Le collège communal de Tournai au sujet du projet de la société Belvalor à Ere : “La demande de permis est problématique dans son ensemble”
Les riverains du site autrefois occupé par les Textiles d’Ere et plus récemment par la société Omica Groups ne lâchent pas la pression depuis que la société Belvalor a déposé une demande de permis unique pour exploiter le site. Ils sont ressortis du conseil communal rassurés : le collège ne voit pas non plus le projet d’un bon oeil.
- Publié le 26-03-2024 à 13h11
Lundi soir, lors du Conseil communal, deux questions ont été posées sur le futur projet du site des Textiles d’Ere. Par le conseiller Guillaume Sanders (MR) d’abord. “Au niveau environnemental, il n’est un secret pour personne que le site en question est un site pollué. Or, il ressort du dossier de permis présenté que rien ne serait fait pour assainir complètement le site”. Le bureau d’étude Envirosoil avait pourtant bien identifié cette pollution antérieurement à la vente du bien de la société Omica Groups à la société Belvalor, et un devis de dépollution avait par ailleurs été établi, indique M. Sanders. “L’acte de vente précisait expressément l’obligation pour le propriétaire d’assainir voire de réhabiliter le site”.
Aucune mention du rapport d’Envirosoil ou encore du devis n’apparaît dans le dossier, et aucune attention n’a été portée à la pollution des nappes phréatiques, déplore Guillaume Sanders. “Cette nécessité de dépollution est pourtant un enjeu majeur du dossier”.
33.144 passages de camions
De surcroît, rappelle-t-il, un remblaiement portera l’assiette du site six mètres au-dessus de l’assiette existante, pour ensuite construire des entrepôts de 13m de haut. Ce projet produira une augmentation significative du charroi sur la chaussée de Douai mais aussi sur les boulevards de notre ville avec 580.000 tonnes de terres exogènes à transporter à l’aide de camions-bennes de 35 tonnes. “Cela représente16.572 camions, soit 33.144 passages de camions, sur la chaussée de Douai et sur les boulevards. Ce charroi laissera également des stigmates sur les routes. Regardez l’impact de la modification de l’itinéraire des camions depuis les inondations de début février sur la Grand-route à Gaurain-Ramecroix. Ou regardez l’état du boulevard Eisenhower depuis que les bus y passent plus fréquemment”.
Pour M. Sanders, si autant de terres seront amenées sur le site, ce ne sera pas par souci environnemental pour encapsuler la pollution mais “par opportunisme économique”. “Le remblai par des terres T5 (terres contenant des cailloux) pourrait s’avérer très lucratif pour la société Belvalor. Le prix de la tonne étant de 25 euros, pour 580.000 tonnes, cela pourrait leur rapporter 14,5 millions d’euros. Pour un achat de site à plus ou moins 1,2 million d’euros”.
Guillaume Sanders se rallie à l’opinion des riverains qui exigent un transfert vers des centres de concassage agréés des déchets de l’ancienne usine. “Ce transfert réglerait les nuisances sonores et surtout l’impact sur l’environnement. Accepter le concassage et dès lors autoriser le déploiement d’un concasseur sur place équivaut à faire entrer le loup dans la bergerie au vu des activités du propriétaire”.
Respecter la pente naturelle du terrain alentour
Gwenaël Vanzeveren, conseiller communal socialiste, a lui aussi rappelé le traumatisme créé dans le quartier par la société Omica. “Dans ce dossier, on parle d’un projet immobilier de hangars industriels. Or, l’objet social de Belvalor est principalement le stockage et le tri de déchets. Par ailleurs, l’importante opération de remblaiement (et ses conséquences), préalable à la construction des hangars, est une grosse source de préoccupation. Pourquoi cette volonté de remblayer une surface de sept hectares sur quatre mètres de haut alors que ces parcelles respectent et suivent parfaitement la pente naturelle du terrain alentour ?”
M. Vanzeveren se demande si le projet prévoyant l’installation d’un important champ de panneaux photovoltaïque ne va pas créer un déséquilibre dans le quartier. “Une partie de cette production électrique sera sans doute absorbée par l’entreprise, mais le surplus sera vraisemblablement renvoyé sur le réseau. N’y a-t-il pas un important risque de voir les petits producteurs (“ prosumers”) particuliers des alentours (jusqu’au centre d’Ere) subir des décrochages de leurs installations, et donc des pertes de rendement ?”
"La dépollution du site doit être complète"
Philippe Robert, l’échevin de l’urbanisme, précise au début de son intervention que le collège communal n’a pas encore remis d’avis sur cette demande. “Il s’agit bien d’un avis étant donné que ce sont les fonctionnaires technique et délégué qui peuvent, ou non, délivrer le permis. En effet, au vu du nombre d’intervenants lors de l’enquête publique, le service analyse chaque remarque avant d’en faire rapport au collège communal”.
L’échevin admet que la demande de Belvalor “est problématique dans son ensemble”.
Selon lui, la dépollution du site doit être complète et pas partielle. “Dans sa mouture proposée, le projet risque d’impacter la vie des riverains voisins mais aussi ceux du village d’Ere. Notamment par le ruissellement des eaux pluviales. Nous estimons qu’il faut éviter toute modification du relief du sol. Nous sommes d’accord avec les riverains, mais aussi avec les institutions invitées à remettre leur avis auprès du collège communal. Actuellement, le bâtiment se fond dans le paysage du fait qu’il est six mètres en contrebas de la voirie et suit la pente naturelle du terrain. Il faut éviter des hauteurs qui impacteraient la vue paysagère dans ce coin agricole du quartier".
Les chiffres annoncés dans la demande, en termes de mètres cubes de remblais ou de nombre de camions, sont extrêmement importants. Philippe Robert, au nom du collège, ne veut pas d’un “ballet de camions” sur les voiries communales. “Ces ballets engendreront des dégâts, ainsi que des nuisances pour l’ensemble de la population tournaisienne. Faire venir des terres de remblais de qualité T5, donc de mauvaise qualité, n’a aucun sens. De plus, vouloir concasser sur place amènera son lot de poussière et de bruit pour tout un secteur du quartier”.
Le collège voit d’un très mauvais oeil l’installation de panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles à l’arrière du site industriel. “Le collège suit scrupuleusement le décret de la Région wallonne en matière de protection des terres agricoles. Nous avons déjà refusé un permis pour une autre demande (NDLR : sur la zone économique de Tournai Ouest).”
Selon Philippe Robert, la société Belvalor s’est déjà retrouvée en infraction ailleurs en Belgique. “Or, pour ce genre de demande, la confiance doit être de mise. Nous nous posons aussi des questions sur l’objet social de la société qui n’est pas en adéquation avec sa demande actuelle. En effet, son activité principale est la gestion des déchets et non la location de bâtiments logistiques ou industriels. Les enjeux pour notre population sont trop importants. Nous ne remettrons pas d’avis à la légère, car il y va du bien-être de notre population”.