Le cannabis, nouvelle herbe de Provence qui cartonne dans la métropole toulonnaise

Antoine Bersia, 27 ans, et Pablo Pastore, 28 ans, ont créé Les Biotanistes en Provence, une entreprise locale spécialisée dans la culture du chanvre. Reportage dans leur exploitation à Hyères.

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GAUTIER GUIGON Publié le 23/03/2024 à 09:30, mis à jour le 23/03/2024 à 09:30
Antoile Bersia, Les Biotanistes en Provence, cultivateur de cannabis à Hyères. Photo Florian Escoffier

La vallée de Sauvebonne est connue pour ses terres fertiles de schiste et de calcaire. Un terroir réputé pour ses vins et ses huiles d’olive. En quittant la route de Pierrefeu, on passe devant la Magnanerie de Saint-Isidore. Au bout du chemin de terre qui serpente à travers les vignes, se trouve un ancien corps de ferme. Rien ne laisse deviner que derrière ces vieilles pierres, se cache un laboratoire... de cannabis.

"On plante nos graines au mois de mars et on récolte à la mi-octobre. Ensuite on fait sécher nos 180kg d’herbe ici", explique tout sourire Antoine Bersia, le propriétaire des lieux.

Au-dessus de nos têtes, les plants de cannabis séchés dégagent une odeur puissante. Le jeune cultivateur nous reçoit au milieu d’un immense séchoir de 120m2, installé à l’étage de l’ancienne ferme familiale. "On a réalisé notre première récolte de chanvre en 2021. Du 100% bio, garanti sans engrais ni produits chimiques", affiche fièrement ce fils d’agricultrice.

Les têtes de cannabis sont ensuite stockées dans de gros barils, un étage plus bas, à l’intérieur du laboratoire fermé par une une lourde porte sécurisée. C’est dans cette même pièce que sont conditionnés les différents produits de la marque. Interdiction de pénétrer sans autorisation. Et les lieux sont bien gardés. "On s’est déjà fait voler sept fois... Du coup on a dû renforcer la sécurité, on a même pris un gros chien". Nous voilà prévenus.

Un produit bien-être

"Au début, on a contacté toutes les banques, mais elles ne suivaient pas. Impossible de créer un compte professionnel et de déposer un capital de départ. On a donc parlé de « plantes médicinales" sans évoquer le CBD... et c’est finalement passé! » Heureusement, le terrain familial d’un hectare, où pousse le cannabis, et le corps de ferme des grands-parents, entièrement rénové pour accueillir le laboratoire et la boutique, ont aidé le duo à se lancer.

La culture du cannabis est totalement légale. Les plants cultivés sur l’exploitation contiennent moins de 0,3% de THC, la substance psychoactive présente dans le cannabis. "Le CBD colle moins aux doigts, c’est plus piquant au nez aussi. Si on machouille une fleur le CBD ça va picoter la langue, contrairement au THC", analyse ce passionné. Mais à vue d’œil comme à l’odeur, impossible pour un novice de différencier le CBD autorisé du cannabis illégal.

"Le CBD est souvent associé à un produit stupéfiant ou à de la drogue, mais c’est faux!", rassure Antoine Bersia.

Pour faire évoluer les mentalités, les producteurs de CBD axent donc leur communication sur l’aspect bio et naturel de cette "herbe de Provence" particulière et les effets bénéfiques pour le corps et la santé. Objectif: intégrer leurs produits dans les rayons des magasins spécialisés "bien-être" comme Biocoop, et peut-être bientôt Naturalia ou Bio & Co.

La petite entreprise propose une quinzaine de produits, des sachets de CBD bien sûr, et aussi du miel, du savon, des infusions, et de l’huile 10% CBD, "le best-seller" de la marque, utilisée par les consommateurs comme antidouleur ou anti-inflammatoire. Le CBD serait efficace contre l’arthrose, l’arthrite ou les tendinites. Et de nouveaux produits sont à venir: l’huile et le baume de massage au CBD. Tous fabriqués en Provence.

Marché de niche

Un hectare de culture de cannabis peut produire jusqu’à 300kg par an. Ce qui représenterait un chiffre d’affaires de 600.000 euros pour les producteurs.

