Whisky français : pourquoi il cartonne

En moins de quarante ans, les « blend », « single malt » et « pure malt » français ont essaimé dans tout l’Hexagone. Dernier en date, fin 2023, l’Ouche Nanon, premier whisky berrichon. S’il reste très en deçà en volumes, le whisky français pourrait bien devenir, à court terme, un concurrent sérieux pour les leaders écossais et irlandais. Explications.
A l’image du dernier né de la gamme des whiskies français, l’Ouche Nanon, le prix moyen des whiskies français se situe à 50 euros, ce qui reste abordable face aux écossais et irlandais de qualité identique.
A l’image du dernier né de la gamme des whiskies français, l’Ouche Nanon, le prix moyen des whiskies français se situe à 50 euros, ce qui reste abordable face aux écossais et irlandais de qualité identique. (Crédits : ( © Distillerie Ouche Nanon ))

Produit par la brasserie-distillerie éponyme à Ourouer-les-Bourdelins dans le Cher, L'Ouche Nanon est venu enrichir depuis peu la liste déjà bien étoffée des whiskies français. D'une vingtaine avant 2010, les marques hexagonales seraient désormais au nombre de 130 en 2024, évalue La Maison du whisky, entreprise de distribution de spiritueux. Après avoir sorti un Gin en 2016, Ouche Nanon commercialise depuis la fin de l'année dernière une gamme de trois whiskies « made in Berry ».

« L'orge utilisée pour la fabrication du whisky est produite par une exploitation agricole située à quelques kilomètres, où elle est maltée puis séchée, explique Thomas Mousseau, fondateur de cette brasserie artisanale en 2010. Les circuits courts et le local font partie de notre ADN ».

Pionniers bretons

Ce paramètre de proximité, qui s'est encore accru après la crise sanitaire, constitue l'une des explications de l'engouement des Français, parmi les premiers consommateurs mondiaux avec 200 millions de bouteilles par an - tous canaux de distribution confondus -, vis-à-vis de leurs propres whiskies. La qualité est désormais aussi au rendez-vous.

Lire aussiTabac et alcool : le coût pour les finances publiques excède largement les recettes fiscales

« Après les breuvages d'alcools neutres mélangés avec des "single malt" écossais, baptisés whiskies jusqu'au début des années 1980, les rares distilleries, essentiellement bretonnes, ont entamé une vraie montée en gamme, raconte Mathieu Acar, responsable Retail de La Maison du whisky. En 30 ans, la qualité s'est hissée au niveau des meilleurs crus écossais et irlandais ».

A la clé, des investissements très lourds notamment au plan des machines et des alambics, comme à la distillerie Warenghem à Lannion qui exploite la marque Armorik, pionnière du whisky hexagonal. Les types de levures, de céréales, de tonneaux ont également été revus de fond en comble. Résultat, la variété des gammes s'est aussi accrue avec une offre de « blend », de « single malt », de « pure-malt », ainsi que de whisky tourbés et fumés, à l'instar des flacons de la distillerie Arlett à Cognac.

Exemple japonais

Si l'acte de naissance du whisky français date de 1987 avec le WB (Whisky Breton), puis l'Armorik produits par Warenghem, il est resté cantonné en Bretagne pendant une dizaine d'années.

« Nous cherchions de nouveaux marchés de diversification face à l'essoufflement des liqueurs, notre activité historique, se remémore David Roussier, directeur général de la Distillerie Warenghem. Celtes comme les Ecossais et les Irlandais, les Bretons étaient les seuls dans l'esprit du consommateur à avoir la légitimité de produire du whisky, contrairement aux autres régions françaises ».

L'importation massive de whiskies japonais en France à partir de 2010 a bousculé ce crédo et a changé radicalement la donne. Elle a en effet été l'un des moteurs à la reconversion de distilleries existantes et à l'essaimage de nouvelles unités dédiées aux whiskies partout dans l'Hexagone.

Après la première vague avant 2010 portée notamment par les Bretons Armorik et Eddu, le Lorrain Rozelieures, le Nordiste Wambrechies et l'Alsacien Uberach, la déferlante atteint rapidement les autres territoires. Les régions viticoles comme le Bordelais, les Charentes et le Cognac comptent logiquement le maillage le plus important avec les marques Roborel de Climens à Saint Emilion, Bellevoye à louchats, Bastille 1789 à Angoulême ou encore Fontagard à Cognac.

D'autres territoires sont aussi concernés, comme la Normandie avec Le Breuil, l'Isère avec les Hautes glaces ainsi que la Picardie avec Hautefeuille. Même le Loiret compte son whisky, le Lagomorphe, depuis novembre 2023.

Lire aussi Gin, Vodka, Whisky... Comment Busnel, le roi du calva, se diversifie

Grande distribution

Constitué ultra majoritairement de TPE indépendantes, le parc des fabricants de whisky français ne représente, à ce stade, que 1% de la consommation totale, soit 1,5 million de bouteilles vendues pour 6 millions de flacons produits. Or, ce pourcentage marginal pourrait croître rapidement, et ce, pour deux raisons, avance Mathieu Acar.

« Après les premières étapes de création des distilleries de whisky, la filière devrait être investie avant 2030 par les majors de spiritueux comme Pernod Ricard, Diageo et LVMH, pronostique cet expert. C'est déjà le cas pour les Hautes glaces racheté en 2017 par le groupe Rémy Cointreau ».

L'autre accélérateur ? La grande distribution. Et pour cause, elle investit, à son tour, ce segment des spiritueux. Certaines enseignes sont passés en effet par les gros négociants, comme Hepp en Alsace et les Brûleries modernes en Charente, pour lancer leur propre marque, à l'image de Système U avec la marque The French Flanker. Dans un marché du whisky stable, voire en léger recul dans l'Hexagone, la part de la production française est désormais estimée à 5% d'ici trois ans.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 20/02/2024 à 3:33
Signaler
Vive le made in France pour une cirrhose 100% française🤣.

à écrit le 19/02/2024 à 17:40
Signaler
"un concurrent sérieux pour les leaders écossais et irlandais." s'ils sont différents, les gens feront leur arbitrage vs leurs goûts (on fait aussi de la vodka française, me semble, sais plus où). Si ce sont des clones là, ça sera le prix qui fera le...

à écrit le 19/02/2024 à 13:47
Signaler
Parce qu'en France on fait tout mieux que les autres😃

à écrit le 19/02/2024 à 13:36
Signaler
Il faut bcp de temps pour mettre en place un modèle économique qui permette de dégager les bénéfices pour mettre en vieillissement au delà de 10 ou 15 ans une partie de la production. Et après il faut attendre ce 10-15 ans pour vendre. Et en effet c...

à écrit le 19/02/2024 à 12:49
Signaler
Vois avez oublie quelques aspects crucial pour faire un whisky authentique: l'air, le pit, l'eau, et un maitre distillateur. Coller une etiquette sur un bouteille avec un substance marron ne suffit pas, au moins pour les connaisseurs.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.