Avec Reform UK, l'extrême droite fait son retour en force dans la politique britannique

A ceux qui pensaient que le référendum sur le Brexit avait neutralisé l'extrême droite en Angleterre, Reform UK est en train de prouver le contraire. Trois ans à peine après sa création, le parti héritier de l'UKIP , la formation europhobe de Nigel Farage, jouit d'une popularité croissante qui pourrait lui conférer un rôle charnière lors des prochaines élections générales, prévues au plus tard en janvier 2025. Longtemps à quelques pourcents dans les intentions de vote, il a récemment passé la barre des 10 %, plus très loin des conservateurs qui peinent à enrayer leur déroute .

Le dernier sondage Yougov, publié le week-end dernier, a créé une onde de choc chez les Tories. En cas d'élection, les conservateurs obtiendraient seulement 19 % des voix, talonnés de peu par Reform UK, à 15 %. Avec 44 % des voix, le Labour serait donné largement vainqueur, un scénario considéré comme quasi-acquis par les politologues.

L'élément nouveau dans ce sondage est que, en tenant compte de la marge d'erreur possible, il n'est pas exclu que l'extrême droite passe devant les Tories. Si l'on prend exclusivement l'électorat masculin, Reform UK est déjà devant, à 19 % des intentions de vote, contre 17 % pour les conservateurs.

Progression constante

Comment les Tories en sont-ils arrivés là ? Au lendemain du Brexit, l'extrême droite europhobe au Royaume-Uni semblait ne plus avoir de raison d'être puisque l'objectif - sortir de l'UE - avait été atteint. Son leader, Nigel Farage, avait démissionné en juillet 2016 , considérant la « mission accomplie ».

Le parti est brièvement réapparu pendant les négociations avec Bruxelles sous le nom de « Brexit party », pour militer en faveur d'une rupture « dure » avec l'Union européenne. Fin 2020, en plein Covid, il se rebaptise Reform UK et trouve un nouveau cheval de bataille avec les restrictions sanitaires, auxquelles les ultra-conservateurs étaient opposés. Avec la lutte contre l'immigration et la baisse des taxes, le parti a ensuite trouvé d'autres totems politiques pour déstabiliser le Parti conservateur.

Depuis, sa progression a été constante dans les sondages. Et on commence à voir quelques défections dans le camp des Tories. Le récent départ de Lee Anderson , ex-numéro deux du Parti conservateur, pour Reform UK, fait que l'extrême droite a désormais un député à la Chambre des communes. Ce n'était pas le cas jusqu'à présent.

Echecs du gouvernement

Son succès se nourrit des échecs du gouvernement conservateur, entre la chute de Boris Johnson, le fiasco du mandat de Liz Truss, et l'arrivée de Rishi Sunak qui peine à redresser la barre. L'actuel Premier ministre est particulièrement attaqué sur sa politique en matière d'immigration, alors que son projet de renvoyer les migrants clandestins vers le Rwanda s'est perdu dans les limbes des navettes parlementaires . Qui plus est, le nombre de visas délivrés a explosé depuis le Brexit, jetant une ombre sur l'action du gouvernement conservateur qui se targuait de pouvoir « reprendre le contrôle » des frontières.

Si Nigel Farage, l'ex-leader de l'UKIP, ne s'est jamais impliqué directement dans Reform UK, dirigé par Richard Tice, son ombre plane toujours sur le parti. Fin 2023, il a participé à une émission de téléréalité (« I'm a Celebrity ») dans la jungle australienne pour soigner son profil médiatique. Son poste d'animateur sur la chaîne GB News pourrait également lui servir de tremplin en vue d'un retour en politique. Selon Anthony Wells, sondeur chez Yougov, un retour de Nigel Farage pourrait faire gagner deux points de popularité à Reform UK. Tout juste de quoi combler l'écart avec les conservateurs.