Un jeune Allemand incarcéré à la suite de faits de délinquance, raconte son parcours à “Die Zeit” et les difficultés de la vie en cellule
Un jeune Allemand incarcéré à la suite de faits de délinquance, raconte son parcours à “Die Zeit” et les difficultés de la vie en cellule DESSIN D’EVA REVOLVER PARU DANS DIE ZEIT, HAMBOURG

En vrai, c'est comment. Être en prison à 17 ans

Die Zeit

[Toutes les semaines, nous publions un contenu de la série “En vrai, c’est comment” de Die Zeit, qui présente de courts témoignages. Cette semaine : le récit d’un jeune détenu.]

On s’habitue aux murs mais la vie en taule est monotone.

Je vis dans une unité à plusieurs, j’ai ma chambre à moi, beaucoup de PlayStation, pas d’Internet, levé tôt, couché tôt.

Mon meilleur moment : le foot avec les autres détenus.

Quand j’avais 15 ans et que j’étais encore en liberté, mon meilleur ami est mort. Je ne savais plus où j’en étais et je me suis mis à partir en vrille. J’ai remplacé mes vieux amis par d’autres.

Dans le centre de détention pour jeunes de Neustrelitz (Allemagne), en août 2019.  À l’époque, sur 185 personnes incarcérées, 89 étaient mineures.
Dans le centre de détention pour jeunes de Neustrelitz (Allemagne), en août 2019. À l’époque, sur 185 personnes incarcérées, 89 étaient mineures. PHOTO BERND WUSTNECK/dpa Picture-Alliance/AFP

“On se sentait forts”

Ça a commencé par de petites choses : on a mis le feu à un canapé qui était avec les encombrants. On a volé des trucs sur un chantier. On se sentait forts.

À cause de la drogue aussi, y en a qui prenaient de la MDMA, d’autres de la coke. Moi, je prenais de la coke.

Dans la prison pour mineurs de Neustrelitz, en Allemagne, en août 2019.
Dans la prison pour mineurs de Neustrelitz, en Allemagne, en août 2019. PHOTO BERND WUSTNECK/dpa Picture-Alliance/AFP

On s’est introduit dans une maison de vacances.

Quelques jours après, on s’est dit : “Merde, et les empreintes digitales ?”

Alors on est retourné à la maison et on y a mis le feu. Heureusement, elle était vide.

Une fois, on était sur l’autoroute en voiture. Il y avait un car qui roulait à côté de nous, rempli de touristes, des gens plutôt vieux.

J’étais au volant, le passager a lancé une pierre sur le car. Elle a touché l’arrière, les vitres se sont brisées.

Deux mois plus tard, la police était chez nous. J’ai avoué tout de suite, j’ai aussi avoué les autres trucs.

Quand je suis revenu du commissariat, j’ai tout raconté à mes parents. Ils étaient super déçus !

Après, j’ai voulu changer de vie et j’ai pris un boulot ferme, dans la construction.

“La vie continue là-bas”

Quelques mois plus tard, il y a eu le procès. Les gens du car étaient en face de moi. Ils ont raconté la peur panique qu’ils ont eue.

Dans le centre de détention pour jeunes de Hamelin (Allemagne), le plus grand du pays, en mai 2023. 387 jeunes âgés de 14 à 21 ans y étaient alors incarcérés.
Dans le centre de détention pour jeunes de Hamelin (Allemagne), le plus grand du pays, en mai 2023. 387 jeunes âgés de 14 à 21 ans y étaient alors incarcérés. PHOTO JULIAN STRATENSCHULTE/dpa Picture-Alliance/AFP

C’est là que j’ai compris à quel point c’était dangereux.

Je me suis excusé. Mais ils ont sûrement pensé que je disais ça juste pour avoir une peine plus légère.

J’ai eu un choc quand j’ai entendu la sentence : tentative de meurtre, plus de deux ans de prison. Je me suis dit : “Mais merde ! J’ai juste conduit la voiture.”

Depuis, je me dis : c’est comme ça. Je mérite d’être ici.

Je suis en train de faire une formation de cuisinier.

Je n’ai pas de vrais amis ici mais il y a quand même des gens avec qui je peux parler.

Avec mes amis de dehors, on se téléphone. C’est drôle, la vie continue là-bas.

J’ai le droit de rendre visite à ma famille de temps en temps. Je suis accompagné par quelqu’un de la prison. Il boit le café avec nous dans le salon de mes parents, c’est tout.

Dans le centre de détention pour jeunes de Schleswig (Allemagne), à l’automne 2016. Des prisonniers s’y préparent à leur futur métier grâce à un projet de réinsertion initié par la prison.
Dans le centre de détention pour jeunes de Schleswig (Allemagne), à l’automne 2016. Des prisonniers s’y préparent à leur futur métier grâce à un projet de réinsertion initié par la prison. PHOTO CHRISTIAN CHARISIUS/dpa Picture-Alliance/AFP

Encore un an, et je sors.

Je compte m’excuser vraiment auprès des gens du car.

Et je serai content de retrouver ma famille, mes amis. Et une bière bien fraîche, ah oui alors !—

Le détenu a 17 ans. Le juge d’application des peines a exigé que son nom ne soit pas publié au titre de la protection des mineurs.

Propos recueillis par Fabian Hillebrand

La source

Die Zeit est la publication allemande de référence.

Pointu et exigeant, ce (très) grand journal d’information et d’analyse politique, dont le siège se trouve à Hambourg, paraît tous les jeudis.

Il a été créé en 1946 dans la zone d’occupation britannique, après la défaite allemande au terme de la Seconde Guerre mondiale.

Il appartient au groupe Holtzbrinck.