Modifié

La pollution aux dioxines à Lausanne met en évidence une question d'inégalité sociale

À Lausanne, 3 ans après la découverte de la pollution à la dioxine la responsabilité n'est toujours pas établie
À Lausanne, 3 ans après la découverte de la pollution à la dioxine la responsabilité n'est toujours pas établie / 19h30 / 2 min. / le 28 mars 2024
Il y a trois ans, la pollution aux dioxines à Lausanne était découverte presque par hasard. Des chercheurs ont tenté de comprendre pourquoi elle n'avait pas pu être détectée pendant 50 ans et ont mis en évidence une question d'inégalité sociale dans le choix du site pour l'incinérateur responsable.


Les résultats de l'étude menée par l'EPFL, l'Université de Lausanne et Unisanté ont été présentés mercredi soir aux habitantes et habitants du quartier du Vallon à Lausanne, où se trouvait le fameux incinérateur de déchets responsable de la gigantesque pollution des sols.

"La plus vieille usine du monde" est une sorte d'enquête, un voyage dans le passé pour se plonger dans le contexte de l'époque, un contexte qui a conduit à cette pollution des sols avec des quantités phénoménales de dioxines.

Elle a été conduite en collaboration par les cinq chercheurs Fabien Moll-François, Céline Mavrot, Alexandre Elsig, Florian Breider et Aurélie Berthet.

>> Lire aussi : L'absence de plan d'assainissement irrite dans les quartiers lausannois pollués aux dioxines

Dans un quartier populaire et "déjà dégradé"

Pour leur analyse, les chercheurs ont eu accès à de très nombreuses archives du canton de Vaud, de la Ville de Lausanne ou de la Confédération. Ils ont ainsi pu retracer minutieusement le déroulé des événements et mettre en évidence une inégalité sociale dans le processus.

Concrètement, on apprend dans cette étude que le choix de l'implantation de cet incinérateur a suscité un vif débat dans les années 50 en raison de l'impact visuel de la cheminée sur le paysage. L'usine s'est finalement retrouvée au Vallon, un quartier populaire et industriel considéré comme "déjà dégradé et à même de soustraire la vue de l'usine au regard urbain en raison de sa situation de vallon encaissé", relèvent les chercheurs.

Des articles de presse disaient même à l'époque que "l'on ne pouvait pas faire plus laid et que ce n'est pas une usine de déchets qui changerait grand-chose". Le choix s'est donc porté sur ce quartier en cuvette avec l'idée que la cheminée ne ressortirait pas trop.

Une implantation qui a favorisé la pollution

Ce choix d'implantation a toutefois fortement contribué à la pollution actuelle, selon l'étude. En effet, puisque la cheminée était trop basse pour disperser les fumées de façon optimale, cela a favorisé les retombées des dioxines dans les sols autour de l'incinérateur.

Pour illustrer cette inégalité sociale, lorsqu'un deuxième incinérateur a été envisagé à la Blécherette dans les années 70, on apprend que les habitants du Mont-sur-Lausanne ont eu les moyens de faire opposition et de commander à l'EPFL un rapport sur l'impact environnemental et sanitaire.

Leurs revendications sont remontées jusqu'au Conseil fédéral, ce qui a conduit à l'abandon de ce deuxième incinérateur qui aurait grandement soulagé celui du Vallon, alors en surcapacité.

L'étude met également en lumière les problèmes de gouvernance entre la Ville, le canton et la Confédération qui ont grandement retardé la découverte de cette pollution aux dioxines.

>> Les précisions de La Matinale sur le mécontentement des habitants :

Le mécontentement des habitants et propriétaires grandit devant l'absence de plan d'assainissement des quartiers lausannois pollués à la dioxine. [Keystone - Laurent Gillieron]Keystone - Laurent Gillieron
Le mécontentement des habitants et propriétaires grandit devant l'absence de plan d'assainissement des quartiers lausannois pollués à la dioxine / La Matinale / 4 min. / le 28 mars 2024

Le Canton mène aussi une analyse historique

Ces observations académiques viennent compléter une autre analyse historique en cours menée par le Canton. Ce processus de compréhension a pour objectif de déterminer la part des responsabilités.

"Pour l’instant aucun manquement de l’Etat en matière de surveillance n’a été constaté concernant les dioxines. Nous avons démarré une série de projet pilotes pour assainir les sols, pour restaurer les sols. Nous ne pourrons pas évacuer les millions de mètres cubes de terres polluées et les mettre en décharge. Nous devrons trouver des solutions qui soient adaptées au différents lieux", a réagi le conseiller d'Etat Vassilis Venizelos dans le 19h30.

En tout, quelque 3000 parcelles publiques et privées devront potentiellement être assainies à Lausanne. Egalement interrogée dans le 19h30. la municipale lausannoise Natacha Litzistorf rappelle que la ville procède à plusieurs actions. "La bonne nouvelle, c'est que nous allons nous occuper des sols. Nous allons pouvoir tester des méthodes plus écologiques et plus économiques pour traiter la terre", explique-t-elle, précisant qu'un projet pilote est actuellement mené dans un des jardins les plus pollués aux dioxines.

>> Voir l'interview complète de la municipale lausannoise Natacha Litzistorf dans le 19h30 :

Natacha Litzistorf, conseillère municipale, revient sur le désarroi des habitants lausannois 3 ans après la découverte des sols pollués à la dioxine
Natacha Litzistorf, conseillère municipale, revient sur le désarroi des habitants lausannois 3 ans après la découverte des sols pollués à la dioxine / 19h30 / 3 min. / le 28 mars 2024

Foued Boukari/boi

Publié Modifié