Huit talents nordiques font craquer les coutures entre mode et design dans une exposition gratuite sur les Champs-Élysées

Qu’est-ce qui distingue la mode du reste de l’art ? Tout. Et rien en même temps. C’est le fil rouge tissé par « Liminal Objects, une mode critique contemporaine », la dernière exposition du Bicolore, espace d’art contemporain au sein de la Maison du Danemark, dont les drapeaux pavoisent un immeuble de l’avenue des Champs-Élysées.

Entre art, artisanat, design et mode, c’est sur le plateau en bois brut du Bicolore que se tient un audacieux défilé de créations. Robe en petites cuillères, escarpins en bracelets de montre, canapé tout en sacs de cuir, patchwork de lainages… On doit ces pièces exceptionnelles à l’imaginaire fluide et foisonnant de huit pointures de la mode et du design d’origine nordiques.

Une interrogation de l’entre-deux

Habitués des Fashion Week, ces artistes ont été invités par la commissaire d’exposition Ane Lynge-Jorlén à dévoiler un pan de leur vestiaire autour du thème de la « liminarité » : « Cette notion renvoie, explique Ane Lynge-Jorlén, au fait de se trouver des deux côtés, dans une phase de transition, à la limite de deux mondes, et à la coprésence d’opposés. »

Ayant pour trame commune, le recyclage, l’upcycling ou le travail à la main, les créateurs présentés au Bicolore œuvrent dans l’entre-deux. L’étonnement, le questionnement, les marges et les frontières se mêlent dans cette présentation. À l’entrée de l’exposition, Jenny Hytönen, lauréate du prix du public au festival de Hyères en 2022, a tricoté une union sacrée entre l’humain et la technologie, avec un voile en maille de fil de pêche brodé de plus de 20 000 perles de verre. Sous ce drapé qui accroche la lumière, un système de LED bat au rythme du cœur de la personne qui le revêt.

Entre critique de l’idéal corporel et nostalgie de l’enfance

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Plus sulfureux est le propos de Cassie Augusta Jørgensen, laquelle donne corps, avec un immense trench-coat rouge en PVC suspendu dans l’expo, au personnage transsexuel du film Pulsions (Dressed to Kill) de Brian De Palma (1980). On continue avec les sculptures de la Danoise Ida-Simone Brerup puisant, pour critiquer la notion d’idéal corporel, dans les encombrantes robes à paniers des femmes de l’époque victorienne qu’elle métamorphose en grosses jupes fluo. Gonflé ? Sûrement pas autant que l’énorme bulle qui enveloppe Moments of Clarity, pièce de 2019 signée du Norvégien Fredrik Tjærandsen qui évoque ces doux moments de l’enfance où nous étions protégés. La mode c’est aussi une émotion intime.