Strade Bianche 2024 | 81 kilomètres en solo : Même Tadej Pogacar n'avait jamais fait ça

On commence à connaître Tadej Pogacar. Voilà quatre ans et demi, le gamin se révélait sur les routes de la Vuelta avant, quelques mois plus tard, de remporter le Tour de France, et Primoz Roglic avec, dans sa folie. On le sait capable de tout ou presque et pourtant, il nous a scotchés quand il a fait comprendre à Tim Wellens, son coéquipier chez UAE qui menait grand train, que son travail du jour était terminé. Il restait 81 kilomètres et en revanche, on ne doutait pas que les Strade Bianche 2024 connaissaient déjà leur vainqueur. Ce solo majestueux est le plus fou de la carrière de Pogacar, voici quelques précédents.

Depuis trois ans, la Via Santa Caterina ne sert plus de juge de paix aux Strade Bianche. Ce mur rendu mythique par Julian Alaphilippe et plus encore Mathieu Van der Poel voit désormais des solitaires se présenter à lui avant la Piazza del Campo, lieu de l'arrivée à Sienne. A la suite du Néerlandais, Pogacar avait inauguré la nouvelle tradition.

C'était déjà sur le Monte Sainte-Marie que le Slovène avait enflammé la course, attaquant dans la descente, preuve de sa technique supérieure à la moyenne, à la suite d'une accélération de Julian Alaphilippe. Personne n'avait pu suivre pour une échappée victorieuse de 49,2 kilomètres. Du jamais-vu sur cette course, rarement ailleurs dans l'ère moderne.

Dire que l'on ne connaissait pas encore Tadej Pogacar sur cette 20e étape de la Vuelta serait mentir puisque l'insolent avait déjà levé deux fois les bras sur le premier grand tour de sa carrière (9e et 13e étapes). Au matin de la 20e journée espagnole, le Slovène occupe la 5e place du classement général mais il a une idée derrière la tête et 1'18'' à reprendre à Nairo Quintana, troisième et dernier homme du podium. Alors, "Pogi" a accéléré dans l'avant-dernière ascension de la journée, le Puerto de Pena Negra.

Même le travail des Movistar de Quintana (3e au général) et Alejandro Valverde (4e au général) n'y a rien changé. C'est avec une minute et 32 secondes d'avance qu'il a coupé la ligne après 39 kilomètres en solitaire. Décoiffant, même pour lui, et un acte de naissance évidemment.

On le sait, Tadej Pogacar n'a aucun égal dans le peloton mondial sous la pluie. L'ours slovène aime trop les conditions dantesques et devient plus fort quand d'autres peinent un peu. Ce 3 juillet 2021, il n'a pas gagné, puisqu'au Grand-Bornand Dylan Teuns l'avait emporté depuis l'échappée matinale, mais il avait écrasé le Tour de France en attaquant à 32 kilomètres de l'arrivée et alors qu'il restait une ascension et demie à grimper.

Ce n'est pas ni la distance, ni la difficulté du parcours et pas la victoire non plus, qui rendent ce solo de Tadej Pogacar inoubliable mais l'écart avec ses rivaux. L'année précédente, il avait renversé le Tour sur le gong, dans le chrono de la Planche des Belles Filles, cette fois-là, il l'a tué dès la première étape de montagne. Son avance sur les autres favoris sur la ligne ce jour-là ? Trois minutes et 20 secondes, le tout en 32 kilomètres dont une vingtaine de descente.

En cette fin de saison 2023, Pogacar est rincé. Il a gagné 16 courses depuis la mi-février et il a fait du Tour des Flandres sa chose dans une campagne de classique ahurissante. Sur le Tour de Lombardie, la course qu'il domine depuis deux ans, il montre des signes de faiblesse, préférant notamment observer de loin quand Adam Yates a attaqué dans le Passo di Ganda.

Plus malin que les autres, sachant Primoz Roglic en difficulté dans l'exercice, "Pogi" s'est servi de la descente suivante pour se porter seul à l'avant et se concocter un petit matelas suffisant pour dégoûter ses poursuivants. Après deux succès au sprint en petit groupe en 2021 et 2022, Pogacar a innové en Lombardie avec un solo de 31 kilomètres. Preuve qu'il était fatigué, il avait même souffert de crampes dans le final. Ce qui n'enlève rien à sa performance du jour, au contraire.