d'être unis jusque dans l’au-delà."

"Ce n'est pas la maladie qui est taboue, c'est la mort"

En un jour, Perrine Emeriaud Buée est passée de jeune mariée à veuve. "On utilise aussi le mot "survivante", puisqu’on survit au conjoint. C’est un terme qu’on n’aime pas trop." Son drame lui fait prendre conscience du caractère tabou de son statut, celui de veuve précoce.

Après le deuil blanc, qui caractérise l'accompagnement vers la mort, la maman veuve a compris qu’elle se trouvait dans une zone floue : "On est accompagnés par les oncologues et les médecins jusqu’à la mort. Après, on est complètement laissés à l’abandon." Même le corps médical fait montre d’opacité : "Ce n’est pas la maladie qui est taboue pour eux. C’est la mort. Je n’en connais pas la raison."

Pendant deux mois, la maman de Louise se retrouve seule à gérer l’après. Seule dans la douleur, sans savoir auprès de qui se confier. Après deux mois, elle reçoit un appel de la Caisse des Assurances Maladies qui la renseigne sur les diverses aides qui existent pour accueillir la parole des personnes veuves. "C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé mon acheminement vers des associations et des groupes de parole parce que c’est vraiment salvateur. Ça apaise énormément."

Le silence de la société et la culpabilité

Le témoignage de Perrine Emeriaud Buée est d’autant plus nécessaire qu’il est rare. Le veuvage précoce est l’angle mort de la société. D’après elle, les survivants de la mort du défunt sont invisibilisés, faute à une société qui ne sait tout simplement pas comment s’y prendre : "C’est tabou d’un point de vue sociétal. On vit un tsunami intérieur et notre entourage ne peut pas le comprendre. On n’a pas envie de répéter toujours les mêmes choses, alors qu’avec d’autres veuves et veufs, on a tous ce besoin d’en parler."

S’ajoute à cet isolement, le poids de la culpabilité. Pour certaines veuves, dont le partenaire de vie a été fauché précocement, la question du jugement se pose : "Que pense l’autre des décisions que je prends ? Est-ce qu’il pense que je le trompe si je me mets en couple avec une autre personne ?"

D’après des chiffres de l’Insee, qui datent de 2013, on estime qu’en France, 5 millions de personnes sont veuves, dont 80 % de femmes. Parmi elles, 4 millions étaient mariées et 1 million pacsées ou concubines. Le veuvage précoce concerne les personnes qui ont perdu leur conjoint avant l’âge de 55 ans. Elles seraient, selon les chiffres de 2013, 500 000 dans cette situation.

Vidéo. Perrine Emeriaud Buée : "Le diagnostic est tombé, avec une issue inéluctable. On s'est mariés à la veille de sa mort"

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