Pourtant, la plupart des boutiques de CBD vont se fournir à l’étranger où le prix au kilo est deux à trois fois moins cher qu’en France. Une manne financière qui aiguise les appétits. Mais les graines sont souvent à base de molécules synthétiques et l’origine du produit est parfois douteuse.

"Au début on a fait ça par passion, puis on s’est dit qu’il y avait de la place pour une production locale et une réelle traçabilité du produit", assure Antoine Bersia. Miser sur une herbe de qualité plutôt que sur la quantité. Un pari risqué mais stratégique: "Le marché arrive déjà à saturation. Il y a plus d’offre que de demande. C’est pourquoi on a choisi de se démarquer en étant la seule marque labellisée bio. Et tout est fait localement dans le Var, sans aucun traitement après récolte et une forte traçabilité grâce au QR Code sur nos produits".

Le marché du CBD est estimé à un milliard d’euros en France. Et les "Biotanistes" hyérois comptent bien se faire une place sur ce secteur de niche. " On a réalisé 150.000 euros de chiffre d’affaires en 2023. Notre objectif est de doubler le CA l’année prochaine, en employant du personnel supplémentaire et en développant la partie commerciale".

Les produits estampillés Les Biotanistes en Provence sont pour l’instant vendus en direct à la boutique de l’exploitation, en pharmacies, bureaux de tabac et boutiques spécialisées (voir encadré).

"Actuellement on réalise 90% de nos ventes en BtoB, de professionnel à professionnel. La prochaine étape sera donc de développer la vente aux particuliers et en ligne", prévoit le chef d’entreprise.

Le Var, eldorado du cannabis

On recense une vingtaine de producteurs professionnels déclarés dans le département. "La région toulonnaise est la plus propice de France pour la culture du cannabis. C’est pourquoi je mets en avant la production locale de notre terroir, où on cultive une herbe de qualité, de façon artisanale et biologique", assume Corentin Stefani, délégué de l’Association française des producteurs de cannabinoïdes.

Grâce à son climat exceptionnel, le Var attire de plus en plus de cultivateurs. "On produit localement une herbe de qualité avec de l’engrais bio et du fumier du centre équestre voisin. On vit simplement, on vend sur notre site ou en direct sur les réseaux sociaux", explique David Sigel de Da’Sy French Farmer, installé à Solliès-Toucas. Le "made in Provence" devient un gage de qualité dans la culture du cannabis.

THC/CBD: quelle différence?

Le cannabidiol (CBD) et le tétrahydrocannabinol (THC) sont tous les deux issus des feuilles et des fleurs de cannabis.
Ces deux molécules ont le même aspect, le même goût et la même odeur. Et pourtant, le CBD est autorisé en France car s’il a un effet anxiolytique, par exemple pour calmer le stress ou l’anxiété, les autorités de santé ont établi qu’il ne crée pas de dépendance. Le cannabis interdit, en revanche, est un psychotrope qui peut contenir une forte dose de THC, une substance psychoactive, ce qui en fait un produit addictif, stupéfiant et donc illégal.

Où acheter local dans la rade?

Les Biotanistes en Provence
Sur place à la boutique de la ferme, 9 074 route de Pierrefeu à Hyères. Et bientôt rue Lamalgue au Mourillon.

L’épicerie CBD de la Rade, 25 boulevard de la Corse Resistante à La Seyne-sur-Mer. Cette boutique ouverte en 2022 et tenue par Samy Kasoun, propose de l’herbe locale, la fleur de CBD La Toulonnaise, appréciée par les 18 - 35 ans. Et aussi des produits dérivés comme les huiles, le savon ou le miel, qui attirent une clientèle plus large, en quête de produits bien-être.

Chez Da’Sy French Farmer, en ligne 06.24.96.77.88 ou en direct: 113 chemin des Riourettes à Solliès-Toucas.

Les produits UnderSun (Ollioules) sont disponibles sur Instagram @undersun.france: fleur à fumer et à infuser, huile sub-linguale, bonbons ou biscuits au CBD, distribués chez Le Petit Biscuitier à Toulon.

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Var-Matin

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